
La peinture verte sur les murs de la synagogue Agoudas Hakehilos à Paris le 31 mai 2025 ( AFP / Thibaud MORITZ )
Trois Serbes ont été mis en examen et écroués à Paris, suspectés d'avoir dégradé des lieux juifs à Paris avec de la peinture verte le week-end dernier "dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère", possiblement la Russie.
Selon une source judiciaire, ces deux hommés nés en 1995 et un né en 2003 sont mis en cause pour dégradations commises en réunion, en raison de la religion ou de l’ethnie supposée, et pour servir les intérêts d’une puissance étrangère, ce qui est passible de 20 ans de détention criminelle et de 300.000 euros d'amende.
Selon une source proche du dossier, les enquêteurs suspectent la Russie d'avoir instigué ces actions, mais le dossier est à ce stade dépourvu d'éléments sur cela, selon une autre source proche.
La Serbie, où se sont installés plusieurs dizaines de Russes ces trois dernières années, n’a jamais coupé ses liens historiques et politiques avec la Russie et n’a imposé aucune sanction à Moscou depuis l'invasion de l’Ukraine en février 2022.
Contactés par l'AFP, les ministères serbes de la Justice et des Affaires étrangères n’avaient pas répondu vendredi.
Selon la source proche du dossier, les mis en cause auraient échangé des messages sur Telegram avec d'autres protagonistes qui n'auraient pas été interpellés à ce stade.
Les trois hommes, présentés par cette source comme des exécutants simplement motivés par une rémunération mais sans conscience des enjeux géopolitiques, avaient été interpellés lundi dans les Alpes-Maritimes alors qu'ils s'apprêtaient à quitter le territoire.
Deux suspects ont été placés en détention provisoire, le troisième sera fixé en milieu de semaine prochaine, selon la source judiciaire.
"Il y a une disproportion manifeste entre les faits reprochés et la qualification criminelle retenue pour tous, indifféremment du rôle de chacun", a réagi Julia d'Avout d'Auerstaedt, avocate d'un des deux frères mis en cause.
"Nous parlons uniquement de jets de peinture en contrepartie d’une somme d’argent dérisoire" a aussi déploré Reda Ghilaci, avocat d'un troisième homme établi en France depuis plusieurs années.
"Mon client a immédiatement reconnu les faits et a par ailleurs manifesté un profond respect pour notre pays dans lequel il a des attaches (...). Il avait sa place en comparution immédiate, pas à l’instruction criminelle", a-t-il ajouté.
- Opération de déstabilisation -
Dans la nuit de vendredi à samedi, ces trois hommes sont suspectés d'avoir aspergé de peinture verte le mur des Justes du Mémorial de la Shoah, deux synagogues et un restaurant de la communauté juive, situés dans le 4e arrondissement de la capitale, ainsi qu'une synagogue du 20e arrondissement.
Les faits ont été découverts au petit matin par des policiers en patrouille.

Des jets de peinture verte sur le mur des Justes au mémorial de la Shoah à Paris, le 31 mai 2025 ( AFP / Thibaud MORITZ )
Les caméras de surveillance du Mémorial et de deux synagogues ont capté des images de plusieurs hommes vêtus de noir. Un filmait, un autre lançait de la peinture, selon une des sources proches.
Aucun message ni revendication n'a été trouvé sur place.
Ces actes ont été immédiatement condamnés par le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, la maire de Paris Anne Hidalgo et l'ensemble du spectre politique et a provoqué la colère d'Israël.
La piste d'une opération de déstabilisation venue de l'étranger a "dès le départ" été envisagée "compte tenu des similitudes avec le mode opératoire" utilisé pour les tags de mains rouges sur le mur des Justes du Mémorial, l'an dernier, a confié en début de semaine à l'AFP une source proche de l'enquête.
Dans cette affaire, trois Bulgares, soupçonnés de les avoir peintes, ont été mis en examen et écroués fin 2024.
Ces tags, symboles pouvant êtres liés au lynchage de soldats israéliens à Ramallah en 2000, ont été analysés par les services de sécurité comme une opération d'ingérence de la part de russophones.
A l'automne 2023, deux Moldaves ont été interpellés pour avoir tagué des étoiles de David sur des façades d'immeubles parisiens, dans une autre opération présumée d'ingérence.
Viginum, l'organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères, a affirmé début mai que près de 80 opérations de désinformation avaient été menées en ligne entre fin août 2023 et début mars 2025 par "des acteurs russes" ciblant principalement le gouvernement ukrainien et les pays soutenant l'Ukraine, dont la France.
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