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À Royan, l'architecture des fifties de retour en grâce
information fournie par AFP 13/06/2025 à 12:35

L'église Notre-Dame de Royan de l'architecte Guillaume Gillet, à Royan, en Charente-Maritime, le 22 mai 2025 ( AFP / Christophe ARCHAMBAULT )

L'église Notre-Dame de Royan de l'architecte Guillaume Gillet, à Royan, en Charente-Maritime, le 22 mai 2025 ( AFP / Christophe ARCHAMBAULT )

Devant la villa Grille-Pain, une visite guidée s'attarde pour observer la cage d'escalier, en arcs bleus et pavés de verre, qui s'incurve sur la façade. Après un long désamour, la ville de Royan revendique son patrimoine des années 1950, devenu tendance.

"Il a fallu du temps pour regarder cette architecture différemment. Pendant des décennies, on ne voyait que du béton, donc +c'était moche+", relate Charlotte de Charette, responsable du service du Patrimoine de la commune.

Après les bombardements alliés de 1945, la Perle de l'Atlantique et ses villas Belle Époque sont un champ de ruines. La cité balnéaire doit alors être reconstruite selon une architecture néoclassique héritée des années 1930, mêlée d'éléments régionalistes.

Mais la lecture d'une revue spécialisée, par l'architecte-urbaniste en chef Claude Ferret et son équipe, change la donne: ils y découvrent le complexe de Pampulha au Brésil, dessiné pour la ville de Belo Horizonte par Oscar Niemeyer, dont le modernisme tropical va nettement influencer leurs travaux.

"La reconstruction de Royan s'est enrichie d'un vocabulaire lyrique et joyeux, à l'opposé de la rigueur des lignes d'un Le Corbusier, lui-même inspirateur de Niemeyer", commente Vincent Bertaud du Chazaud, ex-architecte-conseil pour la ville et auteur de plusieurs ouvrages. "Le tropicalisme se traduit ici en héliotropisme avec une architecture qui s'offre au soleil et tempère ses ardeurs."

Claustras, auvents, brise-soleils, persiennes et pergolas favorisent les jeux d'ombres et de lumière. Pilotis, hublots, escaliers hélicoïdaux, emploi de couleurs vives et autres détails inventifs créent des effets en façade.

- Prise de conscience -

Reste que cette architecture a longtemps été mal aimée. "Pour les habitants, il était difficile de se projeter dans une ville aussi neuve, aussi innovante et pas bourgeoise", explique Pascale Francisco, directrice du Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) en Charente-Maritime.

Une villa des années 1950, à droite, et une autre de la fin du XIXe siècle, à gauche, face à la mer à Royan, en Charente-Maritime, le 21 mai 2025 ( AFP / Christophe ARCHAMBAULT )

Une villa des années 1950, à droite, et une autre de la fin du XIXe siècle, à gauche, face à la mer à Royan, en Charente-Maritime, le 21 mai 2025 ( AFP / Christophe ARCHAMBAULT )

Claude Ferret leur répondait qu'il "ne faisait pas Royan pour eux mais pour leurs enfants". Mais personne ne s'émeut, en 1985, quand son casino, chef d'œuvre des fifties, est détruit pour laisser la place à un projet immobilier... jamais réalisé. "Comme au spectacle, on regardait la grue faire table rase" du passé, se remémore l'adjointe à la Culture, Nadine David.

Cette destruction entraîne cependant une prise de conscience de la valeur de ce patrimoine, qui conduit à protéger notamment l'église Notre-Dame, édifice de béton brut classé aux Monuments historiques en 1988.

En 1996, une Zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) est créée, transformée en Site patrimonial remarquable (SPR) vingt ans plus tard, et la municipalité obtient le label Ville d'Art et d'Histoire en 2011.

Fière de son identité, Royan revendique désormais pleinement son héritage.

Elle a rénové plusieurs bâtiments emblématiques, dont sa "cathédrale de béton", ainsi surnommée par André Malraux, victime de la carbonatation de son béton brut de décoffrage: le sel du sable marin utilisé pour la construire fait rouiller les armatures métalliques et éclater la pierre. Le palais des congrès a aussi déjà bénéficié d'une rénovation et celle du front de mer est en cours.

- Unique -

"Ces architectes, proches des Beaux-Arts, avaient une grande liberté et allaient vite. Ce serait compliqué aujourd'hui, notamment pour des questions d'assurance", juge l'architecte Jérémy Nadau, qui fut chargé de redonner au marché de la ville son lustre d'antan et sa luminosité.

Des étals devant le marché central de Royan réalisé par les architectes Louis Simon et André Morisseau, à Royan, en Charente-Maritime, le 21 mai 2025 ( AFP / Christophe ARCHAMBAULT )

Des étals devant le marché central de Royan réalisé par les architectes Louis Simon et André Morisseau, à Royan, en Charente-Maritime, le 21 mai 2025 ( AFP / Christophe ARCHAMBAULT )

Pour Sandu Hangan, architecte en chef des Bâtiments de France dans le département, ce travail de valorisation a permis aux habitants "de se rendre compte du caractère unique de leur patrimoine".

Si les propriétaires de maisons individuelles sont souvent en quête de meilleurs performances énergétiques ou d'aménagement, l'époque n'est plus à tout casser. "On n'a plus beaucoup de problèmes à faire entendre l'intérêt que ces bâtiments présentent", estime le responsable administratif.

Face à l'arrivée de nouveaux habitants, leur préservation reste toutefois un "combat de tous les instants", nuance Pascale Francisco.

"Il faut re-sensibiliser en permanence, expliquer pourquoi il faut rénover le portillon, les garde-corps, le portail des années 1950 avec un artisan, plutôt que d'installer le modèle en PVC d'une enseigne de bricolage. La ville n'est pas standard, l'idée c'est de la conserver ainsi", souligne la directrice du CAUE 17... admettant que c'est aussi "une affaire de goût".

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