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A l'ouverture du procès d'un ex-rebelle syrien, la compétence de la justice française au coeur des débats
information fournie par AFP 29/04/2025 à 19:29

Le procès d'un ex-rebelle salafiste, Majdi Nema, s'ouvre mardi devant la cour d'assises de Paris, qui va le juger pour complicité de crimes de guerre commis entre 2013 et 2016 en Syrie ( AFP / LOIC VENANCE )

Le procès d'un ex-rebelle salafiste, Majdi Nema, s'ouvre mardi devant la cour d'assises de Paris, qui va le juger pour complicité de crimes de guerre commis entre 2013 et 2016 en Syrie ( AFP / LOIC VENANCE )

La cour d'assises de Paris est-elle légitime pour se pencher sur des crimes commis en Syrie par un Syrien ? la compétence universelle de la justice française a été âprement débattue à l'ouverture mardi du procès d'un ex-rebelle salafiste, accusé de complicité de crimes de guerre.

Egalement jugé pour entente en vue de la préparation de crimes de guerre, Majdi Nema, un ancien membre de Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans ce groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien. Il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Au premier jour d'audience, au cours duquel le fond du dossier n'a pas été abordé, la défense de l'accusé, qui est détenu en France depuis janvier 2020, a cherché à pilonner ce principe de compétence universelle, fustigeant une logique "colonialiste", et demandé à la cour d'assises de se déclarer incompétente.

Lors de l'instruction, elle avait déjà contesté ce principe, allant jusqu'à la Cour de cassation, qui avait rejeté ses pourvois et consolidé l'assise de la compétence universelle.

"Si la cour vous demande de juger ce dossier, d’examiner ces faits pendant cinq semaines, je veux que vous compreniez ce que vous allez faire", commence Me Romain Ruiz en s'adressant aux jurés.

"On va vous demander de vous plonger dans une partie de l'histoire de la Syrie", poursuit-il. "Je veux que vous compreniez à quel point il est compliqué, à quel point il est impossible pour vous de prendre en compte l'intégralité du tableau syrien".

- "Colonialisme judiciaire" -

Or, pour l'avocat, "les Syriens attendent de pouvoir faire justice, et ce serait justice qu'ils le fassent". D'autant plus que la chute du régime de Bachar al-Assad, survenue le 8 décembre dernier, a changé la donne dans le pays.

"Il y a concrètement aujourd'hui en Syrie un système judiciaire qui est probablement imparfait, mais il existe", affirme-t-il.

Après lui, son confrère, Me Raphaël Kempf, estime que la cour, si elle se déclarait incompétente dans ce dossier, enverrait "un message d'humilité et de soutien à la justice de transition en Syrie".

"La situation actuelle n'est nullement stabilisée", rétorque Me Patrick Baudouin, un des avocats de la Fédération internationale des droits humains (FIDH). "C'est un système qui est en train de se reconstruire, on ne peut pas dire sérieusement que la Syrie est en mesure de juger" pour l'instant, développe-t-il.

Me Marc Bailly, autre avocat de la FIDH et de plusieurs autres parties civiles, souligne de son côté que JAI était aujourd'hui "intégré au ministère de la Défense" du nouveau pouvoir en place, dirigé par Ahmad al-Chareh, chef du groupe rebelle islamiste Hayat Tahrir al-Sham devenu président par intérim du pays. Et "on vous demande aujourd'hui de juger celui-ci qui était la vitrine de JAI en Syrie", lance-t-il.

"Ce que veut la défense, c'est que le débat judiciaire n’ait pas lieu, c'est que Majdi Nema échappe à sa responsabilité", pourfend Sophie Havard, une des deux avocates générales.

"Aujourd'hui, les conditions pour la tenue de procès équitables en Syrie, qui soient respectueux des droits des victimes, des témoins mais aussi de la défense, n’apparaissent pas réunies", estime-t-elle, observant que des massacres de civils, notamment dans la communauté alaouite, avaient eu lieu dans le pays depuis l'arrivée des nouvelles autorités.

Pour la représentante du ministère public, avec la compétence universelle, il ne s'agit nullement "de juger à la place de" : "Il s'agit de juger en l'absence de réponse judiciaire de ce pays", explique-t-elle, soulignant par ailleurs que la justice française avait été saisie dans ce dossier par des victimes syriennes.

En fin de journée, la parole est donnée à Majdi Nema. "Moi, je souhaite être jugé dans mon pays devant mon peuple", déclare l'accusé, carrure massive, collier de barbe et rares cheveux coiffés en catogan, dénonçant aussi une forme de "colonialisme judiciaire". "De toutes façons moi je suis innocent, ici ou là-bas", assure-t-il en arabe.

La cour d'assises a mis sa décision en délibéré à mercredi matin.

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