par Nellie Peyton et Nqobile Dludla
À Qunu, la ville où a grandi Nelson Mandela, il n'y a plus d'eau courante depuis 2016, les emplois sont rares et la criminalité est en hausse.
A l'approche des élections sud-africaines du 29 mai, le Congrès national africain (ANC), parti au pouvoir, récolte toujours un soutien appuyé des électeurs plus âgés, mais les plus jeunes, qui ne se souviennent pas de l'époque de Mandela et de sa victoire contre l'apartheid, s'en éloignent.
"Je voterai pour l'ANC jusqu'à ma mort", assure à Reuters Mzwandile Mthembu, 65 ans. Il n'a pas d'électricité dans sa cabane en béton, mais il perçoit une allocation de retraite et est reconnaissant de sa liberté.
De l'autre côté de la route, Lungile Xozwa, 37 ans, dit en avoir assez de la vieille garde et vouloir voter pour l'opposition.
"Mandela est parti. Maintenant, c'est notre heure", déclare ce chercheur en santé publique dans sa petite maison peu meublée, avec des latrines à fosse dans la cour.
Les difficultés rencontrées à Qunu, dans la province du Cap-Oriental, trouvent un écho dans toute l'Afrique du Sud : le chômage atteint presque un niveau record, les meurtres sont en augmentation et les services de base, notamment l'électricité, ne sont pas fiables.
Selon les sondages et les analystes politiques, le mécontentement généralisé devrait coûter à l'ANC sa majorité lors du prochain scrutin, pour la première fois depuis 1994, et l'obliger à former une coalition.
L'ANC ne recueillerait que 39% des intentions de votes, même si la formation compte deux fois plus de voix que n'importe quel autre parti.
DES PROGRÈS INÉGAUX
La région de Qunu faisait autrefois partie des petits territoires que le gouvernement de l'apartheid avait attribués à la population noire, jusqu'à ce que l'ANC contribue à l'instauration d'une démocratie multiraciale en 1994.
Lorsque l'ANC est arrivé au pouvoir, le parti a dû s'atteler à la tâche colossale d'étendre les services aux quelque 87% de citoyens de couleur. S'il a obtenu des succès notables, les progrès ont été inégaux.
D'après les enquêtes menées auprès des ménages, environ 90% des foyers sud-africains étaient raccordés à l'électricité en 2022, contre 54% en 1994, mais les coupures de courant se sont aggravées pour tout le monde.
Le gouvernement a construit environ trois millions de nouveaux logements pour les familles pauvres, selon l'administration du logement, mais il y a quelque 2,5 millions de ménages sur la liste d'attente.
Qunu a obtenu l'électricité et l'eau courante dans les années 1990, avant de perdre son accès à l'eau vers 2016 à cause du manque d'entretien du système.
"Je vois ce que l'ANC fait pour d'autres communautés, mais ici, c'est rare. Nous n'avons pas d'eau et nous avons des routes en gravier", souligne Phila Gogozayo, 24 ans et sans emploi.
La jeune femme indique qu'elle votera pour les Combattants de la liberté économique, une formation de gauche, qui figure parmi les deux principaux partis d'opposition aux côtés de l'Alliance démocratique.
A Qunu, certains jeunes mécontents disent ne pas s'être inscrits sur les listes électorales ou être encore indécis.
Au niveau national, aucun mouvement d'opposition n'a émergé pour capter le vote des jeunes, remarque l'analyste indépendant Ralph Mathekga.
"La domination de l'ANC dans la société n'est pas seulement politique, elle est aussi sociale", relève-t-il. "Ce n'est pas facile à surmonter."
(Reportage Nqobile Dludla, rédigé par Nellie Peyton ; version française Gaëlle Sheehan, édité par Blandine Hénault)
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