Cryptomonnaies: 2022 est une année charnière dans la régulation juridique et fiscale
Dernière mise à jour le : 11/10/2022

Bitcoin, Ethereum, Ripple… les cryptomonnaies séduisent les investisseurs crédit photo : GettyImages
Le succès et la volatilité des cryptomonnaies ont conduit les autorités du monde entier à se saisir de la question de leur régulation fiscale et juridique. Aux États-Unis, ces actifs numériques sont en passe de tomber dans le cadre de la réglementation financière classique. Côté européen, la Commission européenne prévoit la mise en place d'un cadre juridique vers 2024. Cependant, chaque État membre met en place sa propre politique fiscale. En la matière, la France s'avère être le pays où l'on taxe le plus les cryptomonnaies.
Sommaire:
- L'ascension des cryptomonnaies
- Les tendances de marché pour les cryptomonnaies
- Cryptomonnaies: du Salvador à la Chine, des réactions totalement opposées
- Les États-Unis préparent le terrain de la régulation financière des cryptomonnaies
- Vers une réglementation juridique des cryptomonnaies en Europe
- De grandes disparités fiscales au sein de l'Europe pour les cryptomonnaies
- La fiscalité des cryptomonnaies en France, ce qui changera en 2023
L'ascension des cryptomonnaies
Les cryptomonnaies sont des monnaies numériques émises sans intervention des banques centrales (on parle aussi de cryptoactifs ou d'actifs numériques). Elles se caractérisent par l'absence de support physique (ni pièce, ni billet, ni chèque, ni carte bancaire) et échappent ainsi au contrôle des banques centrales. Sur le plan idéologique, les cryptomonnaies sont une forme de monnaie libertaire qui ne délègue pas le contrôle de la masse monétaire aux Banques centrales et aux gouvernements pour le rendre aux individus.
Binance, Ripple, Tether, et bien sûr les célèbres bitcoin ou ethereum font l'actualité depuis le début des années 2010. Il existe désormais environ 5.000 cryptomonnaies selon Coinmarketcap, mais le marché reste très concentré autour du Bitcoin et de l'Ethereum. Elles représentent à elles deux environ 60% de la capitalisation boursière de toutes les cryptomonnaies.
Si jusqu'en 2020, l'engouement pour les cryptomonnaies se limitait aux particuliers, l'année 2021 a marqué un tournant. En effet, des investisseurs institutionnels de premier plan, comme le fonds de pension BlackRock ou la banque américaine Morgan Stanley, se sont positionnés sur ce marché. Par ailleurs, de grands acteurs comme Visa ou PayPal et de plus en plus de commerces acceptent les paiements en bitcoin. Plus de 36.000 distributeurs automatiques sont recensés à travers le monde. Comme pour un distributeur classique, l'utilisateur peut déposer ou retirer de l'argent. Pour obtenir des bitcoins, il suffit de déposer la somme correspondante dans le distributeur et fournir son adresse Bitcoin.
Les banques centrales sont également engagées dans une course effrénée à la création de leurs propres monnaies virtuelles. On les appelle les Monnaies Numériques de Banques Centrales (MNBC). De ce point de vue, la Chine se place largement en avance et son yuan numérique, qui est testé depuis 2019. Au printemps 2021, le e-yuan a fait l'objet d'une campagne de développement et, en août 2022, la Banque centrale chinoise s'est engagée à étendre les zones d'expérimentation. Tandis qu'en Europe, le premier prototype ne devrait pas voir le jour avant 2025.
À savoir
Les cryptomonnaies sont utilisées via un réseau informatique décentralisé. Les transactions sécurisées utilisent des technologies de cryptographie qui associent l‘utilisateur aux processus d'émission et de règlement des transactions.
Les tendances de marché pour les cryptomonnaies
Les cryptomonnaies croissent à grande vitesse et le marché mondial atteint désormais environ 1.850 milliards de dollars, soit encore un peu de moins de 1% des actifs financiers mondiaux. Pour 2028, le marché pourrait atteindre 32,5 milliards de dollars, selon Research and Markets.
En 2021, la taille du marché a plus que triplé. Il existe une part importante de spéculation dans cette ascension vertigineuse. Cela explique l'extrême volatilité de ces actifs numériques susceptibles de varier de 20% à la hausse comme à la baisse en quelques jours, de quadrupler de valeur en un an, ou encore de chuter de moitié en quelques semaines.
En novembre 2021, les cours du Bitcoin ont atteint 68 000 dollars, leur niveau le plus haut connu à ce jour. Dans son sillage, l'Ethereum grimpait à plus de 4000 dollars, un record historique. Cependant, depuis, les valorisations se sont effondrées, comme c'est souvent le cas en début d'année. Avant de se reprendre quelque peu: début avril, les deux monnaies cotaient respectivement 46 000 dollars et 3 500 dollars.
Il est toujours très compliqué d'engager des pronostics sur les cryptomonnaies, tant la volatilité de ces marchés est importante. Ces prochaines années resteront probablement marquées par de grands soubresauts dans un marché cryptographique peu mature. Néanmoins, la démocratisation et la normalisation des cryptomonnaies laissent présager une croissance à long terme.
En 2022, les cryptomonnaies dites vertes se sont développées. En effet, depuis les propos d'Elon Musk sur l'impact écologique négatif du Bitcoin, la question de la consommation énergétique des cryptomonnaies devient un critère de choix pour les investisseurs. Ainsi l'Ethereum, la cryptomonnaie la plus populaire au monde après le Bitcoin, a pris la décision majeure de changer une partie de son fonctionnement et de passer d'un système dit de «Proof of Work» (preuve de travail) à un système de «Proof of Stake» (preuve d'enjeu) pour le minage des nouvelles pièces. Cela devrait réduire considérablement l'impact écologique du minage de nouvelles pièces. D'autres cryptomonnaies plus récentes, comme Cardano et Solana, lui emboîtent le pas.
Cryptomonnaies: du Salvador à la Chine, des réactions totalement opposées
Face au succès des cryptomonnaies, les États du monde entier réagissent, parfois de façon diamétralement opposée. Certains pays en développement, en quête d'indépendance financière (notamment vis-à-vis du dollar), luttent contre une inflation importante et rencontrent des problèmes d'inclusion bancaire. Ils trouvent un intérêt majeur aux cryptomonnaies comme moyen de paiement. Le Salvador a ainsi marqué les esprits en devenant le premier pays au monde à élever le Bitcoin au rang de monnaie nationale.
Pour d'autres pays, les cryptomonnaies représentent une menace trop importante pour leur souveraineté monétaire nationale. La Chine, par exemple, a interdit toutes les transactions de cryptomonnaies, considérées comme illégales depuis septembre 2021.
Entre les deux (les pays développés du G20), les cryptomonnaies menacent la stabilité financière mondiale. S'ils rejettent l'idée d'interdire les cryptomonnaies, devenues incontournables, ils refusent également de les officialiser comme monnaies légales. Ils les considèrent comme de simples actifs financiers à encadrer pour protéger les investisseurs d'instabilités.
Les États-Unis préparent le terrain de la régulation financière des cryptomonnaies
Aux États-Unis, l‘étau de la régulation des cryptomonnaies se resserre pour les faire entrer dans la réglementation financière classique. Le marché de ces nouveaux actifs numériques «atteint un niveau qui fait penser que d'ici cinq ou dix ans, il se fera à l'intérieur du cadre réglementaire des politiques publiques», prédisait en septembre 2021 Gary Gensler, choisi par le président américain Joe Biden pour diriger la SEC (Securities and Exchange Commission), le gendarme américain de la Bourse.
En attendant, outre-Atlantique, l'univers des cryptomonnaies va être taxé dès 2023. Le plan de relance de 3500 milliards de dollars de Joe Biden, adopté par le Sénat et la Chambre des représentants à l'été 2021, le prévoit. Et l'administration Biden, qui a passé un décret sur les cryptomonnaies le 9 mars 2022, entend dégager 10 milliards de dollars de rentrées d'argent grâce à la taxation des cryptos. En effet, Washington doit dégager de nouvelles recettes fiscales pour financer ces investissements colossaux dans les transports, les routes, le haut débit, ou encore la transition écologique. Concrètement, les États-Unis comptent intégrer les transactions de ces nouveaux actifs numériques sous le contrôle de l‘administration fiscale américaine en les rattachant aux produits financiers classiques.
À savoir
Parmi les plus grosses plateformes de trading américaines, figurent Coinbase, valorisée 65 milliards de dollars lors de son entrée en Bourse, FTX, Kraken, ou BitMEX. Plus de 2.000 cryptomonnaies s'y échangent sans intermédiation bancaire.
Vers une réglementation juridique des cryptomonnaies en Europe
En Europe, les débats autour d'une réglementation des cryptomonnaies sont également très engagés même s'ils n'abordent pas les questions liées à la fiscalité. L'année 2022 s'annonce donc cruciale et au cours du premier semestre, la Commission européenne doit soumettre une directive, baptisée directive MiCA (Markets in Crypto-Assets). Celle-ci pourrait entrer en vigueur dès 2023. Selon Ylva Johansson, commissaire européenne aux Affaires intérieures, la réglementation des cryptomonnaies doit «empêcher les criminels et les terroristes de profiter de l'anonymat qu'elles procurent».
D'après une proposition de règlement publiée en novembre 2021, l'Union européenne veut instaurer une structure juridique spécifique. L'objectif est de pallier le manque de confiance associé aux cryptomonnaies pour encourager les investissements, soutenir l'innovation et permettre une concurrence loyale. Le marché des cryptoactifs serait considéré comme les services financiers traditionnels avec les mêmes formes de protection garanties aux investisseurs. Ainsi, à terme, seules certaines cryptomonnaies pourraient être autorisées dans l‘Union européenne.
Cryptomonnaies: privilégier les plateformes régulées pour investir
L'engouement suscité par les cryptomonnaies a conduit certains acteurs, parfois peu scrupuleux, à proposer aux épargnants d'investir. Pour éviter les arnaques et les difficultés en cas de litige, la Loi Pacte de 2019 a instauré en France le statut de Prestataire en Services sur Actifs Numériques (PSAN). Ces derniers sont enregistrés et agréés par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF). Pour investir dans les cryptomonnaies , il est recommandé de privilégier ces plateformes régulées. En effet, la certification de l'AMF permet d'investir en toute confiance. De plus, en cas de problème persistant, l'AMF pourra faire intervenir son médiateur. À l'inverse, si vous utilisez une plateforme étrangère non soumise à la réglementation française, il faudra se tourner vers l'autorité du pays de domiciliation, si elle est compétente.
De grandes disparités fiscales au sein de l'Europe pour les cryptomonnaies
Sans cadre fiscal harmonisé concernant les cryptomonnaies au niveau européen, les États membres de l'Union européenne appliquent des politiques très différentes. Certains pays se montrent particulièrement favorables aux cryptomonnaies. Le Danemark, par exemple, cherche à réduire au maximum les transactions en espèces. Les transactions en devises numériques et les plus-values sur les ventes de bitcoins y sont exonérées d'impôt. De la même manière, la Suisse est considérée comme la «Crypto Valley» européenne et le Portugal applique une politique fiscale très encourageante en matière de cryptomonnaies. En Allemagne, les plus-values sur les monnaies numériques sont exonérées d'impôt quand elles sont détenues plus d'un an.
D'autres pays s'illustrent par la complexité de leur fiscalité sur les cryptomonnaies. C'est le cas de la Belgique, avec une imposition pouvant varier de 25% à 50% des bénéfices selon la durée, le montant et la fréquence des investissements. Néanmoins, si la gestion de son portefeuille en cryptomonnaies est jugée «non spéculative», alors les plus-values ne sont pas imposées.
La fiscalité des cryptomonnaies en France, ce qui changera en 2023
En France, la fiscalité des plus-values sur les cryptomonnaies a été instaurée par la loi de finances du 28 décembre 2018. Elle est applicable depuis le 1er janvier 2019 et ne fait pas l'objet de modifications en 2022. Ainsi, les plus-values dégagées par les investisseurs particuliers lors de la vente d'actifs numériques contre des monnaies ayant cours légal (l'euro ou le dollar, par exemple) doivent être déclarées tous les ans aux services fiscaux.
La France est le pays qui taxe le plus les cryptomonnaies en Europe. La complexité du régime fiscal français sur les bénéfices tirés des cryptomonnaies réside dans le fait que l‘administration fiscale différencie les investisseurs «occasionnels» et les «habituels». Si vous êtes un investisseur occasionnel, les plus-values sont soumises au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) de 30%, soit 12,8% d'impôt et 17,2% de prélèvements sociaux.
Si vous effectuez des ventes à titre habituel, vous êtes assimilé à un professionnel et vos gains sont imposables en tant que Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC). Ils sont soumis au barème progressif de l'impôt et aux prélèvements sociaux, sous déduction d'un abattement de 50% (régime micro-BIC) ou de vos frais d'activité (régime réel). Soit une imposition de plus de 60% si votre Taux Marginal d'Imposition (TMI) est de 45% et de plus de 65 % si vous êtes redevable de la contribution sur les hauts revenus.
Pour clarifier cette situation compliquée, le législateur a décidé de simplifier la fiscalité des plus-values sur les cryptomonnaies. Dès le 1er janvier 2023, si vous vendez des cryptomonnaies dans le cadre de la gestion de votre patrimoine privé, vous relèverez de plein droit du PFU. Peu importe que vous réalisiez des ventes de manière occasionnelle ou habituelle, vous serez soumis à ce régime quels que soient le volume et les montants des transactions. À partir de 2023, vous pourrez renoncer à l'impôt de 12,8% et opter pour l'application du barème progressif de l'impôt sur vos plus-values. Une option intéressante si vous n'êtes pas imposable, car vous payez alors seulement 17,2% de prélèvements sociaux. Si vous relevez de la tranche du barème à 11%, vous supportez uniquement 28,2% d'impôt et de prélèvements sociaux.
À savoir
La détention de cryptomonnaies ne vous oblige pas à les déclarer à l'administration fiscale. Par ailleurs, les plus-values sur les cryptomonnaies sont exonérées d'impôt si les ventes ne dépassent pas 305 euros par an.