Assurance-vie : ce que cette querelle d’héritiers révèle sur vos droits information fournie par Mingzi 20/11/2025 à 08:10
Entre accusations de manipulation, primes jugées excessives et suspicions de « recel successoral », les magistrats de la Cour d'appel ont dû démêler un dossier où s'entrecroisent droit civil, assurance vie et relations familiales difficiles.
Une succession qui tourne au conflit
À la mort de Mme A, en 2019, seules ses deux sœurs, Mme X et Mme M, sont appelées à hériter, conformément au Code civil. Mais rapidement, un désaccord éclate : Mme X accuse sa sœur et son neveu, d'avoir organisé des manœuvres frauduleuses pour percevoir plus de 350.000 euros provenant de trois contrats d'assurance-vie souscrits entre 1994 et 1997.
Elle dénonce un véritable « recel successoral » : le fait, pour un héritier, de cacher ou détourner une part de l'héritage afin d'obtenir plus que les autres.
Les assurances-vie au cœur du débat
Les contrats litigieux désignaient tous le même bénéficiaire : le neveu de la défunte, fils de Mme M. Aucune pièce ne permettait d'affirmer que Mme M, sœur de la défunte, avait également reçu des fonds à ce titre, contrairement aux affirmations de l'appelante.
Un point central du litige résidait dans la notion de primes « manifestement exagérées », critère prévu par l'article L. 132-13 du Code des assurances. Pour Mme X, la défunte – handicapée, aux revenus modestes – n'avait pu volontairement alimenter des contrats pour plus de 350.000 euros. Elle évoquait même un possible état « d'insanité d'esprit » et une manipulation qu'auraient exercée sa sœur et son neveu.
Le raisonnement de la Cour : pas de recel, pas de réduction des primes
La Cour d'appel a rejeté l'ensemble de ces arguments.
1. Pas de recel successoral
Le recel suppose un détournement de biens … par un héritier. Or le neveu n'est pas héritier de sa tante mais seulement bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie. À ce titre, le recel successoral ne peut donc pas s'appliquer.
2. L'assurance-vie échappe (presque toujours) aux règles de l'héritage
Le principe est clair : le capital transmis par assurance-vie ne fait pas partie de la succession et n'a pas à être « rapporté » pour être partagé entre héritiers. Les seules exceptions concernent les héritiers réservataires … ce qui n'était pas le cas ici, puisque la défunte n'avait ni enfants, ni parents vivants au jour de son décès.
3. L'argument des primes exagérées ne s'applique pas
Pour que des primes soient jugées excessives, il faut d'abord que les règles de protection des héritiers réservataires s'appliquent. Là encore, ce n'était pas le cas. La Cour confirme donc que les 350.000 euros perçus par le neveu ne relèvent pas de la succession et ne doivent pas être réintégrés dans la masse à partager.
Source : Cour d'appel d'Angers - 16 octobre 2025 - RG n° 22/01475