* Une conjonction de facteurs "historique" * La fenêtre de tir se réduit au premier semestre de 2018 * Une perte de temps "regrettable"-responsable de la majorité * La France se veut malgré tout confiante par Yves Clarisse PARIS, 24 novembre (Reuters) - La fenêtre de tir dont dispose Emmanuel Macron pour faire avancer ses propositions de réforme de la zone euro, déjà limitée par les divergences entre Paris et Berlin, se réduit à mesure que la crise politique se prolonge en Allemagne. Officiellement, la confiance reste de mise en France quant à la capacité d'Angela Merkel de bâtir rapidement une coalition de gouvernement après l'échec de sa tentative d'alliance avec les Verts et les Libéraux, les sociaux-démocrates étant entrés dans le jeu pour sortir de l'impasse. "Nous sommes confiants, nous sommes surtout attentifs à ce qu'une solution puisse être trouvée, puisqu'il n'y a jamais d'intérêt pour la France de voir une quelconque déstabilisation de notre partenaire européen", a déclaré mercredi le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. L'inquiétude monte pourtant - "toute fragilité de l'Allemagne pourrait être un coup dur pour nos ambitions européennes et pour la France", a d'ailleurs dit Christophe Castaner - et s'exprime plus fortement en privé. L'Allemagne est en effet quasiment aux abonnés absents depuis les élections du 24 septembre et le Conseil européen des 14 et 15 décembre ne pourra, comme prévu, être le lieu d'une discussion approfondie sur les réformes prônées par Emmanuel Macron le 26 septembre à la Sorbonne. Compte tenu du fait que les institutions de l'UE se mettront à l'arrêt six mois avant les élections européennes de mai 2019, il ne reste grosso modo que le premier semestre de 2018 pour avancer, alors que le début de l'année prochaine risque d'être accaparé par la rédaction d'un accord de coalition en Allemagne. "REGRETTABLE" "Nous les Français, ça nous bloque un peu. C'était déjà assez compliqué comme ça. Attendre la coalition en Allemagne alors qu'on a très peu de temps, c'est regrettable", déclare un haut responsable de la majorité en France. En outre, les reproches souvent faits en Allemagne à la France pendant le quinquennat de François Hollande - paralysie d'un Parti socialiste divisé sur l'Europe depuis le "non" au référendum de 2005 sur la Constitution européenne et perte de crédibilité d'un pays incapable de tenir ses promesses de réduction des déficits - pourraient lui être renvoyés. "L'incertitude politique a traversé le Rhin", dit l'économiste Jean Pisani-Ferry, proche d'Emmanuel Macron. "L'Europe a été habituée à voir un gouvernement allemand fort avec des positions claires. C'est quelque chose qu'on pourrait ne pas avoir pendant un certain laps de temps." Or, pour Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne jusqu'à il y a quelques jours et négociateur d'innombrables compromis franco-allemands, il existe actuellement une conjonction "historique" de facteurs qui peut permettre des réformes mais qui risque de ne pas durer. "La situation économique est bonne", explique-t-il d'abord en rappelant qu'il est "inutile d'essayer de réconcilier la France avec l'idée de l'Europe en période de récession", ce qui vaut d'ailleurs pour les autres pays de l'UE. En outre, l'idée que l'Europe peut être protectrice progresse face aux éléments de déstabilisation introduits par l'élection de Donald Trump et le Brexit qui n'a pas - bien au contraire - eu l'effet domino prédit par certains. Enfin, la France donne l'impression "d'être aux manettes", autre condition de l'acceptation de l'Europe dans le pays. PRÉALABLE FRANCO-ALLEMAND Mais il y a un préalable qui risque de freiner la réforme, notamment de la zone euro, dont la nécessité est pourtant soulignée par les économistes qui redoutent l'effet d'inévitables futurs chocs économiques. "Cela suppose une convergence très forte entre la France et l'Allemagne", dit Pierre Sellal. Emmanuel Macron, qui a publiquement ciblé les Libéraux allemands, les plus négatifs sur ses propositions de renforcement de la zone euro, peut être satisfait de voir les sociaux-démocrates, qui y sont favorables, revenir dans le jeu. "L'Europe attend que l'Allemagne soit en mesure d'agir pour répondre aux questions soulevées par le président français (Emmanuel) Macron", a dit jeudi Volker Kauder, chef du groupe CDU au Bundestag, la chambre basse du parlement. "Le pays le plus fort économiquement en Europe ne peut pas apparaître comme un nain politique", a-t-il ajouté dans le journal Südwest Presse en référence à l'appel du chef de l'Etat en faveur de réformes budgétaires de la zone euro. Les responsables de la majorité en France appellent d'ailleurs à "garder son calme" et soulignent que l'on a sans doute eu tort d'enterrer rapidement la chancelière allemande. "Merkel est quelqu'un de très posé, de très réfléchi. Elle dispose d'une grande assise dans la population", dit l'un d'eux. Mais, au-delà des problèmes de calendrier liés aux difficultés rencontrées à Berlin pour bâtir une coalition, les deux pays sont loin d'être sur la même longueur d'onde même si l'Allemagne n'a pas soulevé d'objection de principe à l'encontre des propositions françaises de réforme de la zone euro. L'achèvement de l'union bancaire se heurte aux réticences allemandes vis-à-vis d'une mutualisation des risques et le marché des capitaux n'est toujours pas véritablement intégré alors qu'il s'agirait d'un instrument de défense. L'Allemagne a émis des réserves sur l'idée d'un "fonds monétaire européen" disposant d'une capacité suffisante pour contrer les "chocs asymétriques", imaginant plutôt lui donner un rôle de surveillance des budgets nationaux actuellement dévolu à une Commission européenne jugée trop laxiste à Berlin. D'un autre côté, on souligne que des avancées majeures ont été récemment réalisées avec l'Allemagne sur la défense et la sécurité, les instruments de défense commerciale de l'UE contre le dumping ou encore sur les travailleurs détachés. "Je ne vois pas un gouvernement allemand (...) qui tournerait le dos à ce mouvement", dit Pierre Sellal. (Avec Noah Barkin, édité par Jean-Baptiste Vey)
ECLAIRAGE-La fenêtre de tir européenne de Macron se réduit avec l'Allemagne
information fournie par Reuters 24/11/2017 à 10:36
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