Si les 700 centres de données prévus en 2033 dans l’Hexagone ne sont pas encore sortis de terre, une proposition de loi défend déjà «une taxation plus juste» de ces infrastructures.
Haro sur les data centers ! Alors que certaines voix plaident pour la stabilité fiscale, craignant «l’impôt de trop» , selon le mot de l’ancien ministre de l’Économie, Antoine Armand , d’autres n’hésitent pas à inventer de nouveaux prélèvements pour apporter de l’air frais aux caisses de l’État. C’est ainsi le cas d’un sénateur socialiste, qui a déposé une proposition de loi visant à mieux encadrer les centres de données, ces infrastructures capitales à l’ère du numérique que le gouvernement cherche à attirer dans l’Hexagone.
Télécommunications, intelligence artificielle , capacités de calcul... les acteurs de ces secteurs sont unanimes : la France va devoir se doter de nombreux centres de données, «datacenters» en anglais. Des infrastructures indispensables si le pays souhaite rester dans la course technologique, notamment face aux États-Unis et à ses 5000 datacenters déjà construits sur son territoire. Aujourd’hui, 315 infrastructures sont déjà implantées en France et plus de 700 devraient quadriller le territoire d’ici 2033, selon une étude d’EY-Parthenon. Une forte croissance, accompagnée par plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements annoncés dans ce domaine, début février. Et une dynamique sur laquelle le sénateur compte bien capitaliser.
«Une redevance sur l’eau»
Dans sa proposition de loi, qui n’est pas encore définitive, David Ros propose de faire payer aux centres de données leur consommation excessive d’eau. Ces infrastructures utilisent en effet «des systèmes de refroidissement très consommateurs en eau» , pour maintenir une température entre 18 et 27 degrés, «mettant sous tension des ressources hydriques déjà fragilisées par le changement climatique» , rappelle-t-il. Le sénateur de l’Essonne évoque notamment une étude de 2022, réalisée par l’Arcep et l’ADEME, qui souligne que la «quasi-totalité du volume d’eau prélevé par les centres de données est de l’eau potable provenant du réseau local ou de l’eau douce» . En 2022, le volume d’eau utilisé par les centres de données a ainsi «progressé de 20% par rapport à 2021 pour atteindre 482.000 mètres cubes sur l’année» .
Le deuxième article avance ainsi «une taxation plus juste pour les centres de données avec l’instauration d’une redevance progressive sur le prélèvement et la consommation d’eau» . Plus les centres de données utilisent de l’eau, plus ils seraient taxés, d’1,53 euros par mètre cube, jusqu’à 3,90 euros pour les plus voraces. Pour David Ros, «cette redevance sur l’eau consommée permettrait de responsabiliser les entreprises du secteur tout en favorisant l’adoption de solutions de refroidissement plus sobres et innovantes» , comme l’utilisation de l’air extérieur ou encore l’immersion des composants internes dans un liquide non conducteur.
Des nuisances «considérables»
En plus d’une redevance liée à la consommation d’eau, David Ros plaide pour une autre imposition «en tant qu'infrastructure numérique, pour garantir un retour financier bénéfique aux collectivités» . Il souligne notamment que ces centres n’ont qu’un «impact sur l’emploi relativement faible au regard des investissements colossaux» et sont à l’origine de «nuisances qui peuvent se révéler considérables comme l’artificialisation des sols, la pression sur le foncier disponible [...] et de nombreuses tensions sur les réseaux de distribution électrique, suivant les territoires».
Dans sa proposition de loi, le sénateur socialiste envisage par ailleurs une réflexion «pour mieux répartir ces infrastructures sur le territoire et favoriser l’inclusion de la main-d’œuvre locale dans ces projets» . Aujourd’hui, 58% des centres de données tricolores se situent en Île-de-France, notamment sur le plateau de Saclay, en Essonne. Dans cette région, David Ros pointe «un régime fiscal relativement avantageux» pour les centres de données, considérés comme une activité industrielle à part entière. «L’idée n’est pas de taxer pour taxer mais d’établir une sorte d’homogénéité sur le territoire» , souligne l’ancien enseignant-chercheur en physique.
L’élu suggère également de pousser les opérateurs à réutiliser «la chaleur fatale» générée par les centres de données, par exemple pour «chauffer des infrastructures publiques comme des réseaux de chaleur urbains, des piscines municipales ou des établissements de santé» . Et de citer «l’exemple du centre aquatique olympique de Saint-Denis, chauffé grâce à la chaleur fatale d’un centre de données» . Le dernier article propose enfin d’instaurer «un programme national de recherche d’innovation dédié aux infrastructures numériques pour renforcer les capacités nationales» . Et ce, afin de «favoriser les synergies entre les centres de données privés, les établissements d’enseignement supérieur, les organismes de recherche et les entreprises innovantes du territoire d’implantation du centre de données» .
Pour l’homme politique, cette proposition de loi vise avant tout à «anticiper» l’arrivée de «datacenters» pour qu’ils soient efficaces. «Le but n’est pas de récupérer de l’argent, l’outil fiscal sert davantage à aiguiller qu’à être véritablement utilisé comme un “bâton”» , assure le sénateur, qui a déjà reçu des remarques sur un potentiel refus de s’installer en France de la part des entreprises spécialisées dans les «datacenters» . Prochaine étape, une réunion du groupe socialiste la semaine prochaine, qui pourrait reprendre la proposition de loi, à moins qu’elle ne soit directement soutenue par le gouvernement, «ce qui semble peu probable» aux vues des investissements annoncés lors du Sommet de l’IA.
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