
Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi une poignée d'articles de la loi contre le narcotrafic, mais a validé, à une réserve près, le régime carcéral d'isolement prévu pour les narcotrafiquants les plus dangereux ( AFP / BERTRAND GUAY )
Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi une poignée d'articles de la loi contre le narcotrafic, mais a validé, à une réserve près, le régime carcéral d'isolement prévu pour les narcotrafiquants les plus dangereux.
Au total, il a déclaré conformes à la Constitution 32 articles de ce texte "visant à sortir la France du piège du narcotrafic", prononcé la censure partielle ou totale de six autres articles et formulé plusieurs réserves.
Le Conseil avait été saisi par des députés de gauche, qui estimaient que de nombreux articles de cette loi portée par les ministres de l'Intérieur et de la Justice, Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, faisaient "peser de graves menaces" sur l'état de droit.
Ils lui demandaient en particulier de censurer l'article portant la création, devenue emblématique, de quartiers de haute sécurité dans les prisons pour les trafiquants les plus dangereux.
Le premier à voir le jour, fin juillet, sera celui de la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).
La loi prévoit que les détenus, qu'ils soient en détention provisoire ou condamnés, y soient affectés sur décision du garde des Sceaux, sous certaines conditions.

Le centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, le 14 mai 2025 dans le Pas-de-Calais ( POOL / Michel Euler )
Le régime carcéral qui y est assorti, inspiré des lois antimafia italiennes, permet entre autres des fouilles intégrales encadrées en cas de contacts sans surveillance d'un agent. Des dispositions qui ont été dénoncées, notamment par l'Observatoire international des prisons (OIP) qui les juge "attentatoires aux droits fondamentaux".
Les Sages ont déclaré cet article conforme à la Constitution, tout en émettant une réserve sur la question des fouilles intégrales.
Celles-ci ne doivent être réalisées que lorsque la surveillance par un agent pénitentiaire "a été empêchée par des circonstances particulières tenant à l'intimité de la personne détenue, à la nécessité de préserver la confidentialité de ses échanges ou à des difficultés exceptionnelles d'organisation du service pénitentiaire", a souligné le Conseil.
- Censures totales ou partielles -
"Grande avancée pour la sécurité des Français ! Le Conseil constitutionnel valide en grande partie les dispositions relatives à la justice de la loi narcotrafic. Parquet national anti-criminalité organisée, régime carcéral très strict pour les narcotrafiquants, procédures anonymes pour les agents pénitentiaires… des mesures concrètes pour la sécurité des Français et contre ceux qui bafouent la République", s'est félicité Gérald Darmanin sur X.

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin à l'Assemblée nationale, le 10 juin 2025 à Paris ( AFP / GEOFFROY VAN DER HASSELT )
Parmi les six articles censurés figurent aussi l'accès direct des services de renseignement aux bases de données fiscales et l'expérimentation du recours au renseignement algorithmique contre le narcotrafic, qui selon les Sages n'assure pas "une conciliation équilibrée" entre la prévention des atteintes à l'ordre public et le droit au respect de la vie privée.
Sur le procès-verbal distinct, aussi appelé dossier-coffre et qui permet de ne pas divulguer certaines informations sur les techniques d'enquête aux trafiquants et à leurs avocats, le Conseil a censuré une des dispositions qui permettait "qu'à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, une condamnation pénale puisse, dans certains cas, être prononcée" sans que la personne mise en cause n'ait pu contester le recueil des preuves présentées à son encontre.
Il a par ailleurs censuré partiellement l'article concernant la généralisation de la visioconférence pour les personnes détenues dans ces quartiers de lutte contre la criminalité organisée.
Cette disposition a été introduite pour éviter au maximum les transports de détenus dangereux et donc les risques d'évasion, comme celle du narcotrafiquant multirécidiviste Mohamed Amra qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires le 14 mai 2024 au péage d'Incarville (Eure).
Le Conseil constitutionnel a estimé qu'elle portait une "atteinte excessive aux droits de la défense" pour les personnes placées en détention provisoire.
Sur l'activation à distance d'un appareil électronique pour procéder à des écoutes, il a jugé que les dispositions de l'article poursuivaient "les objectifs de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et de prévention des atteintes à l'ordre public" et étaient "entourées de garanties suffisantes pour ne pas porter d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée".
Mais les Sages ont ajouté une réserve, estimant que ces dispositions n'étaient applicables qu'aux délits "commis en bande organisée et punis d'une peine d’emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans".
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