
Le président Emmanuel Macron (d) accueille le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz à l'Elysée, à Paris, le 7 mai 2025 ( AFP / Bertrand GUAY )
Le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz, tout juste élu dans la douleur, s’est rendu mercredi à Paris puis à Varsovie où il s'est déclaré notamment favorable à un assouplissement des règles budgétaires européennes pour permettre aux Etats de l'UE d'investir davantage dans la défense.
Lors d'une conférence de presse à Varsovie, M. Merz a dit "pouvoir imaginer", pour l'UE et le Pacte de stabilité plafonnant les déficits publics des 27, "quelque chose de similaire" à ce qu'il vient de faire en Allemagne, à savoir exempter une partie des dépenses de défense des règles budgétaires.
M. Merz, nommé mardi, a déjà fait voter par le Parlement une levée des restrictions des règles nationales allemandes très strictes - beaucoup plus qu'au plan européen - qui limitent la capacité du gouvernement à emprunter.
Il l'a fait notamment pour pouvoir financer un plan de réarmement de l'Allemagne, face à la menace russe, de plusieurs centaines de milliards d'euros sur plusieurs années, et ainsi augmenter la contribution de son pays à l'Otan.
Concrètement, le gouvernement est libéré des restrictions du "frein à l'endettement" pour les dépenses de défense dépassant 1% du Produit intérieur brut national. C'est ce mécanisme que Friedrich Merz dit pouvoir envisager au niveau de l'UE.
- Nouveau départ, nouvelle ouverture -
Dans la matinée, lors de son premier déplacement étranger, le chancelier allemand et Emmanuel Macron ont affiché à Paris leur volonté de "répondre ensemble aux défis que l'Europe affronte" en donnant un "nouveau départ" à la relation bilatérale.
"Nous souhaitons que l’action se construise systématiquement ensemble. Nous voulons répondre ensemble aux défis que l'Europe affronte", a lancé le président français, appelant à relancer le "réflexe franco-allemand" après quatre années souvent compliquées avec le social-démocrate Olaf Scholz.
"Nous avons convenu d'un nouveau départ pour l'Europe", a renchéri Friedrich Merz lors d'une conférence de presse commune à l'Elysée, soulignant que le partenariat franco-allemand n'était pas toujours "évident" malgré une volonté sans cette réaffichée en ce sens.
A Varsovie, c'est le chef du gouvernement polonais Donald Tusk qui a clamé "une nouvelle ouverture, peut-être la plus importante dans l'histoire des relations germano-polonaises depuis plus de dix ans".
Donald Tusk a saisi l'occasion d'appeler M. Merz à se concentrer sur le renforcement des frontières extérieures européennes et à préserver la zone Schengen de libre circulation entre les pays en Europe, aussitôt après l'annonce de Berlin de renforcer des contrôles à ses frontières pour lutter contre l'immigration illégale.
"Il est de l'intérêt" de l'Allemagne et de la Pologne que leur frontière commune permette le "libre passage" des citoyens des deux pays, a déclaré Donald Tusk lors d'une conférence de presse commune avec M. Merz à Varsovie, estimant qu'il fallait "se concentrer sur la protection de la frontière extérieure" de l'UE.
Varsovie et Paris fondent tous les deux de grands espoirs dans Friedrich Merz, qui parle ouvertement de renforcer la souveraineté européenne, y compris militaire.
Parlant de la coopération polono-germano-française, M. Tusk s'est déclaré "convaincu que l'avenir de l'Europe dépend en grande partie du fonctionnement de ce triangle".
Vendredi la France et la Pologne vont signer à Nancy un nouveau traité bilatéral, un "game changer", selon M. Tusk, sur la coopération mutuelle, notamment dans le domaine de la sécurité.
- Pas sans les Etats-Unis -
Sur les questions de défense et de l'Ukraine, l'hostilité affichée par Donald Trump et son administration à l'égard de l'Europe, et les doutes sur le soutien militaire américain, ont fait bouger les lignes en Allemagne.
Concernant la participation allemande à une éventuelle force de réassurance européenne en Ukraine ou à d'autres garanties de sécurité, le chancelier a toutefois conditionné tout engagement à "un accord de paix" et à une participation américaine au "processus".
"La guerre en Ukraine ne prendra pas fin sans encore plus d'engagement politique et militaire des Etats-Unis, les Européens ne peuvent pas s'y substituer", a-t-il estimé à Paris.
Un futur cessez-le-feu "devrait être garanti par une participation des Etats-Unis", a-t-il martelé alors que Donald Trump n'avance à cette heure aucun engagement en ce sens.
Le nouveau chancelier a par ailleurs confirmé vouloir engager des discussions avec Paris et Londres, les deux seules puissances nucléaires en Europe, sur la dissuasion nucléaire.
Il s'était déjà dit favorable à l'idée de placer son pays - dépendant jusqu'ici de la protection nucléaire américaine - sous le parapluie français et britannique. Ce qui constitue une rupture énorme avec la tradition atlantiste germanique.
- Ratifier le Mercosur -
"Nous allons donner mandat à nos ministres respectifs d'entamer cette discussion", mais "pas pour se substituer aux garanties offertes par les Etats-Unis", a-t-il toutefois souligné.
Les deux dirigeants ont également indiqué vouloir "renforcer" le conseil de défense et de sécurité franco-allemand pour apporter des "réponses opérationnelles" concrètes aux défis stratégiques communs.

Emmanuel Macron (D) et Friedrich Merz (G) dans les jardins de l'Elysée à Paris le 7 mai 2025 ( POOL / Ludovic MARIN )
Un conseil des ministres franco-allemand devrait aussi dès l'été concrétiser la volonté de relance tous azimuts de la coopération et la coordination bilatérales.
D'autres divergences ne devraient cependant pas disparaître du jour au lendemain.
Friedrich Merz, dont le pays est fortement exportateur, a demandé aux Etats de l'Union européenne de ratifier "rapidement" l'accord de libre échange entre l'UE et des pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay), auquel la France s'oppose, craignant une fronde agricole.
"On trouvera des accords qui permettent la juste préservation des conditions de travail, l’équité pour nos producteurs", a répondu le président français.
Ce sujet n'a pas été évoqué en Pologne qui a soutenu Paris dans ses réserves sur cet accord.
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