Les finances publiques, grandes perdantes des élections en France
information fournie par Reuters 27/06/2024 à 14:32

par Leigh Thomas

Déjà dans le viseur des agences de notation, des marchés financiers et de Bruxelles, les finances publiques de la France risquent d'être de plus en plus sous tension, quel que soit le résultat des élections législatives des 30 juin et 7 juillet.

Les trois grands blocs - Rassemblement National (RN, extrême droite), Nouveau Front Populaire (NFP, gauche) et Ensemble (majorité présidentielle, centre-droit) - ont promis de nouvelles dépenses, sans vraiment détailler la façon dont ils les financeraient ou en proposant des solutions irréalistes.

Le gouvernement sortant avait promis de réduire le déficit budgétaire de 5,5% du produit intérieur brut (PIB) l'année dernière à 3% d'ici 2027 pour se mettre en conformité avec les règles de l'Union européenne, un objectif qui pourrait s'avérer hors d'atteinte après le vote.

Voici les grandes lignes des programmes économiques des trois grandes forces en présence :

RASSEMBLEMENT NATIONAL

Le parti d'extrême droite entend réduire dès juillet la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur l'énergie, ce qui coûterait, selon lui, 7 milliards d'euros pour le reste de l'année et 12 milliards en année pleine.

Le RN dit que ce manque à gagner serait notamment financé par la négociation avec Bruxelles d'une baisse de 2 milliards d'euros de la contribution française au budget de l'UE, qui paraît pourtant impossible à court terme, le budget 2021-2027 des Vingt-Sept étant voté depuis longtemps.

Il table par ailleurs sur une taxe sur les bénéfices exceptionnels des producteurs d'électricité et sur la suppression de la niche fiscale accordée aux armateurs, même si les bénéfices du secteur, dopés par la reprise post-pandémie puis la crise inflationniste, sont appelés à diminuer.

Le RN souhaite par ailleurs abroger la réforme de l'assurance-chômage censée entrer en vigueur début juillet, qui devait générer selon le gouvernement sortant des économies de 4 milliards d'euros.

A moyen terme, il propose d'indexer les retraites sur l'inflation, d'abaisser l'âge de départ à la retraite à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant 20 ans et à 62 ans pour les autres (au lieu des 64 ans fixés par la réforme adoptée au forceps l'an dernier), à exonérer les moins de 30 ans de l'impôt sur le revenu ou encore à augmenter les salaires des enseignants et des infirmières.

Le RN prône également la suppression de la taxe foncière des entreprises (CFE), un des impôts qui permet aux collectivités locales de se financer, quand bien même la majorité sortante a renoncé à ce projet qui figurait également dans le programme d'Emmanuel Macron en raison de son coût jugé excessif.

Malgré les nouvelles dépenses et suppressions d'économies annoncées, le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella assure qu'il respectera la trajectoire de réduction du déficit public présentée par le gouvernement sortant pour rassurer les marchés et ses partenaires européens.

En ciblant les prestations sociales dont bénéficient les étrangers et en réduisant les formalités administratives, le RN affirme pouvoir réaliser 20 milliards d'économies budgétaires cette année et l'an prochain, un objectif chiffré que s'était également fixé le gouvernement sortant sans vraiment expliquer comment il y parviendrait.

Le parti ambitionne par ailleurs de renégocier le mandat de la Banque centrale européenne (BCE) pour lui donner une nouvelle orientation sur l'emploi, la productivité et le financement de projets à long terme.

NOUVEAU FRONT POPULAIRE

Parmi les premières mesures qu'elle prendrait en arrivant au pouvoir, l'alliance de gauche cite une augmentation des salaires des fonctionnaires de 10%, une revalorisation de 10% des aides au logement (APL) ou encore la gratuité des repas et des transports scolaires.

Le NFP assure pouvoir compenser les coûts générés par ces mesures par une taxe sur les superprofits qui rapporterait selon lui 15 milliards d'euros, bien qu'il n'en ait pas détaillé les modalités, et le rétablissement et l'élargissement de l'impôt sur la fortune (ISF), qui rapporterait aussi 15 milliards (le triple de ce que rapportait l'ISF supprimé par Emmanuel Macron).

Les partis de gauche souhaitent également geler les prix des produits alimentaires de base et de l'énergie tout en augmentant de 14% le salaire minimum (Smic), qui serait porté à 1.600 euros nets par mois avec un système de subventions aux petites entreprises qui ne pourraient pas supporter un tel surcoût.

En 2025, le NFP promet des embauches d'enseignants et de soignants supplémentaires pour faire face à la crise que traversent l'éducation et la santé, ou encore la hausse des aides à l'isolation des logements pour permettre des économies d'énergie pour les ménages les plus modestes et contribuer à la lutte contre le changement climatique. Il évalue le coût de son programme à 100 milliards d'euros cette année-là.

Pour financer ces mesures, l'alliance de gauche prévoit la suppression de niches fiscales, une plus grande progressivité de l'impôt sur le revenu, le rétablissement d'un impôt progressif sur les actifs financiers ou encore la taxation des héritages au-delà de 12 millions d'euros.

A partir de 2026, les dépenses publiques atteindraient 150 milliards d'euros annuels, notamment en portant le budget des ministères de la Culture et des Sports à 1% du PIB.

Le Nouveau Front Populaire entend également abroger la réforme des retraites du gouvernement sortant et ramener l'âge de départ à 60 ans.

Pour éviter une envolée du déficit budgétaire, le NFP table sur des hausses d'impôts et une croissance économique plus forte, soutenue par sa politique de demande. Il ne prévoit en revanche pas de réduire le déficit public à court terme et rejette les règles budgétaires de l'UE.

ENSEMBLE

La promesse de l'alliance dominée par le parti Renaissance du président Emmanuel Macron à ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB d'ici 2027 suscitait déjà de sérieux doutes, aussi bien chez la Cour des comptes française qu'auprès du Fonds monétaire international (FMI), avant même la convocation des élections anticipées.

Depuis le début de la campagne, Ensemble s'est engagée à réduire le prix de l'électricité de 15% en 2025 et à aligner la hausse des pensions de retraite sur l'inflation. Elle a aussi promis d'augmenter les salaires dans le secteur public, mais sans avancer d'objectif chiffré.

Fidèle à son mantra depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, la majorité sortante assure qu'elle n'augmentera pas les impôts et continuera dans la mesure du possible à alléger le taux de prélèvements obligatoires.

Elle propose comme en 2022 de réduire la taxation des héritages et des donations, proposant de porter de 100.000 à 150.000 euros par enfant le plafond de la défiscalisation. Après l'élection d'Emmanuel Macron pour un second mandat, son gouvernement avait finalement renoncé à mettre en oeuvre cette mesure jugée trop coûteuse.

(Rédigé par Leigh Thomas et Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)