Immobilier : un propriétaire peut-il expulser ses locataires pour faire des travaux ?
information fournie par Mingzi 02/10/2025 à 08:10

Un propriétaire peut donner congé à ses locataires pour rénovation lourde, sous conditions strictes encadrées par la loi. (Crédit photo : Shutterstock)

Lorsqu'un logement ancien nécessite une rénovation lourde, le propriétaire peut demander à ses locataires de partir. Mais dans quelles conditions ce congé est-il valable ? Retour sur une affaire qui illustre les règles encadrant ce droit.

Tout commence en mai 2007, lorsqu'un bailleur, M. E., loue un logement situé à Bordeaux à un couple, M. B. et Mme K., pour un loyer mensuel de 1.140 euros. Quatorze ans plus tard, en novembre 2021, le propriétaire délivre un congé pour « motifs sérieux et légitimes » : il souhaite rénover l'ensemble de l'immeuble, un bâtiment ancien classé et nécessitant, selon lui, d'importants travaux d'électricité, de plomberie et de performance énergétique.

Estimant ce congé abusif, les locataires assignent le bailleur et son agence immobilière en justice, demandant l'annulation de la procédure. Mais le tribunal judiciaire de Bordeaux valide le congé et prononce l'expulsion, assortie d'une indemnité d'occupation.

Un appel pour contester la légitimité du congé

Les deux locataires font appel en décembre 2022. Leur ligne de défense repose sur deux arguments principaux :

  • une irrégularité formelle, le congé n'indiquant pas clairement le nom du bailleur, ce qui leur aurait causé un préjudice dans la contestation ;
  • un défaut de motifs légitimes et sérieux, les travaux projetés pouvant, selon eux, être réalisés en leur présence, sans nécessiter de départ.

Ils demandent à la Cour d'appel non seulement l'annulation du congé, mais aussi 38.801 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi, ainsi que 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (remboursement des frais de justice).

De son côté, M. E. insiste sur le caractère ancien et protégé de l'immeuble, et produit de nombreuses pièces : devis détaillés, rapports de géomètres, estimations d'architectes et de bureaux d'études. Ces documents démontrent, selon lui, que les travaux envisagés sont lourds, globaux et incompatibles avec le maintien des locataires dans les lieux.

L'analyse des juges

La Cour d'appel balaie l'ensemble des arguments des locataires. Elle rappelle que la loi du 6 juillet 1989 encadre les congés donnés par un bailleur, mais n'exige pas que les travaux soient « indispensables », seulement qu'ils soient réels, sérieux et légitimes.

En l'espèce, les juges retiennent que :

  • le congé a bien été délivré au nom du bailleur, donc régulier en la forme ;
  • les devis et études produits établissent la réalité du projet, qui vise notamment la rénovation énergétique, acoustique et esthétique de l'immeuble ;
  • les travaux, portant sur les sanitaires, la plomberie, les radiateurs et les revêtements, nécessitent la libération complète du logement en raison de leur ampleur et des nuisances générées.

La décision confirme donc l'expulsion prononcée en première instance.

Cette affaire illustre la portée de l'article 15 de la loi de 1989 : un bailleur peut reprendre son logement si le congé est motivé par des travaux importants, à condition de prouver leur sérieux et leur nécessité. Pour les locataires, la contestation d'un tel congé reste possible, mais elle suppose d'apporter la preuve d'un abus ou d'une fraude manifeste.

Source : Cour d'appel de Bordeaux - 6 janvier 2025 - RG n° 22/05642