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Et si parler d’argent entre copines devenait la nouvelle norme ?

information fournie par Biba Magazine 20/11/2025 à 16:57

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Parler d’argent entre amies n’a rien d’indélicat : c’est une manière de se faire confiance, de se soutenir et de gagner en liberté financière.

On sait tout partager entre amies : les histoires de cœur, les galères de boulot et les recettes pour boucler la fin du mois. Sauf le sujet qui traverse tout : l’argent. Celui qu’on gagne, qu’on dépense, qu’on n’ose pas toujours réclamer. Ce mot qu’on chuchote, même entre proches, de peur d’être jugée ou enviée. Et si on en faisait au contraire un sujet de confiance, un outil d’entraide et d’émancipation ? En parler sans gêne ni comparaison, pour mieux négocier, choisir librement et ne plus jamais se sentir seule face aux chiffres.

L’argent, un tabou bien français

En France, le tabou a des racines anciennes, presque culturelles. La politologue Janine Mossuz-Lavau l’explique dans les colonnes de Welcome to the Jungle : « Parler salaire, c’est avant tout parler argent, or en France, c’est bien plus tabou que le sexe ». Un constat qui en dit long sur notre rapport à la transparence. Même les enquêtes sociologiques sur la sexualité, rappelle-t-elle, suscitaient moins de gêne que celles portant sur les revenus. Comme si parler d’argent revenait à s’exposer, à dévoiler une part trop intime de soi.

La sociologue Jeanne Lazarus, interrogée au micro de France Inter dans Grand bien vous fasse , y voit l’héritage d’un long conditionnement social. « L’argent devait y être invisible. Ce qui comptait, c’était le rang, pas la richesse ». L’aristocratie d’hier valorisait la discrétion, quand les classes populaires se taisaient par prudence. Entre pudeur morale et peur d’attirer la jalousie, la parole s’est peu à peu figée. De génération en génération, ce silence s’est transmis, entretenu par une éducation où parler d’argent était mal vu, voire vulgaire. Résultat : on préfère encore feindre l’aisance, esquiver les questions et deviner la situation des autres plutôt que d’en discuter franchement.

L’amitié, un espace pour parler d’argent

Parler d’argent entre amies n’a pourtant rien d’indélicat. C’est même une façon d’entretenir la confiance. Car les différences de revenus, aussi invisibles soient-elles, peuvent fragiliser les relations les plus sincères. Selon une étude menée par le cabinet britannique Expert Market, près d’une personne sur quatre aurait déjà mis fin à une amitié parce que leurs modes de vie étaient devenus incompatibles. Le malaise s’installe souvent en silence : un restaurant trop cher, un cadeau commun qu’on n’ose pas refuser, une sortie de fin de mois qu’on accepte malgré un compte à découvert. À force de vouloir suivre le rythme, on s’épuise, on s’éloigne, et parfois, on se perd.

Cependant, dire les choses change tout. Le psychanalyste Saverio Tomasella, interrogé par Cosmopolitan , rappelle que « quand l’amitié est vécue dans la sincérité, on dépasse ces différences ». Exprimer ses limites, ce n’est pas se plaindre, c’est être claire. Dire qu’on préfère un dîner à la maison plutôt qu’une sortie, qu’on repousse un week-end pour des raisons budgétaires ou qu’on fait simplement attention, c’est affirmer sa réalité sans honte. Et bien souvent, les amis comprennent, ajustent et apprécient cette franchise. La transparence devient alors une forme de maturité : elle libère les échanges et renforce les liens. Parler d’argent entre femmes, c’est finalement une manière de se soutenir autrement, en choisissant la complicité plutôt que la comparaison.

Briser le tabou de l’argent entre les femmes

Dans le couple, la journaliste Lucile Quillet, également autrice de l’ouvrage Le Prix à payer (Éditions Les liens qui libèrent), a mis des mots sur un déséquilibre encore profondément ancré. Dans une interview accordée à Madmoizelle , elle souligne qu’ « on apprend aussi aux femmes à ne pas compter, à s’oublier, à ne pas parler d’argent ». Résultat : même lorsqu’elles gagnent moins, beaucoup s’imposent un partage des dépenses à parts égales, par peur d’être perçues comme dépendantes. Un 50/50 en apparence juste, mais qui, dans les faits, les appauvrit. Et la société n’arrange rien : pensions alimentaires faibles, congés parentaux inégaux, fiscalité avantageant souvent le revenu masculin. Briser le silence sur ces mécanismes, c’est déjà reprendre du terrain sur les inégalités économiques.

Entre femmes, parler d’argent devient alors une forme de solidarité. Échanger sur son salaire, sur la manière de négocier ou d’épargner, c’est se transmettre des outils concrets de pouvoir. C’est aussi sortir d’une culture dans laquelle la discrétion financière protège surtout les écarts. La « sororité financière », ce serait cela : des conversations franches, sans tabou, entre collègues, amies ou sœurs, pour s’entraider plutôt que se comparer. Parler d’argent, ce n’est pas rompre la pudeur, c’est partager des repères. Et c’est peut-être là, dans ces échanges simples autour d’un café, que commence une véritable émancipation économique.

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