
Masaki Hironaka, un survivant de la bombe atomique, assis parmi des peintures réalisées par des élèves pour préserver les témoignages des survivants, le 29 mai 2025 à Hiroshima ( AFP / Richard A. Brooks )
Masaki Hironaka avait cinq ans lorsqu'il a traversé les ruines d'Hiroshima, quatre jours après le bombardement atomique américain de 1945, tenant fermement la main de sa mère: il s'était silencieusement juré de la protéger. Aujourd'hui, son souvenir reprend vie grâce à l'art.
C'est l'une des nombreuses scènes gravées dans la mémoire de ce survivant, à présent représentées avec vigueur, 80 ans plus tard, sur toile par des adolescents japonais.
Depuis près de 20 ans, le lycée Motomachi à Hiroshima charge ses élèves en arts de recueillir les témoignages de "hibakusha", les survivants de la bombe atomique, et de les transformer en peintures poignantes.
Quinze nouvelles œuvres ont été récemment dévoilées par l'établissement, en amont du 80e anniversaire du bombardement du 6 août, montrant notamment des soldats calcinés se tordant de douleur et une fillette pétrifiée au milieu des flammes.

Masaki Hironaka, un survivant de la bombe atomique, regarde une peinture réalisée par un élève dans le cadre d'un projet destiné à préserver les témoignages des survivants, le 29 mai 2025 à Hiroshima ( AFP / Richard A. Brooks )
"Je pense que cette peinture retranscrit très fidèlement ce que je ressentais à l'époque", confie M. Hironaka à l'AFP, qui hoche la tête avec satisfaction devant une œuvre immortalisant "une page inoubliable" de sa vie.
L'œuvre évocatrice de la lycéenne Hana Takasago montre le jeune Masaki levant les yeux vers sa mère alors qu'ils avancent péniblement à travers les ruines encore fumantes d'Hiroshima, le 10 août 1945.
"C'est authentique, et très bien dessiné", assure le survivant.
Quelques jours plus tôt, son père était rentré à la maison, grièvement brûlé par l'explosion, et lui avait demandé d'extraire un éclat de verre profondément fiché dans sa chair. Il est décédé peu de temps après.

Photo prise le 27 juin 2025 à Hiroshima de Mikio Saiki, un survivant de la bombe atomique, présentant aux médias des peintures réalisées par des élèves dans le cadre d'un projet visant à préserver les témoignages des survivants ( AFP / Richard A. Brooks )
Sur la peinture est représentée sa mère, devenue veuve, tenant fermement la petite main d'Hironaka, avec sa sœur cadette attachée dans son dos, baissant les yeux et lui murmurant ses peurs.
"À cet instant, j'ai été saisi d'une détermination profonde à l'aider et la soutenir, malgré mon jeune âge. C'est ce sentiment qui est capturé ici", dit M. Hironaka, aujourd'hui âgé de 85 ans.
"J'avais seulement cinq ans quand un événement aussi bouleversant m'est arrivé et m'a traumatisé. Quand j'essaie de raconter ces moments, je peux à peine retenir mes larmes".
– Transmettre la mémoire –
La bombe atomique "Little Boy" larguée sur Hiroshima a tué environ 140.000 personnes, dont de nombreuses personnes décédées plus tard des suites de l'exposition aux radiations.

Une élève apporte la dernière touche à une peinture réalisée dans le cadre d'un projet visant à préserver les témoignages de survivants de la bombe atomique, le 29 mai 2025 à Hiroshima ( AFP / Richard A. Brooks )
Le lycée Motomachi fait aujourd'hui partie intégrante d'un projet initié par le Musée du Mémorial de la paix d'Hiroshima, qui a vu naître plus de 200 œuvres au fil des années. L'objectif: transmettre la mémoire du bombardement aux jeunes générations.
Depuis près de huit mois, des survivants comme M. Hironaka ont régulièrement rencontré les élèves pour discuter de l'évolution des œuvres, certains demandant parfois des modifications radicales.
"Au départ, j'avais représenté M. Hironaka et sa mère de face, mais il m'a dit que (...) cela ne retranscrivait pas vraiment le combat intérieur qu'elle vivait à ce moment-là", retrace auprès de l'AFP Hana Takasago, 17 ans.
"Faute d'avoir vu moi-même les scènes décrites, je n'étais jamais sûre que mes représentations étaient justes", explique-t-elle dans l'atelier encombré du lycée.

Tomoko Wakimasu, une survivante de la bombe atomique d'Hiroshima, s'adresse aux médias lors d'une présentation de peintures réalisées par des élèves à partir des témoignages de survivants, le 27 juin 2025 à Hiroshima ( AFP / Richard A. Brooks )
Yumeko Onoue, 16 ans, a peint des potirons que M. Hironaka se rappelle avoir vus couverts de suie à cause de la "pluie noire" radioactive, mais a dû changer l'orientation des feuilles conformément aux souvenirs du survivant.
"Comme les photos de l'époque sont pour la plupart en noir et blanc, la peinture permet d'ajouter de la couleur, de souligner certains éléments, ce qui semble idéal pour transmettre un message", décrit Yumeko.
– Appel à l'imagination –
Nombre de ces adolescents ont dû faire appel à leur imagination et consulter des documents historiques.
S'immerger dans cette violence peut s'avérer éprouvant: Mei Honda, 18 ans, juge "émotionnellement épuisant" de devoir représenter des chairs brûlées et pendantes.
Son tableau montre une femme dans cet état en train de boire de l'eau: "J'avais d'abord dessiné ses bras collés à son torse, mais le contact avec sa peau aurait été insupportable à cause des brûlures", raconte l'élève.
Il reste actuellement moins de 100.000 survivants des bombardements atomiques américains, selon des données récentes, avec un âge moyen de 86 ans.

Une élève met la dernière touche à une peinture réalisée dans le cadre d'un projet visant à préserver les témoignages de survivants de la bombe atomique d'Hiroshima, le 29 mai 2025 à Hiroshima ( AFP / Richard A. Brooks )
Un sentiment d'urgence s'impose aux lycéens. "Nous sommes probablement la dernière génération à avoir l'opportunité d'écouter les expériences des +hibakusha+ en face à face", insiste Aoi Fukumoto, 19 ans, ex-élève du lycée Motomachi.
"Avant de participer à ce projet, les conséquences de la bombe atomique me semblaient toujours lointaines, même en étant originaire d'Hiroshima", concède de son côté Hana Takasago.
Mais après avoir revécu l'histoire de M. Hironaka par procuration, elle a changé radicalement d'avis: "Je ne peux plus rester simple spectatrice".
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