Bélarus : le prix Nobel de la paix Bialiatski et l'opposante Kolesnikova libérés
information fournie par AFP 13/12/2025 à 20:35

Voiture transportant des prisonniers politiques bélarusses libérés vers Vilnius, Lituanie, le 13 décembre 2025B Belarusian street protest leader Maria Kolesnikova and Nobel Prize winner Ales Bialiatski walked free on on December 13, 2025 with 121 other political prisoners, released in an unprecedented US-brokered deal, rights groups announced. ( AFP / Petras Malukas )

Le Bélarus a libéré samedi le militant Ales Bialiatski, colauréat du prix Nobel de la paix 2022, et l'opposante Maria Kolesnikova, a annoncé l'ONG de défense des droits humains Viasna, après des pourparlers entre Minsk et Washington.

Ces deux figures de l'opposition, détenues depuis plus de quatre ans dans ce pays d'Europe orientale allié à la Russie, font partie d'un groupe de "123 citoyens de différents pays" dont la libération a été annoncée par Mins.

Ces libérations s'inscrivent dans le cadre d'un accord avec Donald Trump impliquant notamment la levée par Washington, annoncée plus tôt samedi, de sanctions économiques américaines contre le Bélarus.

Parmi les personnes libérées figure un ressortissant américain selon Washington. Mais aussi Viktor Babariko, un ancien banquier devenu opposant qui avait tenté, avant son arrestation, de se présenter contre le dirigeant bélarusse Alexandre Loukachenko lors de l'élection présidentielle contestée d'août 2020.

Avec Maria Kolesnikova, qui était sa collaboratrice, ils se trouvent actuellement en Ukraine.

"Je pense aux gens qui ne sont pas encore libres et j'attends ce moment où nous pourrons tous nous prendre dans les bras", a déclaré Maria Kolesnikova, dans une vidéo diffusée par le programme gouvernemental ukrainien "Je veux vivre".

Sur ces images, elle dit avec un grand sourire ressentir "un sentiment de bonheur irréel" et observer "la beauté" d'un "premier coucher de soleil en tant que personne libre".

- Détention éprouvante -

Au total, 114 des personnes libérées ont été transférées en Ukraine, selon Kiev, tandis que les autres sont arrivées à Vilnius, en Lituanie.

Depuis la capitale lituanienne, la meneuse de l'opposition bélarusse en exil, Svetlana Tikhanovskaïa, a dit à l'AFP que, côté ukrainien, les ex-prisonniers avaient été accueillis dans "un sanatorium".

Selon elle, ils auront besoin de soins après des années passées dans les geôles bélarusses, connues pour leurs conditions de détention éprouvantes.

Le Prix Nobel de la Paix Ales Bialiatski s'exprime devant des journalistes à l'ambassade américaine, à Vilnius, après sa libération, le 13 décembre 2025 ( AFP / Petras Malukas )

Agé de 63 ans, Ales Bialiatski a fondé en 1996 et animé pendant des années Viasna ("Printemps"), une source essentielle d'informations sur les répressions au Bélarus.

Musicienne de formation, Maria Kolesnikova, 43 ans, a pour sa part été l'une des meneuses des manifestations massives contre la réélection jugée frauduleuse d'Alexandre Loukachenko, en 2020.

Tous deux avaient été arrêtés lors de la répression brutale de ce mouvement de protestation et condamnés à de lourdes peines de prison.

- "Je t'aime" -

En septembre 2020, Maria Kolesnikova avait été enlevée par les services de sécurité bélarusses et conduite à la frontière ukrainienne pour être expulsée du Bélarus.

Photo handout diffusée le 13 décembre 2025, représentant l'opposante bélarusse Maria Kolesnikova, faisant un coeur avec ses doigts, dans un bus avec d'autres anciens prisonniers libérés. ( COORDINATION HEADQUARTERS FOR THE TREATMENT OF PRISONERS OF WAR / Handout )

Mais elle était parvenue à déchirer son passeport, ce qui avait rendu son expulsion légalement impossible et avait fait d'elle un symbole de la résistance anti-Loukachenko.

Alors qu'il était en détention, le travail d'Ales Bialiatski lui avait valu en 2022 le prix Nobel de la Paix, partagé avec l'ONG Memorial (Russie) et le Centre pour les libertés civiles (Ukraine).

Après sa libération, depuis la Lituanie, il a promis de poursuivre "le combat", tandis que son épouse a relaté à l'AFP leur appel après sa sortie de prison: "Les premiers mots que je lui ai dits, c'est que je l'aime", a raconté Natalia Pintchouk.

Le comité Nobel norvégien s'est dit "soulagé" par sa libération et demande celle de tous les autres prisonniers politiques dans le pays, qui en compte toujours 1.203, selon Viasna.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a salué samedi cette nouvelle, tandis le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui s'est entretenu par téléphone avec Maria Kolesnikova, s'est dit "heureux" de ces libérations.

- Sanctions partiellement levées -

Un émissaire américain, John Coale, en visite au Bélarus, avait annoncé samedi la levée des sanctions des Etats-Unis sur le potassium, un composant utilisé pour la fabrication d'engrais et dont le Bélarus est un grand producteur.

En échange, Minsk a également obtenu la libération de citoyens bélarusses et de Russes "blessés" détenus en Ukraine, a indiqué la porte-parole du président bélarusse Alexandre Loukachenko.

Ces derniers mois, Donald Trump a encouragé le Bélarus à libérer ses prisonniers politiques et plusieurs dizaines d'entre eux ont été graciés.

En septembre, Washington avait déjà partiellement levé les sanctions contre la compagnie aérienne bélarusse Belavia, lui permettant d'entretenir sa flotte, qui comprend des Boeing .

John Coale a estimé samedi que la proximité entre Alexandre Loukachenko et son homologue russe Vladimir Poutine pourrait être "très utile" dans la difficile médiation américaine en cours pour tenter de mettre fin à la guerre entre Kiev et Moscou.

Au pouvoir depuis 1994, Alexandre Loukachenko, 71 ans, a écrasé plusieurs mouvements de contestation, dont le plus important, en 2020 et 2021, l'avait sérieusement fragilisé, le poussant à appeler à l'aide Vladimir Poutine.