La Chine lie l'accord avec l'UE sur le cognac aux négociations sur les VE information fournie par Reuters 27/06/2025 à 13:15
par Tassilo Hummel et Julia Payne
Les fabricants français de cognac sont parvenus à un accord provisoire avec Pékin sur les prix minimaux à l'importation sur le marché chinois mais la Chine en a subordonné la validation définitive à des progrès sur les droits de douane imposés par l'UE sur les véhicules électriques (VE) fabriqués en Chine, ont déclaré cinq sources au fait de la question.
Les discussions entre les deux parties s'étirent depuis des mois alors que les ventes de cognac en Chine - le marché le plus rentable au monde pour ce spiritueux - ont diminué.
Un accord, s'il était finalisé, soulagerait des groupes tels que Pernod Ricard PERP.PA , Remy Cointreau RCOP.PA et LVMH
LVMH.PA , dont les ventes ont également ralenti aux Etats-Unis - plus grand marché du cognac en volume - en raison de l'inflation et de l'incertitude économique.
En l'absence d'un accord avant la date limite du 5 juillet fixée par la Chine pour mener à bien une enquête antidumping sur les eaux-de-vie de vin européennes, dont la plupart sont des cognacs, la Chine pourrait rendre permanents les droits de douane provisoires déjà en place, qui peuvent atteindre 39%.
Lors d'une réunion d'information organisée le 12 juin à l'intention des fabricants de cognac, des avocats travaillant pour le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) ont détaillé les prix minimaux à l'importation décrits comme faisant partie de l'accord de principe obtenu à l'issue de longues négociations, comme le montrent une présentation que Reuters a pu consulter.
Le cognac "VS" ("Very Superior"), la catégorie la moins chère, aurait un prix d'importation minimum de 46 yuans (5,48 euros) par litre, selon la présentation. Le cognac haut de gamme "Extra Old" ("XO") coûterait 424 yuans par litre, et la catégorie "XXO", où les prix de vente au détail atteignent des milliers de dollars par bouteille, coûterait à partir de 613 yuans par litre.
Deux des sources ont déclaré que les prix planchers seraient plus élevés pour les grandes maisons comme Hennessy, Martell et Remy Martin que pour les petits producteurs, mais quand même inférieurs aux niveaux actuels.
Un producteur de cognac a déclaré qu'il s'était engagé à respecter les prix détaillés dans la présentation et qu'il attendait que les autorités chinoises "les approuvent".
Trois autres sources chez les principaux producteurs de cognac ont dit que leurs entreprises avaient aussi accepté ces tarifs et attendaient une décision de Pékin.
Ces sources, ainsi qu'une quatrième source du secteur, ont déclaré que Pékin liait l'accord sur le cognac à l'évolution du dossier des véhicules électriques.
VICTIMES COLLATÉRALES
Le BNIC a refusé de s'exprimer sur les niveaux de prix, déclarant que l'affaire était confidentielle. Le ministère chinois du Commerce n'a pas répondu aux questions de Reuters.
Une source gouvernementale française a déclaré à Reuters que les autorités chinoises avaient lié de manière constante les dossiers du cognac et des véhicules électriques. Cette source a dit que le gouvernement français refusait d'établir ce lien et était prudemment optimiste sur la conclusion d'un accord avant la date butoir du 5 juillet.
Une personne proche des discussions commerciales entre l'UE et la Chine a également déclaré que Pékin reliait les deux questions.
Les actions de Remy Cointreau et de Pernod Ricard ont baissé respectivement de 35% et de 33% depuis que la Chine a annoncé en octobre dernier la mise en place de mesures antidumping provisoires. Les exportations mensuelles de cognac vers la Chine ont chuté de 70% en raison du différend commercial, selon les données du BNIC.
Les titres Pernod Ricard PERP.PA , Remy Cointreau RCOP.PA et LVMH LVMH.PA gagnaient respectivement 1,75%, 3,14% et 1,6% vers 11h00 GMT.
Les producteurs français de cognac se sont plaints d'être les victimes collatérales du conflit commercial qui oppose Bruxelles et Pékin, après que la France a soutenu avec force les droits de douane visant les véhicules électriques fabriqués en Chine.
La Chine a imposé des droits de douane temporaires sur le cognac après avoir lancé une enquête anticoncurrentielle en janvier 2024.
Pékin souhaite que l'UE remplace ses droits de douane sur les véhicules électriques chinois par des engagements de prix minimaux similaires à ceux proposés pour le cognac, ont déclaré les sources.
La Chine a déclaré que les négociations sur les VE étaient entrées dans une phase finale mais les responsables de l'UE estiment que les progrès ont été limités.
La Commission européenne, interrogée sur son soutien éventuel à l'accord provisoire sur le cognac, n'a pas répondu.
Le ministre français du Commerce, Laurent Saint-Martin, a déclaré aux producteurs de cognac que les négociations sur les prix minimaux à l'importation étaient "en bonne voie", mais qu'elles n'avaient pas encore abouti.
(Avec Leigh Thomas et Dominique Vidalon à Paris et Laurie Chen à Pékin; version française Camille Raynaud, édité par Sophie Louet)