Taxe Zucman : rendement, biens professionnels... ce qu'il faut savoir sur l'impôt qui suscite de vifs débats information fournie par Boursorama avec Media Services 17/09/2025 à 12:09
Reçus à Matignon ce mercredi 17 septembre, les socialistes soutiennent l'instauration dans le budget 2026 d'un impôt sur les hauts patrimoines.
C'est le totem de la gauche et l'épouvantail pour la droite. La taxe Zucman - qui consisterait à taxer à hauteur de 2% par an les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros, soit 1.800 foyers fiscaux selon son promoteur - suscite de vifs débats. L'instauration dans le budget 2026 d'un impôt sur les hauts patrimoines est néanmoins soutenue par les socialistes qui sont reçus ce mercredi 17 septembre.
Quel rendement ?
Selon l'économiste Gabriel Zucman, qui a donné son nom à cette idée de taxe, la mesure permettrait de récupérer 20 milliards d'euros par an, une aubaine compte tenu des difficultés des gouvernements successifs à réduire le déficit public. Mais d'autres experts contestent ce rendement, estimant plutôt les gains à 5 milliards d'euros, soit quatre fois moins... Dans une tribune au journal Le Monde, plusieurs économistes pointent notamment des "effets comportementaux" susceptibles de limiter les recettes avec un risque d'exil ou d'optimisation fiscale de certains contribuables, sur la base d'une note du Conseil d'analyse économique (CAE). Il n'existe "pas de certitude" sur le montant exact de son rendement, nuance auprès de l'AFP Camille Landais, professeur à la London School of Economics (LSE) et l'un des auteurs de la note.
Inclure les biens professionnels ?
Faut-il inclure les biens professionnels dans l'assiette de calcul de l'impôt ? Oui, pour ne "pas répéter les erreurs du passé", plaide Gabriel Zucman. Une allusion à l'ISF qui rapportait quelque 5 milliards d'euros par an, mais exonérait les biens professionnels (comme par exemple les actions) de l'assiette de taxation. Or des hauts patrimoines placent des biens professionnels dans des structures de type holdings afin d'y conserver les bénéfices mais sans les distribuer, détaille Camille Landais. En d'autres termes, ces bénéfices ne sont jamais taxables. Pour les très hauts patrimoines, les revenus de capitaux mobiliers (placements financiers, dividendes...) représentent près de la moitié des revenus totaux en 2022, selon la direction générale des finances publiques (DGFiP). Mais inclure les biens professionnels reviendrait à "taxer l'outil de travail", alors que c'est ce qui "crée de l'emploi en France", a répondu sur France Inter Dominique Carlac’h, cheffe d'entreprise et membre du conseil exécutif du Medef.
Frein à l'innovation ?
Des acteurs de la "tech" ont dénoncé dans le quotidien L'Opinion une limite du dispositif voulu par Gabriel Zucman, affirmant que dans ce secteur les "valorisations des entreprises sont théoriques et les actions, illiquides", c'est-à-dire très difficiles à vendre. Un impôt sur le patrimoine "obligerait de nombreux fondateurs à céder une partie de leur capital", un frein à l'innovation qui pourrait affecter certains fleurons français, comme Mistral AI dans l'intelligence artificielle, dénoncent-ils. "Je suis convaincu qu'il faut plus de justice fiscale", même s'"il y a un sujet sur comment on écrit la loi pour que cela fonctionne", a déclaré mardi son patron Arthur Mensch sur France 2, tout en reconnaissant qu'il "ne pourrait pas payer" une telle taxe en l'état.
L'économiste suggère en réponse un "paiement en nature" pour ces rares cas, c'est-à-dire que l'Etat prélève des actions de l'entreprise. Dans le débat public il y "a une véritable méconnaissance de certaines mécaniques économiques, notamment du lien entre fiscalité et innovation", estime auprès de l'AFP Maya Noël, directrice générale de l'association France Digitale, tandis que Nicolas Dufourcq, le patron de la banque publique d'investissement, Bpifrance, a qualifié cette taxe de "truc absurde". Pour d'autres, comme le directeur général de la Maif et coprésident d'Impact France, Pascal Demurger, la nécessité d'une taxe est "claire", mais avec "peut-être des ajustements à faire".
Un risque constitutionnel ?
Certaines voix avancent un risque de censure d'une telle taxe par le Conseil constitutionnel. Mesure phare de la campagne de l'élection présidentielle 2012 de François Hollande, la taxe de 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d'euros avait été censurée par les "Sages", au motif qu'elle méconnaissait le principe d'égalité des charges. Le Conseil avait également retoqué les modalités de calcul du plafonnement de l'ISF, en particulier l'intégration des revenus ou bénéfices capitalisés, "que le contribuable n'a pas réalisés ou dont il ne dispose pas".