Classes moyennes : un allègement fiscal modeste... et sous contrainte information fournie par Boursorama avec Media Services 17/05/2023 à 10:24
Loin du volontarisme affiché pendant la campagne présidentielle de 2022, le chef de l'Etat n'a pas pris d'engagement sur le calendrier des baisses d'impôts, se contentant de dire que le geste fiscal aurait lieu "quand la trajectoire budgétaire le (permettrait) dans ce quinquennat".
En promettant 2 milliards d'euros de baisses d'impôts d'ici 2027, Emmanuel Macron a défini une trajectoire d'allègement de la fiscalité pour les ménages beaucoup plus modeste que durant son premier quinquennat, contrainte budgétaire oblige. Alors que depuis la sortie de la crise sanitaire, la priorité du gouvernement est au désendettement et au retour à l'équilibre des finances publiques, le président de la République a annoncé lundi vouloir concentrer cette baisse sur "les classes moyennes" avec des "revenus entre 1.500 et 2.500 euros".
Suppression de la taxe d'habitation et de la redevance télé, défiscalisation des heures supplémentaires, monétisation des RTT, baisse des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu... entre 2017 et 2022, l'effort fiscal en faveur des ménages avait été au moins dix fois plus important, compris entre 20 et 25 milliards d'euros.
Pour mettre en oeuvre la promesse présidentielle, "plusieurs leviers sont possibles: l'impôt sur le revenu, les cotisations salariales, c'est-à-dire la différence entre le brut et le net pour le salarié", a indiqué mardi sur Cnews le ministre délégué aux Comptes publics Gabriel Attal, chargé avec le ministre de l'Economie Bruno Le Maire de faire des propositions au chef de l'Etat.
Selon Gabriel Attal, il faut que "les Français, les classes moyennes en aient pour leurs impôts et pour leur travail", car "ils bossent, ils ont le sentiment de financer un modèle qui parfois permet à certains de ne pas travailler, un modèle social dont ils bénéficient peu, eux, en terme d'aides".
De plus "ils paient des impôts pour des services publics dont ils peuvent avoir le sentiment qu'ils se dégradent", a-t-il reconnu.
Contrainte budgétaire
"Il y a des ménages qui ne bénéficient pas d'un certain nombre de prestations sociales et qui en revanche rentrent dans l'impôt sur le revenu", constate aussi l'économiste Pierre Madec, de l'OFCE.
Mais il est selon lui difficile de "calibrer une mesure pour les gens qui sont juste au-dessus (du seuil d'éligibilité, NDLR) de la prime d'activité, en sachant qu'on va raboter l'impôt sur le revenu qui est actuellement le seul outil un peu progressif de notre système fiscal".
"Transformer cette volonté politique de baisse des impôts sur les classes moyennes en réalité, même sans contrainte budgétaire, c'est compliqué", ajoute l'économiste selon lequel il y aussi peu de marge de manœuvre sur les cotisations sociales. Or la contrainte budgétaire pèse aujourd'hui de tout son poids.
La semaine dernière, le premier président de la Cour des Comptes Pierre Moscovici déclarait que la France devait prouver aux marchés financiers "sa volonté de stabiliser la situation budgétaire", appelant le gouvernement à "absolument éviter les baisses d'impôt non compensées, quelle qu'en soit la nature". Le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau avait lui aussi appelé en février à arrêter "la course à la baisse d'impôts dans ce pays, surtout avec les déficits que nous avons". Les allègements d'impôts annoncés par Emmanuel Macron ne sont toutefois pas de nature à déstabiliser les finances publiques.
"La montagne d'euros du Plan Marshall pour les classes moyennes a accouché d'une souris à 2 milliards d'euros: tant mieux pour les finances publiques", s'est réjoui l'ancien conseiller à la Cour des comptes et spécialiste des finances publiques François Ecalle. Gabriel Attal assure que baisser les impôts et réduire la dette publique "ne sont pas contradictoires", car "on a fixé une trajectoire qui permet de désendetter le pays" avec un retour prévu sous la limite des 3% de déficit public en 2027.