Préciput : ce droit méconnu qui change tout lors d’une succession information fournie par Mingzi 29/10/2025 à 08:15
Peu de couples le savent, mais le contrat de mariage peut accorder au conjoint survivant un droit précieux : celui de récupérer certains biens communs avant le partage avec les héritiers. Ce droit, appelé préciput, est un véritable avantage matrimonial, destiné à protéger celui qui reste. Il permet d'éviter bien des conflits … et quelques frais fiscaux.
Tout part d'une affaire opposant la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur à une veuve, Mme W. L'administration fiscale souhaitait savoir si le prélèvement effectué par l'épouse devait être considéré comme un partage — et donc soumis à des droits fiscaux spécifiques. La question a finalement été transmise à la Cour de cassation, qui a rendu son avis le 21 mai 2025.
Le « préciput », un avantage matrimonial
Le préciput, prévu à l'article 1515 du code civil, est une clause que les époux peuvent insérer dans leur contrat de mariage. Elle autorise le survivant à prélever certains biens communs avant tout partage de la succession : par exemple la maison familiale, un véhicule ou une somme d'argent. Cet avantage vise à protéger le conjoint survivant, en lui permettant de conserver des biens essentiels à sa vie quotidienne ou à son équilibre financier.
Ce que dit la Cour
Pour la Cour de cassation, le préciput ne doit pas être assimilé à une opération de partage. Dans son avis, elle rappelle que le partage a pour objet de mettre fin à une indivision et de répartir les biens entre les héritiers selon leurs droits. Or, le préciput ne répond pas à cette logique.
Trois raisons principales sont avancées :
1. Il intervient avant tout partage, comme le dit la loi
2. Il n'implique aucune compensation : le conjoint ne paie pas la valeur de ce qu'il prélève
3. Il résulte d'une décision unilatérale du conjoint survivant, sans accord nécessaire des autres héritiers
Conclusion de la Cour : même s'il modifie la répartition des biens, le préciput n'est pas un partage, mais un droit personnel attaché au mariage.
Des conséquences concrètes
Cette clarification, purement juridique en apparence, a des effets bien réels.
D'abord sur le plan fiscal : puisqu'il ne s'agit pas d'un partage, le prélèvement préciputaire n'est pas soumis aux droits de partage.
Ensuite sur le plan civil : le préciput reste un avantage matrimonial, qui échappe aux règles strictes de la succession.
En résumé, la Cour de cassation confirme que le conjoint survivant dispose d'un véritable droit à prélever avant le partage, sans que cela soit considéré comme une division des biens. Une décision saluée par de nombreux praticiens du droit, qui y voient une clarification bienvenue d'un mécanisme souvent mal compris.
Source : Cour de cassation - 21 mai 2025 - Pourvoi n° 23-19.780