
(Crédits: Unsplash - Tingey Injury Law Firm)
Un contribuable vient de perdre une deuxième fois en justice face à la direction générale des impôts. Il disposait bien des factures des travaux à son nom mais il a été incapable de prouver qu'il les avait effectivement payées.
Il pensait gagner son bras de fer contre le fisc. Mais, à deux reprises, en première instance puis en appel, la justice administrative lui a adressé une fin de non-recevoir, se prononçant à chaque fois en faveur de la Direction générale des impôts (DGFIP). Pour cet investisseur immobilier, la note va être très salée. Ce qu'il était à mille lieues d'imaginer en 2013 quand, pensant flairer la bonne affaire, il achète pour 367.000 euros un immeuble, situé au 10, de la rue du Scharrach à Strasbourg. Il entreprend alors d'importants travaux — environ 294.000 euros — pour rénover le bien en piteux état, le divisant en trois lots pour augmenter la plus-value à la revente. Tout est refait. Une isolation de l'ensemble est réalisée. Lorsqu'il revend les logements en 2015, notre investisseur immobilier ajoute donc le montant de tous ces travaux au prix d'achat du pavillon, réduisant d'autant la plus-value immobilière taxée par le fisc, comme le prévoit l'article 150 VB du Code général des impôts (CGI) . C'est la manière dont procède tout investisseur immobilier digne de ce nom.
Cet article du CGI stipule en effet que « le prix d'acquisition est, sur justificatifs, majoré (...) des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l'achèvement de l'immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu'elles n'ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu et qu'elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives ». Notre investisseur immobilier a donc produit au fisc l'ensemble des factures émises à son nom par les trois sociétés intervenues sur le chantier. Pas moins de 23 factures au total.
Seulement voilà. Les impôts ne voient pas les choses de la même façon, rejettent une grande partie des travaux et font, ce faisant, flamber les plus-value imposable : 80 828 euros au lieu de 10 526 pour le premier appartement, 84 657 euros au lieu de 10526 pour le deuxième et 74 252 euros au lieu de 7 184 pour le troisième. La DGFIP juge « non justifiés » ces frais de reconstruction mis en déduction. C'est une très mauvaise nouvelle pour notre investisseur. Les plus-values immobilières sont taxées au taux dégressif de 36,2%. Il convient d'y ajouter les intérêts de retard (0,4% par mois avant 2018, 0,2% après) ainsi que les majorations de 10% ou de 40% s'il y a manquement délibéré. Même s'il n'est majoré que de 10%, ce sont des dizaines de milliers d'euros que notre investisseur immobilier voit s'envoler.
Des procédures perdues d'avance ?
Convaincu qu'il obtiendra gain de cause, il saisit le Tribunal administratif de Strasbourg qui statue en 2022 en faveur du fisc. L'investisseur se tourne alors vers la Cour administrative d'appel (CAA) de Nancy. Dans un arrêt rendu le 20 mars 2025, elle confirme le jugement de première instance. La justice, qui est donc passée deux fois, a estimé que l'investisseur immobilier n'avait pas fourni la preuve de ce qu'il avait effectivement payé les travaux. Et ce, même s'il avait transmis les factures des entreprises à son nom. « En se bornant à produire des photographies des travaux de l'immeuble, les diagnostics techniques du bien au moment de son acquisition et lors de sa cession ainsi que l'acte d'acquisition (...), le requérant ne justifie pas qu'il a effectivement supporté les coûts afférents aux travaux correspondants aux vingt-trois factures précitées », peut-on lire dans l'arrêt de la CAA de Nancy.
Des paiements en liquide
En réalité, une grosse partie des travaux réalisés avait été réglée en liquide. Et, pour la petite histoire, une des entreprises choisie par notre investisseur, mentionnée dans l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy et immatriculée à l'étranger, s'appelle Black Company. Des investigations auraient été menées par le fisc français et leurs homologues étrangers pour savoir si elle s'acquittait bien de la TVA dans le pays où elle est enregistrée. L'investisseur a bien tenté de prouver sa bonne foi en listant l'ensemble des retraits en cash effectués sur son compte, mais les juges ont estimé que ces retraits d'argent à des dates proches de celles d'édition des factures ne permettaient pas de démontrer que les montants avaient effectivement servi à payer les travaux. Selon le CGI, « il appartient au contribuable de justifier qu'il a personnellement et effectivement supporté les dépenses de travaux ».
Toujours privilégier les chèques
Pour Me Jordan-Thomas Wagner, avocat fiscaliste au barreau de Strasbourg, « produire des factures ne sert à rien si l'on n'est pas en mesure de démontrer la traçabilité des versements ». Il faut, affirme celui qui a été le conseil de notre investisseur immobilier, « proscrire les paiements en espèces » et « toujours utiliser une monnaie scripturale ». « S'il s'agit d'un chèque, il faut conserver précieusement une photocopie de ce chèque à l'ordre de l'entreprise. S'il s'agit d'un virement, il faut bien préciser l'entreprise à laquelle est versé l'argent et le numéro de facture dans l'ordre de virement », recommande cet avocat. Lequel ajoute que si ces conditions sont réunies, il revient alors au fisc de prouver que les fonds n'ont pas été utilisés pour la réalisation des travaux. Une situation à front renversée par rapport à celle qu'a connue notre investisseur qui a été très mal inspiré de faire ses règlements en liquide.
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