
Un conflit de voisinage éclate autour d'une rénovation de façade, opposant transparence des fenêtres et respect de l'intimité. (Crédit photo : Shutterstock)
Une rénovation de façade met le feu aux poudres entre voisins. En jeu : des fenêtres trop transparentes, un mur mitoyen, et le respect du droit à l'intimité.
En matière de copropriété, chaque aménagement compte, surtout lorsqu'il concerne un mur mitoyen. Modifier une ouverture, installer une nouvelle fenêtre ou remplacer un vitrage peut sembler anodin, mais cela peut vite empiéter sur les droits d'un voisin et créer un conflit de jouissance ou de vie privée. Dans une affaire récemment jugée, des propriétaires ont remplacé une ancienne verrière par des fenêtres transparentes donnant sur la cour d'un immeuble voisin. Ce changement, loin d'être neutre, a suscité l'opposition ferme du copropriétaire concerné, qui y voyait une atteinte à ses droits.
Un mur, des fenêtres, et un conflit de voisinage
Tout commence dans un immeuble soumis au régime de la copropriété. M. B, à la fois copropriétaire d'un rez-de-chaussée et syndic bénévole, découvre que ses voisins, M. et Mme Z, ont remplacé d'anciens jours translucides (qui laissent passer la lumière sans permettre de voir) par des fenêtres transparentes et coulissantes donnant directement sur sa cour. Pire encore, ces fenêtres dépasseraient sur le fonds commun, dont M. B a la jouissance privative.
Estimant que ses droits sont bafoués, M. B saisit la justice pour faire condamner ses voisins à remettre les lieux en l'état : il exige notamment le remplacement des verres clairs par des verres opaques et la suppression de tout empiétement. Il demande également réparation pour la perte de jouissance de son bien.
La cour d'appel dit non, la Cour de cassation rectifie
La cour d'appel rejette ses demandes, en se fondant notamment sur un prétendu accord tacite de M. B à la modification du mur mitoyen. Elle admet aussi que les fenêtres auraient remplacé une ancienne verrière datant de plus de trente ans, laissant penser que la vue était autorisée de longue date.
Mais la Cour de cassation n'est pas de cet avis. Dans son arrêt, elle rappelle deux principes juridiques fondamentaux :
- L'article 675 du code civil interdit d'ouvrir une fenêtre dans un mur mitoyen sans le consentement explicite du voisin.
- L'article 690 du code civil n'autorise les servitudes de vue (c'est-à-dire le droit de voir chez le voisin) par prescription qu'après 30 ans d'usage continu... et encore faut-il prouver que la vue existait bien et était transparente dès le départ.
Or, la cour d'appel n'a pas vérifié si les anciens vitrages permettaient effectivement une vue directe, ni depuis quand exactement. Elle n'a pas non plus caractérisé un réel consentement de M. B. L'insuffisance des justifications entraîne donc une cassation partielle : l'affaire devra être rejugée.
Cette affaire met en lumière l'importance du respect des règles de mitoyenneté, souvent méconnues. Ce que l'on croit être un simple aménagement esthétique peut, en droit, constituer une violation sérieuse du voisinage. Ouvrir une fenêtre sur un mur partagé sans autorisation écrite peut donc coûter cher. Au-delà du conflit personnel, cet arrêt rappelle combien le droit immobilier est un domaine technique, où chaque détail (nature du vitrage, preuve d'un accord, durée d'usage…) peut faire basculer une décision.
Source : Cour de cassation - 10 avril 2025 - 24-11.598
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