4 juillet (Reuters) - Israël a lancé lundi une opération d'ampleur contre le camp de réfugiés de Jénine, bastion des groupes armés palestiniens en Cisjordanie occupée, tuant au moins 10 Palestiniens lors d'affrontements avec des hommes armés.
➦ L'opération militaire à Jénine est bientôt terminée, dit Israël
Voici ce qu'il faut savoir à propos de la ville de l'enclave palestinienne.
POURQUOI ISRAËL ATTAQUE-T-IL JÉNINE ?
Jénine et les zones périphériques du nord de la Cisjordanie occupée sont, depuis mars 2022, les cibles d'offensives de plus en plus intenses ordonnées par le gouvernement ultra-nationaliste en place en Israël, en réponse à une vague d'attaques de rue dans des villes de l'Etat hébreu.
De longue date, le camp de réfugiés de Jénine abrite des militants palestiniens disposant d'un large éventail d'armes légères et d'un arsenal croissant d'engins explosifs.
L'armée israélienne accuse régulièrement les mouvements palestiniens armés de dissumuler des combattants dans des zones urbaines densément peuplées, comme les camps de réfugiés mis en place en 1948. Nombreux sont les combattants résidant dans le camp de réfugiés de Jénine, souvent en famille.
En janvier dernier, les troupes israéliennes ont abattu sept hommes armés ainsi que deux civils lors d'une opération à Jénine. Le mois dernier, soldats israéliens et combattants palestiniens ont pris part pendant plusieurs heures à une fusillade durant laquelle six Palestiniens ont été tués et plus de 90 autres blessés. Sept militaires israéliens ont été blessés dans l'explosion d'une mine sur laquelle a roulé leur véhicule blindé.
En représailles aux opérations israéliennes, des Palestiniens armés ont abattu quatre Israéliens à près d'une colonie. Des colons ont alors décidé de saccager des villes palestiniennes, incendiant des bâtiments et des véhicules.
La situation a basculé dans l'un des pires épisodes de violence depuis l'"Intifada" (soulèvement) des Palestiniens de 2000-2005, dans un contexte d'absence prolongée de toute discussion sur un Etat palestinien, d'un leadership politique palestinien de plus en plus affaibli et de l'expansion des colonies juives dans les territoires occupés depuis l'entrée en fonction d'un gouvernement israélien plus nationaliste que jamais.
QUEL EST LE QUOTIDIEN DANS LA VILLE DE JÉNINE ?
Située dans l'extrême nord de la Cisjordanie, région vallonnée près de la frontière avec Israël, Jénine est une petite ville où se trouve un foisonnant camp de réfugiés, bâti avec du béton et des parpaings, qui abrite quelque 14.000 personnes.
Ses habitants sont les descendants des Palestiniens dépossédés de leurs biens lorsqu'Israël a été créé, en 1948, et la plupart d'entre eux vivent dans la pauvreté et sans emploi.
Cet héritage douloureux est la source d'une forte hostilité à l'égard d'Israël et d'un soutien aux mouvements armés palestiniens.
QUELLE EST L'IMPORTANCE DU CAMP DE RÉFUGIÉS DE JÉNINE ?
Jénine fut le théâtre d'affrontements parmi les plus sanglants lors de l'"Intifada" de 2000-2005, la seconde de l'histoire, lancée après l'effondrement des pourparlers de paix chapeautés par les Etats-Unis et qui s'est transformée en conflit armé entre Israël et les groupes palestiniens.
Nombre de kamikazes en première ligne de ce soulèvement étaient originaires de Jénine. Pour enrayer ces attaques suicide, Tsahal a mené en avril 2002 une offensive dévastatrice contre le camp de réfugiés de la ville, dans le cadre d'une opération plus large destinée à réprimer les zones où les Palestiniens disposaient d'une autorité limitée via les accords de paix provisoires signés dans les années 1990.
D'après des données de l'Onu, 52 Palestiniens, dont une moitié de civils, ont été tués à l'époque à Jénine, tandis que 23 soldats israéliens y sont morts. Plus de 400 habitations ont été détruites, avec pour conséquence de rendre sans-abri plus d'un quart de la population - la reconstruction du camp de réfugiés devenant alors nécessaire.
Pendant deux décennies, Israël a alerté sur le nombre croissant d'hommes armés résidant à Jénine et sur leurs stocks de munitions. Selon l'Etat hébreu, la ville sert de pôle de commandement et de préparation aux attaques palestiniennes, en plus de permettre aux combattants financés par le Hamas ou le Djihad islamique d'y vivre en lieu sûr.
Israël a déclaré que, depuis le début de l'année 2023, plus de 50 attaques armées ont été menées par des hommes issus de Jénine, estimant que plus de la moitié de la population locale était affiliée à l'un des mouvements palestiniens armés.
Le tir le mois dernier de deux roquettes artisanales depuis une zone proche de Jénine font craindre en Israël que la Cisjordanie suive la voie de la bande de Gaza, que les colons juifs ont quittée en 2005 et où sont désormais au pouvoir des factions islamistes armées.
Des opérations de petite ampleur menées récemment par l'Etat hébreu à Jénine, souvent via des commandos sous couverture, se sont heurtées à des difficultés du fait d'engins piégés placés sur les routes et de la faculté des résidents à repérer toute personne extérieure au camp.
Cela a contribué à conduire à l'opération d'ampleur lancée par Israël en ce début du mois de juillet, avec plus de 1.000 soldats déployés et, fait rare, des attaques au drone. L'objectif affiché était de détruire les infrastructures et les armes des mouvements palestiniens.
L'armée israélienne a indiqué que l'un des sites ciblés à Jénine était une salle de commandement connectée à un réseau de caméras de vidéosurveillance placées à travers le camp de réfugiés, ainsi qu'un tunnel et une armurerie cachés sous une mosquée.
Au cours de cette opération, 120 combattants présumés ont été arrêtés, a déclaré Israël, ajoutant qu'au moins neuf combattants ont été tués à Jénine.
POURQUOI LES HOMMES ARMÉS SEMBLENT-ILS ÉCHAPPER À TOUTE AUTORITE ?
Parmi les groupes armés présents à Jénine figurent le Djihad islamique, soutenu par l'Iran, le mouvement islamiste du Hamas, qui contrôle Gaza, et la branche armée du Fatah du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Ils opèrent dans le camp de réfugiés sous l'égide des Brigades de Jénine.
La présence croissante de ces groupes découle en partie du laxisme des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne, reconnue par la communauté internationale. L'Autorité palestinienne reproche à Israël de nuire à sa crédibilité dans la rue.
Ces groupes trouvent aussi leur force dans la faiblesse de Mahmoud Abbas, âgé de 87 ans, dont les négociations avec Israël pour un Etat palestinien se sont effondrées en 2014, sans qu'une éventuelle reprise des discussions n'apparaisse à l'horizon.
(Rédigé par Dan Williams; version française Jean Terzian)
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