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Référendum d'initiative partagée : une réforme à la portée limitée, selon les spécialistes
information fournie par Boursorama avec Media Services 16/11/2023 à 10:02

"Le RIP avait été conçu pour ne pas être utilisé". La réforme proposée par le président devrait élargir son champ d'application, tout en protégeant le travail des parlementaires.

Emmanuel Macron à Berne, en Suisse, le 15 novembre 2023. ( AFP / BERTRAND GUAY )

Emmanuel Macron à Berne, en Suisse, le 15 novembre 2023. ( AFP / BERTRAND GUAY )

Emmanuel Macron reçoit vendredi 17 novembre les chefs de partis pour évoquer une réforme du référendum d'initiative partagé (RIP). Il devrait être plus facile à organiser, mais à condition qu'il ne porte pas sur un texte débattu au Parlement, ce qui en restreint fortement la portée soulignent des constitutionnalistes.

• Pourquoi le RIP n'a jamais été utilisé ?

Depuis 2008, l'article 11 de la Constitution prévoit la possibilité d'organiser un RIP, sur le même champ d'application que le référendum présidentiel, notamment les "réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale". Mais cette "procédure dissuasive et peu lisible", selon l'aveu même du président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius, n'a jamais été menée à son terme.

Principal obstacle : pour être soumise à ce référendum, une proposition de loi doit être signée par un cinquième des parlementaires, soit 185 députés et sénateurs, mais surtout soutenue par un dixième des électeurs, soit environ 4,7 millions. "Ce seuil est totalement inatteignable" , juge Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l'université de Lille.

Le seul RIP autorisé par le Conseil constitutionnel, contre la privatisation d'Aéroports de Paris en 2020, avait échoué alors même qu'il avait réussi à obtenir 1,1 million de soutiens au terme des neufs mois de collecte. D'autres tentatives de RIP ont été bloquées par les Sages car elles ne portaient pas sur une "réforme" mais sur le droit existant. Ce fut le cas au printemps de la proposition de loi de la gauche qui visait à maintenir un âge légal de départ à la retraite à 62 ans.

Même avec les soutiens réunis, la tenue d'un référendum n'est qu'hypothétique car un examen du texte par les deux assemblées dans les six mois suffit à mettre un terme à la procédure. "Le RIP avait été conçu pour ne pas être utilisé" , résume Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Paris II.

• Que propose Emmanuel Macron ?

Comme pour le référendum présidentiel, Emmanuel Macron propose d'élargir le champ d'application du RIP aux "questions de société", ce qui permettrait d'inclure selon lui des thèmes comme la fin de vie ou l'immigration, en excluant toutefois tout ce qui relève du droit pénal. Principale avancée, les seuils seraient abaissés à un dixième des parlementaires (93) et un million d'électeurs .

Mais le chef de l'État ne veut pas transformer cette procédure "en un court-circuit ou une voie d’appel des délibérations parlementaires". Dès lors, un RIP ne pourrait avoir pour effet d'abroger une loi promulguée "depuis moins de cinq ans" (contre un an aujourd'hui), "ni porter sur le même objet" qu'un texte en cours d'examen au Parlement ou non encore promulgué. "Comme en cinq ans, le Parlement traite de presque tous les sujets, je ne vois pas sur quoi porterait un RIP, impossible d'en faire un instrument d'opposition", juge Jean-Philippe Derosier.

Ce délai de cinq ans serait aussi valable pour le Parlement qui ne pourrait revenir sur une décision tranchée par le peuple. Emmanuel Macron l'a expliqué par le souvenir du traité de Lisbonne, dont la ratification parlementaire trois ans après le "non" au référendum de 2005 est restée en travers de la gorge d'une partie de l'opinion. "Sauf que ça ne l'aurait pas empêché: le traité de Lisbonne ressemblait au traité de 2005 mais ce n'était pas le même texte juridique", souligne Benjamin Morel.

• Un modèle inspiré de l'étranger ?

La proposition d'Emmanuel Macron ne permettrait donc pas d'abroger une loi , comme cela se pratique en Italie, en Suisse ou aux États-Unis et comme le réclamaient les Gilets jaunes avec leur RIC (Référendum d'initiative citoyenne).Pourtant, "à l'étranger le référendum veto ou abrogatif marche mieux que les référendum d'initiative car c'est plus simple de mobiliser contre une loi existante que de rédiger une proposition de loi", note Benjamin Morel.

Le RIP n'est "pas l'alpha et l'oméga de la participation citoyenne", souligne Jean-Philippe Derosier. En Espagne, les citoyens peuvent, sous conditions, saisir le Parlement d'une proposition de loi. En France, ce "droit de pétition" existe aussi mais n'a jamais abouti jusqu'à la séance publique.

Emmanuel Macron a eu aussi recours à de nouvelles pratiques de participation comme les conventions citoyennes sur le climat ou la fin de vie, "mais s'il n'y pas de délibération derrière, l'opinion ne suit pas les débats", constate Benjamin Morel.

2 commentaires

  • 16 novembre 16:59

    Encore un écran de fumée.
    On sait très bien qu'il ne l'utilisera pas.


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