
Le président du groupe parlementaire UDR Eric Ciotti s'exprime sur scène au Casino de Paris, à Paris, le 24 juin 2025 ( AFP / Julie SEBADELHA )
"Je viens d'appeler le Premier ministre". Face à l'obstruction de la gauche sur son texte visant à interdire le mariage aux étrangers en situation irrégulière, le groupe UDR, qui défendait jeudi les textes de sa "niche" parlementaire à l'Assemblée nationale, a demandé au gouvernement de forcer l'accélération des débats, sans succès.
Le groupe d'Eric Ciotti, allié du Rassemblement national, avait décidé pour sa première "niche" de reprendre une proposition de loi centriste, adoptée au Sénat en février, dont l'article principal prévoit qu'un "mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national".
Un cadre UDR reconnaissait en amont des débats une occasion de "piéger" le bloc central, divisé sur la question, alors qu'Emmanuel Macron avait lui-même appelé à ce que soit débattue au Parlement une telle loi.
La discussion générale sur la proposition de loi a donné un aperçu de ces divisions.
Si LR et Horizons ont manifesté leur soutien au texte, le MoDem et Renaissance ont exprimé des réserves, pointant le caractère inconstitutionnel de l'article clé du texte.
Cet article est "frontalement contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel", a affirmé le président de la commission des Lois, Florent Boudié (Renaissance), en référence à une décision des Sages de 2003.
M. Boudié a en revanche apporté son soutien à deux autres articles, l'un (le 1er A) prévoyant que les époux de nationalité étrangère fournissent aux officiers d'état-civil des documents permettant d'apprécier leur situation au regard du séjour, et l'autre étendant les prérogatives du procureur chargé de contrôler la légalité du mariage.
Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a apporté son soutien à la proposition de loi, et notamment à ces deux articles, en faisant part lui aussi de ses "réserves" sur l'article principal.
- "Mascarade" -
Mais la gauche a mené la bataille dès l'entame des débats: arguant que nombre d'étrangers en situation régulière se retrouvent sans titre de séjour, et même sans récépissé de demande, en raison de "l'encombrement des services administratifs", elle s'est vivement opposée à l'article exigeant que les futurs époux justifient de leur situation administrative.
Entre citations de la Déclaration des droits de l'homme, de témoignages, de chanson ou de film, les députés des groupes de gauche ont ralenti les débats, au point de conduire Eric Ciotti à demander au gouvernement de faire usage de ses prérogatives pour restreindre le nombre d'amendements examinés, puis à en référer au Premier ministre.
"Madame la Ministre, est ce que vous allez, oui ou non, continuer à laisser dérouler cette mascarade (...) ? Je viens d'appeler le Premier ministre et j'attends votre réponse", a-t-il lancé à la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, impassible.
La cheffe de file du RN, Marine Le Pen, dont le groupe a pu faire face à une semblable obstruction lors de ses propres "niches", a fustigé une "logorrhée insupportable" et promis de rendre la pareille lors des futures niches de la gauche.
Dans un communiqué, l'UDR a fustigé un "sabotage parlementaire" de la part de la gauche, avec la complicité du gouvernement et de LR, quasiment absent de l'hémicycle.
Peu avant 20H00, l'article 1er A a été largement voté, avec 120 voix contre 53.
En début de journée, le groupe UDR avait décidé de retirer un autre texte à risque pour la coalition gouvernementale, appelant notamment à dénoncer l'accord franco-algérien de 1968, qui confère un statut particulier aux Algériens en matière de circulation, de séjour et d'emploi.
"Ce débat parlementaire intervient à quelques jours, le 1er juillet, du verdict qui concerne notre compatriote Boualem Sansal", a argué Eric Ciotti, ne souhaitant pas prendre le risque d'envenimer encore les relations entre Paris et Alger, alors que le parquet algérien a requis mardi 10 ans de réclusion à l'encontre de l'écrivain franco-algérien.
Le groupe a aussi décidé de retirer sa proposition de loi interdisant l'exécution immédiate de peines d'inéligibilité, face à l'opposition de la majorité de l'hémicycle.
La gauche et le bloc central ont dénoncé une loi taillée pour Marine Le Pen, qui a fait appel de sa condamnation dans l'affaire des assistants d'eurodéputés FN, qui la prive à ce stade de l'élection présidentielle (la décision en appel est attendue à l'été 2026).
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