France: Nouvel échec sur le budget 2026, Lecornu reprend les consultations politiques information fournie par Reuters 19/12/2025 à 13:27
par Elizabeth Pineau
Ses travaux à peine entamés, la commission mixte paritaire (CMP) a acté vendredi l'impossibilité de trouver un compromis sur le budget de la France pour 2026, ouvrant la voie à une "loi spéciale" et conduisant le Premier ministre, Sébastien Lecornu, à annoncer de nouvelles consultations politiques.
Droite et gauche se sont renvoyé la responsabilité de cet échec qui enclenche un nouveau chapitre dans le marathon lancé depuis des semaines pour tenter de doter la France d'un budget avant le 31 décembre.
"Sommes-nous capables d'aboutir à un texte en capacité d'être adopté par les deux Assemblées ? Non. La CMP est donc non conclusive", a dit le député Philippe Juvin (Les Républicains, LR), rapporteur de la CMP composée de sept députés et sept sénateurs.
L'échec a été acté au Palais Bourbon en début de réunion, qui a duré environ une heure.
Les socialistes ont dénoncé l'attitude du Sénat, où la droite est majoritaire.
"L'intransigeance de la droite sénatoriale coûte cher", a écrit sur X le député PS Boris Vallaud. "Sans majorité, donner un budget au pays exige de négocier, pas d'imposer des coupes aveugles ni d'écarter la justice fiscale."
"Le gouvernement n'a rien fait pour que [la CMP] puisse être conclusive", a déploré pour sa part le sénateur LR Jean-François Husson.
Eric Coquerel (La France insoumise), président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, a dit voir une nouvelle conséquence du non-respect par Emmanuel Macron du résultat des élections législatives anticipées de 2024, qui avaient placé la gauche en tête au second tour.
Au Rassemblement national, Jean-Philippe Tanguy, lui aussi membre de la CMP, a regretté le temps perdu par le chef de l'Etat, que le RN pousse à dissoudre de nouveau l'Assemblée.
Dans un message sur le réseau X, Sébastien Lecornu "regrette l'absence de volonté d’aboutir de certains parlementaires".
LOI SPÉCIALE
"Le Parlement ne pourra donc pas voter un budget pour la France avant la fin de l’année", poursuit le Premier ministre, qui réunira "à partir de lundi les principaux responsables politiques pour les consulter sur la marche à suivre pour protéger les Français et trouver les conditions d'une solution."
Le budget avait été adopté en première lecture lundi au Sénat dans une version profondément remaniée par rapport à celle de l'Assemblée nationale, avec un déficit public porté à 5,3% du produit intérieur brut (PIB) contre un objectif initial de 4,7%. Le gouvernement demande de ne pas dépasser la barre des 5%.
A la différence du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS), adopté grâce au soutien des socialistes et à l'abstention d'une majorité d'écologistes, le PLF ne bénéficie pour l'instant d'aucune garantie politique.
L'échec de la CMP ouvre la voie à une "loi spéciale" permettant de prélever les impôts et de faire fonctionner les administrations sur la base du budget de l'année précédente - en attendant une nouvelle version du PLF élaborée début 2026.
Cette loi doit passer en conseil des ministres avant d'être examiné au Parlement, peut-être au début de la semaine prochaine.
Selon la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, une loi spéciale coûterait au moins 12 milliards d'euros dès le premier mois.
En marge du conseil des ministres mercredi à l'Elysée, l'entourage du président Emmanuel Macron continuait de tabler sur un "plan A" consistant à laisser la parole au Parlement, sans recours à l'article 49.3 de la Constitution permettant d'adopter un texte sans vote.
Malgré la constance du Premier ministre sur cette ligne, des voix se sont élevées pour envisager une telle hypothèse - le député MoDem Marc Fesneau, l'ancienne Première ministre Elisabeth Borne, l'ex-président socialiste François Hollande.
Dépourvu de majorité à l'Assemblée, le gouvernement de Sébastien Lecornu est sous la menace constante du vote d'une censure synonyme de chute et de crise politique majeure.
Tourner la page du budget permettrait au gouvernement et au Parlement de s'atteler à d'autres priorités à l'approche des élections municipales de mars et de la course à l'Elysée, un an plus tard.
(Reportage Elizabeth Pineau, édité par Sophie Louet et Kate Entringer)