Le logement, "défi" de l'Europe : les dénominateurs communs d'une crise continentale information fournie par Boursorama avec Media Services 16/12/2025 à 10:12
La Commission européenne présente mardi son tout premier plan de soutien au logement abordable pour tenter d'atténuer la crise du secteur, qui constitue "le défi le plus déstabilisant sur le plan social dans l'Union européenne" selon Thomas Kattnig, membre du Conseil économique et social européen (Cese). Cette crise "touche peu ou prou les 27 États membres, du sud de l'Europe aux pays baltes, des grandes villes aux zones rurales", ajoute celui qui est corapporteur de plusieurs avis sur le sujet au Cese.
Hausse des prix
Les prix des logements ont bondi de plus de 60% entre 2010 et 2025 et ceux des loyers d'environ 29%, une flambée encore plus prononcée dans certains pays européens. En Estonie, les prix à l'achat ont ainsi décollé de 250% depuis 2010 et les loyers de 218%. L'origine de la crise peut remonter jusqu'à la crise financière de 2008-2009, qui s'est suivie de mesures d'austérité de la part des gouvernements, selon Thomas Kattnig.
La crise "s'est aggravée, à partir de 2015, poussée par la financiarisation, la hausse des prix du foncier et la crise du coût de la vie après la pandémie", explique-t-il.
A la recherche de rentabilité, les investisseurs qui ont choisi le logement ont contribué à la hausse des prix et à la dissociation par rapport à l'évolution des salaires, ajoute Marie Hyland, chargée de recherches en politiques sociales au sein de l'agence publique Eurofund.
L'essor de la location touristique de courte durée, plus rentable que la location à l'année, a aussi eu "comme résultat une hausse des prix" dans les zones touristiques, explique la chercheuse. Le nombre de nuitées réservées via les plateformes Airbnb, Booking, Expedia et Tripadvisor a atteint 854 millions en 2024, presque deux fois plus qu'en 2018.
Logements inabordables
Pour parler de logement abordable, il faut "aussi penser aux revenus", qui n'ont pas suivi le rythme de hausse des prix des logements, rappelle Marie Hyland. En moyenne en 2024, les Européens dépensaient 19% de leur revenu disponible dans leur logement, mais pour les ménages dont le revenu est inférieur à 60% du niveau médian national, le logement capte 37% des ressources. Et plus de 16,5 millions de ménages européens dépensaient en 2024 plus de 40% de leurs revenus dans leur logement (seuil appelé taux d'effort excessif), soit 8,2% des ménages de l'UE.
Les difficultés d'accès à un logement abordable touchent particulièrement les jeunes, qui ont plus souvent "des bas salaires", "des contrats de travail précaires", pas forcément "accès aux allocations chômage" et qui "recherchent un logement dans les zones urbaines", les plus tendues, énumère Marie Hyland.
Les ménages avec enfants sont aussi plus touchés par la crise du logement, en particulier les familles mono-parentales. Parmi les conséquences de la cherté du logement, 17% de la population européenne vivait en 2024 dans un logement sur-occupé, un phénomène particulièrement observé en Roumanie. Près de 1,3 million de personnes sont sans abri dans l'UE. En Irlande, le nombre de personnes hébergées en centre d'urgence a été multiplié par 4 entre 2014 et 2023.
Manque de construction
Pour la Commission européenne, l'UE a besoin de construire plus de deux millions de logements par an pour répondre à la demande actuelle. Or 1,6 million de logements sont construits en moyenne chaque année.
"Nous devons pouvoir construire plus de logements pour lesquels un ménage ordinaire avec des emplois ordinaires peut obtenir un prêt et le rembourser", estime John Comer, également membre du Cese et spécialiste du logement. Depuis 2010, les coûts de construction de logements ont bondi de 56%. Ils se sont envolés de +172% en Hongrie ou de +43% en France.
Cette hausse des coûts et le ralentissement du nombre de logements construits touchent les logements des particuliers ainsi que les bailleurs sociaux et les promoteurs de logements aux loyers adaptés aux classes moyennes. Les classes moyennes "souffrent aussi dans cette crise", selon Marie Hyland, qui estime que "l'offre de logements abordables pour les ménages à revenu moyen ne devrait pas se faire au détriment des groupes les plus vulnérables".