
Le procès Apollonia s'est terminé après plus de deux mois de débats qui ont permis d'entendre la souffrance des centaines de victimes de cette immense escroquerie immobilière ( AFP / Thomas SAMSON )
Le procès Apollonia s'est terminé vendredi, après plus de deux mois de débats qui ont permis d'entendre la souffrance des centaines de victimes de cette immense escroquerie immobilière, face à des prévenus impassibles, voire provocateurs, qui se sont renvoyé la balle.
Étant donné l'ampleur du dossier, qui compte 15 prévenus et quelque 760 parties civiles, la décision sera rendue dans sept mois, le 15 janvier. Le tribunal correctionnel de Marseille a "besoin de temps", a justifié sa présidente Azanie Julien-Rama.
Apollonia, c'est le nom de cette société de conseil en patrimoine basée à Aix-en-Provence. Au début des années 2000, elle poussait ses clients, la plupart médecins, à acquérir des biens immobiliers - jusqu'à une quarantaine pour certains - censés s'autofinancer via le statut de loueur en meublé professionnel (LMP). Au total, plus de 5.300 lots de programmes immobiliers ont ainsi été vendus, pour un préjudice estimé à 1,2 milliard d'euros.
Beaucoup espéraient se constituer un patrimoine et préparer leur retraite, mais les espoirs de rentabilité se sont transformés pour beaucoup en surendettements, interdictions bancaires et impossibilité de transmettre quoi que ce soit à leurs enfants.
Ces neuf semaines de procès ont permis de mesurer les répercussions d'une telle escroquerie sur la vie des gens. Toutes les parties se souviendront du récit de cette gynécologue grenobloise, Pascale Hoffmann-Cucuz, qui a perdu son mari, miné et automédiqué à haute dose à cause de cette affaire. Et de sa honte de s'être fait avoir.
Médecins, dentistes, kinésithérapeutes, des cibles faciles car fortunées et absorbées par leurs carrières. Mais "vous n'avez pas à avoir honte d'avoir succombé", a tenté de les rassurer le procureur, car Apollonia utilisait "un processus extrêmement sophistiqué".
Ses commerciaux, au discours ultra-rodé, s'occupaient de tout pour leurs clients jusqu'à la signature de procurations tamponnées par des notaires pour les ventes. Derrière, on maquillait l'endettement réel auprès des banques, les biens étaient surcotés, les taux d'intérêt élevés. Pourquoi ? Pour parvenir à la commission de 15%, la plus élevée possible.
- Réquisitions justes ou "ahurissantes" ? -
Fondateur d'Apollonia, le couple Badache, qui comparaissait auprès de 12 autres prévenus, leur fils, d'ex-commerciaux, d'ex-salariées, trois notaires et un avocat, n'ont pas caché qu'ils ont gagné beaucoup beaucoup d'argent. Jet privé, palais à Marrakech, chalet en Suisse, villa surplombant Cassis, caviar, bijoux: lui, l'ancien vendeur de chaussures, et elle, l'ancienne esthéticienne, ont acquis jusqu'à 50 biens immobiliers.
Mais, à l'audience, ils se sont défaussés sur tout le monde. Jean Badache, 70 ans, a quand même "regretté que ces personnes soient dans le caca", animant les audiences de formules aussi fleuries que maladroites. "Si on est condamnés, on nous laissera le derrière râpé comme une dinde de Noël", a-t-il ainsi lâché.
Pour l'un de ses avocats, Frédéric Monneret, il s'agit là d'"une attitude de défense" et un prévenu, aussi "salopard" qu'il soit, doit voir sa culpabilité démontrée.
Pour la défense, il y a un doute, sans parler du délai déraisonnable pour les juger 20 ans après les faits. Ils ont donc plaidé la relaxe. Une façon aussi de répondre à des réquisitions qu'ils ont jugées "ahurissantes de sévérité".
Le procureur de la République Mathieu Vernaudon avait requis la même peine lundi contre Jean et Viviane Badache, soit dix ans de prison avec incarcération immédiate face au risque de fuite et 2,5 millions d'euros d'amende, soit cinq millions d'euros au total. Contre les autres prévenus, s'il a requis des peines moindres, il a également demandé de la prison ferme avec mandat de dépôt pour certains commerciaux ou pour l'avocat.
Vendredi, à la fin du procès, seule une poignée des prévenus ont eu des mots de compassion pour les parties civiles. "Ils n'ont pas conscience de l'ampleur de ce qu'ils ont fait. Certains, je pense, ne le regrettent pas", a confié en marge de l'audience Jean Imbert, vice-président de l'association de victimes.
Néanmoins, pour lui, ce procès a permis "d'aller "au fond des choses dans un dossier extrêmement complexe". Il a toutefois regretté, comme d'autres, l'absence des promoteurs.
Tous devront maintenant attendre début 2026 pour connaître la décision sur la culpabilité des prévenus et éventuellement un premier pas vers des indemnisations.
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