Loi simplification : la suppression d'instances consultatives fait débat
information fournie par Boursorama avec Media Services 28/03/2025 à 12:42

Jeudi 27 mars, trois instances consultatives ont été supprimées dans le cadre de l'examen du projet de loi de "simplification". ( AFP / THIBAUD MORITZ )

"S'il y a un sujet qui mérite d'être débattu ce sont bien les projets industriels et leur impact sur l'environnement" affirme Ilaria Casillo, vice-présidente de la CNDP.

L'abrogation surprise des "zones à faibles émissions" (ZFE) reste le fait marquant de l'examen en commission spéciale du projet de loi de " simplification ", qui s'est achevé jeudi 27 mars. Contre l'avis du gouvernement, la commission spéciale de l’Assemblée nationale s'y est opposée. L'instance dénonce leur impact sur les ménages les plus modestes.

Mais, les députés ont aussi supprimé des dizaines d'instances consultatives considérées comme des "comités Théodule".

Le gouvernement entend par ailleurs profiter du retour du texte en séance le 8 avril pour exclure les projets industriels du périmètre de la Commission nationale du débat public (CNDP), l'autorité indépendante chargée de garantir le droit à l'information et à la participation du public sur les projets ayant un impact sur l'environnement.

Aujourd'hui obligatoire pour les projets de plus de 600 millions d'euros , l'organisation d'un débat public contradictoire deviendrait facultative, y compris pour des ouvertures de mines de lithium ou de stockage de carbone . "Là où, en Allemagne, vous avez un processus qui prend neuf mois pour un projet industriel, en France on est plutôt entre 18 mois et trois ans", a justifié auprès de l'AFP l'entourage du Premier ministre.

Interrogée, la CNDP évoque elle une durée moyenne de " 13,3 mois entre la décision de la saisine et la remise du compte rendu du débat public" .

Les députés ne se sont pas arrêtés là, puisqu'ils ont élargi la qualification d'"intérêt national majeur" aux projets d'infrastructures (routes, autoroutes, aéroports), et non plus seulement aux projets industriels, leur accordant ainsi un "statut prioritaire".

Tirant les leçons de l'arrêt du chantier de l'autoroute A69 par la justice administrative, ils ont aussi ouvert la possibilité de conférer à l'ensemble des projets d'infrastructures une "raison impérative d'intérêt public majeur", ce dès leur démarrage. Une mesure qui, selon France Nature Environnement (FNE), "faciliterait l'implantation de projets industriels sur des zones où vivent des espèces protégées".

Le Ceser et l'ONPV supprimés

"S'il y a un sujet qui mérite d'être débattu ce sont bien les projets industriels et leur impact sur l'environnement, et c'est aussi une question de respect du droit à l'information et à la participation ", commente pour l'AFP Ilaria Casillo, vice-présidente de la CNDP, rappelant aussi que "l'écart entre une procédure légale et ce que les citoyens considèrent comme légitime est de plus en plus grand".

"C'est un épisode d'une longue série d'attaques contre la CNDP mais aussi contre l'ensemble des outils participatifs autour des projets industriels et d'infrastructures, sous couvert de simplification administrative et d'accélération des procédures", souligne Frédéric Graber, historien de l'environnement au CNRS.

D'autres instances comme les conseils économiques sociaux et environnementaux régionaux (Ceser), l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) et le Conseil national de la montagne ont également été supprimés . Selon la ministre déléguée à la Ville Juliette Méadel, "l'ONPV est la seule instance publique qui permet de réaliser une évaluation indépendante et scientifique de la politique de la ville pour 40 à 50.000 euros par an".

Les élus de montagne se sont également érigés contre la suppression de leur assemblée consultative créée il y a 40 ans, dénonçant "un casus belli, en plein réchauffement climatique".

La veille, neuf présidents de région, toutes tendances politiques confondues, ont joint leur voix au concert des critiques pour réclamer le maintien des Ceser, estimant que la France a "plus que jamais besoin d'instances de concertation dans les territoires".

"Il y a une convergence de vue entre le RN et les franges les plus dures de LR pour supprimer toutes les instances consultatives, sans vraiment savoir à quoi elles servent dans un discours populiste à la Trump montrant qu'on se débarrasse de l'Etat", observe Guillaume Gourgues, maître de conférences en science politique à Lyon-II, qui voit là un " signe de l'appauvrissement du débat sur la réforme de l'Éta t".

A FNE, on rappelle aussi le lien entre le développement de maladies, notamment de cancers, et la proximité avec des sites industriels. "C'est donc très important de mettre en balance le développement industriel et la protection de la santé des populations", note Axèle Gibert pour la fédération.

Le chercheur Nicolas Rio, coauteur de "Pour en finir avec la démocratie participative", estime lui qu'à vouloir "griller les étapes, on augmente le risque de contestations sur un mode d'affrontement".