
La publication jeudi de la liste actualisée des métiers en tension, qui va permettre de régulariser des travailleurs étrangers, répond à une nécessité urgente dans la restauration, où le casse-tête du recrutement est permanent ( AFP / FRED TANNEAU )
"C'est un soulagement": pour Laurent Frechet, qui gère un restaurant dans le centre de Paris, le Zango, la publication jeudi de la liste actualisée des métiers en tension, qui va permettre de régulariser des travailleurs étrangers, répond à une nécessité urgente dans la restauration, où le casse-tête du recrutement est permanent.
"Les travailleurs étrangers sont indispensables pour faire tourner nos cuisines", souligne ce gérant de restaurant, qui préside la branche restauration de l'organisation patronale sectorielle GNI.
Établie région par région, la liste énumère les quelque 80 métiers en manque de main-d'œuvre en France, grâce auxquels les travailleurs étrangers peuvent prétendre à un titre de séjour en justifiant de 12 mois de bulletins de salaire au cours des 24 derniers mois et trois ans de résidence en France.
Dans la restauration, les postes de cuisiniers, serveurs ou aides de cuisine sont notamment concernés.
Restaurateur depuis 22 ans, Laurent Frechet explique avoir accompagné "entre six et sept" employés dans leur démarche de régularisation.
"Mohamed, un salarié sri-lankais, a mis huit ans à m'avouer que les papiers qu’il m'avait présentés n'étaient pas les siens", se remémore-t-il, "il a pu être régularisé et travaille toujours dans mon restaurant."
Même scénario pour Sangare Lamine (45 ans) qui, arrivé du Mali en 2002, a d'abord enchaîné les petits boulots, son irrégularité l'empêchant de rester trop longtemps à un même poste.
"C'était très compliqué d'être régularisé car les fiches de paie ne suffisaient pas", se rappelle-t-il auprès de l’AFP.
En 2005, il commence comme plongeur à Zango et gravit les échelons. Jusqu'à arriver à la tête de la cuisine.
Deux ans après, il est régularisé: "Laurent [Frechet] m'a aidé, il m'a fourni les documents [nécessaires] et m'a donné la chance de monter, jusqu'à devenir chef", explique M. Lamine avec fierté.
- "Ce n'est pas assez" -
Didier Roeckel, propriétaire du restaurant La Couronne, à Scherwiller (Bas-Rhin), a lui aussi aidé un employé à renouveler ses papiers.
"Les gens de bonne volonté qui veulent travailler sont les bienvenus dans notre métier. Il faut tout simplement faciliter les choses", affirme-t-il.
Son établissement de 170 couverts sur la route des vins d'Alsace compte 25 employés à temps plein et une trentaine d'extras.

La nouvelle liste doit permettre à des patrons ayant des difficultés à recruter de garder leurs employés et d'écarter le risque d'une condamnation ( AFP / JEFF PACHOUD )
"Notre métier a toujours fait partie des métiers en tension, mais ce n'était pas reconnu, ce qui était un peu dommage", souligne M. Roeckel.La nouvelle liste doit permettre à des patrons ayant des difficultés à recruter de garder leurs employés et d'écarter le risque d'une condamnation
La nouvelle liste doit permettre à des patrons ayant des difficultés à recruter de garder leurs employés et d'écarter le risque d'une condamnation - l'emploi d'une personne en situation irrégulière est passible de 30.000 euros d'amende et cinq ans d'emprisonnement.
Mais en Île-de-France, seul le métier de cuisinier y figure pour la restauration.
"C'est incompréhensible", s'étonne le propriétaire d’une grande brasserie parisienne près de la gare Saint-Lazare, à Paris.
"On ne trouve pas de plongeurs ou de maîtres d'hôtel", explique-t-il, installé sur une banquette chic de son établissement.
"Donc l'inscription du métier de cuisinier sur la liste des métiers en tension est une avancée, mais ce n'est pas assez", déplore ce gérant de près de 50 employés de dix nationalités différentes.
Pour Benjamin Serra, co-gérant de sept restaurants italiens Prima répartis entre la côte basque et la région toulousaine et comptant 250 salariés, cette nouvelle liste "va dans le bon sens, mais ça ne va pas changer la donne."
D'autant que les métiers de la restauration exigent des compétences spécifiques, qu'il faut parfois transmettre aux nouveaux employés.
"Est-ce que les gens qui arrivent sans papiers, est-ce que ces gens-là ont les compétences ? Est-ce qu'ils ont aussi le droit à la formation ? Ou est-ce qu'ils ont juste le droit de venir travailler ?", s'interroge M. Serra.
Selon France Travail, le besoin de main-d'oeuvre dans la restauration en 2025 est estimé à 336.000 emplois (CDI et CDD de plus de six mois) avec des "difficultés" de recrutement pour la moitié d'entre eux.
Ayant déjà aidé un de ses employés, malien, à obtenir un titre de séjour au bout de plusieurs années de démarches, le restaurateur près de la gare Saint-Lazare salue tout de même la simplification du processus pour régulariser les travailleurs: "c'est déjà une bonne chose pour nous, et pour eux".
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