Drones russes abattus en Pologne : intentionnels ou non, les survols constituent un test pour l'Otan
information fournie par Boursorama avec Media Services 10/09/2025 à 16:18

La violation de l'espace aérien polonais semble "un acte intentionnel, non accidentel", a commenté la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas.

Une maison touchée par un drone russe à Wyryki-Wola, en Pologne, le 10 septembre 2025. ( AFP / WOJTEK RADWANSKI )

Moscou n'a pas commenté, mais les alliés européens de l'Ukraine l'assurent : l'incursion de drones russes en Pologne est intentionnelle. Dans tous les cas, cet épisode constitue un test pour l'Otan sur sa préparation et sa solidité.

• Des survols intentionnels ?

La Russie a tiré dans la nuit une nouvelle salve massive de plus de 450 drones et missiles contre l'Ukraine. Selon le Premier ministre polonais Donald Tusk, 19 drones ont violé l'espace aérien de la Pologne, membre de l'Otan , dont trois ont été abattus, notamment avec le concours d'avions de chasse furtifs F-35 néerlandais.

Ces drones d'un coût peu élevé sont sensibles au puissant brouillage électronique ukrainien qui peut perturber leur trajectoire. Le Bélarus, un allié de la Russie et voisin de l'Ukraine et de la Pologne, a lui aussi annoncé mercredi avoir abattu au-dessus de son territoire des drones "qui avaient perdu leur trajectoire".

Mais pour la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas, la violation de l'espace aérien polonais semble "un acte intentionnel, non accidentel". Il y a des précédents. "Les intrusions de drones ennemis ont été multiples depuis 2022 en Pologne, en Roumanie, en Lituanie et même jusqu'en Croatie", rappelle Romain Le Quiniou, le directeur d'Euro Créativ, un cercle de réflexion spécialisé sur l'Europe orientale.

Des cartes SIM utilisées en Pologne ou en Lituanie, pouvant servir au guidage en se servant du réseau de téléphonie mobile de ces pays, ont également été retrouvées en juillet à bord de drones russes abattus en Ukraine, selon le quotidien ukrainien Defence Express .

Les derniers survols ne sont "pas perçus comme le début de quelque chose de plus grand", a confié à l' AFP un diplomate de l'Otan sous couvert d'anonymat. "Cela semble avoir été soit destiné à tester l'Otan, soit à approcher des cibles en Ukraine sous un angle différent", selon cette source.

• Quel serait l'intérêt pour Poutine ?

Si ces survols étaient intentionnels, l'intérêt russe serait de mettre la pression, tester l'Otan, la qualité de ses défenses antiaériennes et, plus encore, interroger les gouvernements et les sociétés occidentaux sur la solidité des garanties de sécurité fournies par l'Alliance.

"En pénétrant dans l'espace aérien polonais avec des drones d'attaque, la Russie teste non seulement la Pologne mais aussi les États-Unis en tant que principale force de dissuasion de l'Otan ", estime sur X Marko Mihkelson, un député estonien chef de la commission des Affaires étrangères. "Les violations répétées de l'espace aérien de l'Otan par des drones russes sont un avertissement clair : Vladimir Poutine met à l'épreuve notre détermination à protéger la Pologne et les pays baltes", juge un des principaux sénateurs démocrates américains, Dick Durbin.

Si elles sont bien volontaires, ces incursions sont à inscrire dans la séquence diplomatico-militaire en cours : Vladimir Poutine essaye d'intimider les alliés à quelques heures du début du grand exercice militaire Zapad 2025 organisé au Bélarus et en Russie Russie non loin des frontières de l'Alliance atlantique et peu après l'annonce par les pays européens de la "Coalition des volontaires" de leur souhait d'offrir des garanties de sécurité à Kiev après un cessez-le-feu.

Dans ce contexte, l'incursion peut être vue comme "un test au cas où l'Otan établirait des bases dans l'est de la Pologne pour soutenir une future présence en Ukraine", analyse sur X Mick Ryan, du centre de recherche australien Lowy.

• L'Otan est-elle prête ?

"L'Otan a rapidement et de manière décisive réagi à la situation, démontrant ainsi notre capacité et notre détermination à défendre le territoire allié", s'est félicité sur X le commandant suprême des forces alliées en Europe (Saceur), le général américain Alexus Grynkewich.

Mais au-delà de cette réaction contre un très petit nombre de drones, des doutes existent sur la capacité de l'Alliance atlantique et de l'Europe à contrer une attaque aérienne russe massive. Abattre des drones bon marché avec des armes tirées par des avions de chasse valant des fortunes n'est pas viable sur le long terme.

"Nous, les pays occidentaux, avons un problème de prix par tir. Si nous devons tirer sur des cibles à 10.000 dollars avec des missiles à un million de dollars, un jour nous perdrons" , résumait en 2023 l'amiral français Pierre Vandier, devenu depuis commandant suprême pour la transformation des forces de l'Otan (SAC-T). "L'utilisation de F-35 et de F-22 contre des drones montre que nous ne sommes pas encore prêts", renchérit l'ancien commandant de l'armée américaine en Europe, le général Ben Hodges.

Concernant la défense contre les missiles, la stratégie européenne promue par Berlin de s'abriter sous un bouclier antimissile "est perdante", estime le chercheur allemand Fabian Hoffman. "La Russie produit environ une fois et demie à deux fois plus de missiles balistiques et de croisière que l'Europe ne produit d'intercepteurs et elle dépasse largement l'Europe en matière de production de drones de longue portée", fait-il valoir.