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Œufs, lapins, poules… Pourquoi les chocolats de Pâques coûtent bien plus cher cette année ?
information fournie par Le Figaro 17/04/2025 à 08:00
Temps de lecture: 4 min

(Crédits: Unsplash - Melissa Walker Horn)

(Crédits: Unsplash - Melissa Walker Horn)

À l'approche de Pâques, certaines étiquettes font grincer des dents. En rayon, les prix des chocolats saisonniers s'envolent, avec des hausses à deux chiffres, en particulier pour les marques de distributeurs.

Les cloches n'ont pas encore sonné que les prix, eux, ont déjà grimpé. Les chocolats de Pâques ont vu leurs tarifs bondir de 14 % en un an, selon une étude de l'UFC-Que Choisir. Une hausse sans précédent, alors même que l'inflation alimentaire est quasiment nulle depuis plusieurs mois. Lapins, œufs et friture en chocolat coûtent plus cher, aussi bien en supermarché que chez les artisans chocolatiers.

Les hausses sont particulièrement fortes du côté des marques distributeurs, avec une envolée moyenne de 23 %. En cause : une composition plus riche en matières premières comme le cacao, dont le prix a littéralement explosé. Moins coûteux en marketing ou en packaging, ces produits sont mécaniquement plus sensibles à la hausse du coût des intrants. Chez Leclerc, un lapin de 200 g en chocolat au lait est ainsi passé de 2,97 € à 3,99 €, tandis qu'Intermarché et Système U enregistrent une hausse moyenne de 80 centimes entre 2024 et 2025 sur certains produits.

Le cacao au cœur de la tempête

Cette flambée s'explique avant tout par la crise que traverse actuellement le marché du cacao. «C'est tout à fait unique» , observe Philippe de Selliers, PDG de Leonidas et président de la fédération du chocolat belge . Entre 2023 et mi-2024, les cours du cacao ont été multipliés par cinq, dépassant ponctuellement les 10 000 livres la tonne à la Bourse de Londres. Trois facteurs expliquent cette envolée, selon lui : une cause ponctuelle liée à «des mauvaises récoltes, notamment au Ghana et en Côte d'Ivoire», qui concentrent plus de 70 % de la production mondiale, une rémunération insuffisante des producteurs qui freine les investissements dans les exploitations, et «énormément de spéculation sur les prix du cacao» . Une analyse partagée par le Syndicat du chocolat. «Cette convergence de facteurs – économiques et environnementaux – a entraîné une très forte hausse des cours du cacao : +365 % entre janvier 2023 et janvier 2025», confirme Gilles Rouvière, son secrétaire général.

Dans ce contexte, certaines marques ont choisi d'augmenter fortement leurs prix. Le célèbre lapin Lindt de 100 g s'affiche aujourd'hui à 4,38 €, soit 56 centimes de plus qu'en 2024 (+14 %). Chez Milka, le modèle de 95 g atteint 3,16 €, en hausse de 24 %. Du côté de Nestlé, la boîte « chasse aux œufs » de Smarties coûte désormais 5,48 €, contre 4,63 € l'an dernier. Mais pour Philippe de Selliers, certaines hausses sont excessives. «Nous avons un concurrent en France qui, avant la crise en Ukraine et la crise du chocolat, était environ 2 à 3 euros plus cher que nous au kilo. Maintenant, il est 11 euros plus cher que nous», note-t-il. Une envolée qu'il juge «invraisemblable». Face à ces tensions, Leonidas affiche une stratégie différente. «On ne décide pas d'augmenter les prix directement. On attend de voir ce qu'il se passe.» , explique Philippe de Selliers. «On perd de la marge par kilo, mais le consommateur nous le rend bien, car il vient plus souvent chez nous. On fait plus de volume» , ajoute-t-il.

Un produit encore plébiscité, mais plus coûteux

Deuxième temps fort annuel pour les chocolatiers après Noël, Pâques reste un rendez-vous incontournable pour les Français « et un enjeu crucial pour de nombreuses entreprises et PME», souligne Gilles Rouvière. En 2024, le budget moyen par foyer atteignait 24 euros, et les «ventes de Pâques 2024 ont été globalement en hausse de 3,7 % en volume par rapport à 2023» . Une dynamique confirmée par Emily Mayer, experte des produits de grande consommation chez Circana : «Noël 2024 a été plutôt bon en matière de consommation alimentaire, ce qui donne généralement le ton pour l'année suivante» . Et d'ajouter : «on voit une stabilisation des achats alimentaires au premier trimestre 2025».

Véritable «valeur refuge», le chocolat conserve une place de choix dans les habitudes de consommation : 99,3 % des foyers en achètent au moins une fois par an, selon Kantar. Cette flambée pourrait cependant freiner certains consommateurs, «on observe un report sur les petits formats, avec un poids moyen par foyer qui est passé d'un kilo à 700 g en quelques années» , révèle Gaëlle Le Floch, directrice marketing de Kantar Worldpanel.

Emily Mayer nuance l'idée d'un effet d'aubaine pour les industriels : «Personne ne joue trop à faire flamber les tarifs, car la consommation reste fragile» , «c'est un jeu dangereux de profiter de ces effets» , ajoute Gaëlle Le Floch. Si certains ajustements sont faits c'est souvent pour éviter de pénaliser le pouvoir d'achat . Et les coûts salariaux ont eux aussi grimpé ces derniers mois. Certaines enseignes préfèrent ainsi adapter leurs produits plutôt que leurs tarifs. Selon l'AFP, plusieurs magasins du Groupement Les Mousquetaires mettent ainsi en avant des œufs fourrés à la crème de lait, moins coûteux à produire.

À plus long terme, la situation pourrait s'apaiser. «On a des raisons d'être optimistes», avance Emily Mayer. «Il y a des signaux» qui indiquent «que ça pourrait ne pas trop mal se passer pour Pâques», ajoute-t-elle. «Je dirais que le plus dur est passé» estime Gaëlle Le Floch. Le Syndicat du chocolat évoque lui aussi une «évolution positive de l'approvisionnement» , tout en rappelant que les incertitudes climatiques pèsent encore sur les prochaines récoltes. Il faudra sans doute encore quelques Pâques avant de retrouver des prix plus doux.

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