
(Crédits: Unsplash - Gary Lopater)
- Alors que les billets vers les DROM-COM ont affiché une baisse en janvier, l'augmentation des taxes pourrait inverser la tendance. Coût du carburant, saisonnalité, aides limitées : le casse-tête du prix des vols reste entier pour les voyageurs comme pour les compagnies.
Voyager vers les îles lointaines de Guadeloupe , Martinique ou La Réunion fait rêver. Plages de sable blanc, forêts tropicales et marchés colorés attirent chaque année des milliers de visiteurs en quête d'exotisme et de soleil. Mais au-delà de cette carte postale idyllique, une réalité économique s'impose : le prix des billets d'avion. Alors que l'on observe une baisse des tarifs en janvier, un phénomène qui intrigue, la hausse de la Taxe de Solidarité sur les Billets d'Avion (TSBA), entrée en vigueur le 1er mars 2025, uniquement en France, pourrait bien rebattre les cartes. S'agit-il d'un simple ajustement des compagnies ou d'un bouleversement plus profond du marché ?
Créée en 2006 sous l'impulsion de Jacques Chirac, la TSBA a pour vocation de financer des programmes d'aide au développement et de lutte contre les pandémies dans les pays en difficulté. Appliquée à chaque billet d'avion au départ de la France, son montant varie selon la destination et la classe de voyage. Conçue à l'origine comme un effort solidaire, cette taxe est désormais au cœur des critiques, notamment pour son impact sur les destinations ultramarines, où l'avion représente souvent le seul moyen de transport.
Pourquoi cette baisse des prix en janvier ?
Selon les données de Misterfly, en janvier 2025, les prix des billets vers les Outre-mer ont enregistré une baisse significative par rapport à l'année précédente. Les tarifs vers la Martinique ont chuté de 16 %, ceux pour la Guadeloupe de 10 % et ceux pour La Réunion de 11 %. Par ailleurs, entre décembre 2024 et janvier 2025, une diminution moyenne des prix de 6,9 % a été observée au départ des Outre-mer. Un coup de chance pour les voyageurs ou un signal plus profond du marché ?
«Le prix des billets suit une logique de marché. Il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions structurelles», tempère Vanguélis Panayotis, expert en économie du tourisme et président de MKG Consulting, cabinet dédié au secteur de l'hospitalité depuis bientôt 40 ans. «Le marché fonctionne sur des dynamiques d'offre et de demande qui évoluent constamment. En règle générale, janvier est une période plus calme sur ces destinations, ce qui incite les compagnies à ajuster leurs tarifs pour capter la demande.»
Hugues Heddebault, Directeur Commercial d'Air Caraïbes, apporte une nuance : «La demande vers les Caraïbes est plus modérée en début d'année, notamment en raison d'un redéploiement des flux touristiques vers d'autres destinations, comme l'Asie.»
Pour Pascal de Izaguirre, président de Corsair et de la Fnam (Fédération national de l'aviation et de ses métiers), un autre élément entre en jeu : «La baisse du prix du pétrole a permis aux compagnies d'absorber une partie des coûts, mais cet effet pourrait être de courte durée. Une accalmie ne signifie pas une tendance durable.»
Un avenir marqué par la hausse des coûts
Si la baisse observée en janvier peut sembler encourageante pour les voyageurs, les perspectives à moyen terme sont plus sombres. L'augmentation des taxes et les nouvelles contraintes environnementales alourdissent les charges des compagnies aériennes. La seule hausse de la TSBA représente un surcoût estimé à 1,3 milliard d'euros pour le secteur aérien français, selon Pascal de Izaguirre.
«Ces nouvelles taxes n'encouragent pas une baisse des tarifs. Elles alourdissent au contraire un modèle économique déjà sous tension» , explique Hugues Heddebault. L'équation est complexe : les compagnies doivent absorber des coûts de plus en plus élevés tout en maintenant une accessibilité tarifaire pour les voyageurs. «Nous avons aujourd'hui une accumulation de charges qui rend toute amélioration tarifaire extrêmement difficile» , insiste Pascal de Izaguirre.
Vanguélis Panayotis souligne un enjeu majeur : «Cette taxe est une mauvaise initiative à tous les niveaux, y compris pour les territoires ultramarins, qui peinent à trouver des relais de clientèle autres que la métropole. Aujourd'hui, la plupart des flux touristiques restent dépendants de la France hexagonale, alors que l'Amérique du Nord représente un marché colossal et sous-exploité pour les Antilles françaises.»
Pourquoi cette sensation de billets chers ?
Contrairement à une idée reçue, les billets vers les Outre-mer ne sont pas systématiquement plus chers que d'autres destinations long-courriers. Pourtant, la perception d'un prix élevé persiste. Pourquoi ? D'abord, les coûts des compagnies sont incompressibles : carburant (nettement plus cher aux Antilles qu'en métropole), taxes, redevances aéroportuaires, frais de maintenance... Ensuite, le marché est extrêmement saisonnier. Pendant les vacances scolaires ou les fêtes de fin d'année, les prix s'envolent naturellement sous l'effet d'une demande plus forte. Enfin, et c'est un facteur clé, les passagers sont majoritairement des voyageurs «affinitaires», c'est-à-dire des Ultramarins rentrant au pays. Contrairement aux touristes qui choisissent leur destination en fonction du prix, ces passagers n'ont pas d'alternative, ce qui renforce l'impression de billets coûteux.
LADOM : une aide précieuse, mais perfectible
L'Agence de l'Outre-mer pour la Mobilité (LADOM) propose une aide financière aux résidents ultramarins pour faciliter leurs déplacements entre leur territoire et la métropole. Son programme phare, le «Passeport Mobilité», permet aux étudiants et jeunes actifs de bénéficier de billets subventionnés, avec des montants variant selon la destination, pouvant atteindre 535 € pour Mayotte ou 475 € pour La Réunion. Toutefois, ce dispositif reste limité. Beaucoup dénoncent des critères d'éligibilité trop restrictifs et un budget insuffisant pour répondre à la demande croissante des Ultramarins.
Certaines compagnies aériennes tentent d'apporter des solutions complémentaires. «Air Caraïbes et French bee, via un partenariat historique avec LADOM, proposent des tarifs dédiés aux étudiants et aux jeunes, assortis d'un bon de réduction supplémentaire de 150 €», explique Hugues Heddebault. La compagnie Corsair va même jusqu'à proposer un paiement en plusieurs fois sans frais, à ses clients. Ces initiatives visent à rendre plus accessible le transport aérien pour ceux qui voyagent régulièrement entre leur territoire et l'Hexagone.
Une équation encore fragile
Le transport aérien vers les Outre-mer oscille entre complexité économique et volonté de maintenir une accessibilité pour les voyageurs. Si la baisse des prix constatée en janvier a pu donner un espoir passager, elle ne reflète pas nécessairement une tendance de fond. À l'avenir, la montée en puissance des obligations environnementales, l'évolution de la fiscalité et la stratégie des compagnies aériennes détermineront le prix du billet d'avion. Une chose est sûre : les voyageurs devront continuer à naviguer entre promotions et ajustements tarifaires pour s'offrir un vol vers les îles.
Pour Pascal de Izaguirre, PDG de Corsair, il appartient également aux politiques publiques de faire baisser le coût de la continuité territoriale. «Nous savons ainsi qu'il n'a pas été possible d'exempter les liaisons ultramarines de la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion car cela nécessiterait un accord de Bruxelles, très peu probable.»
Et Vanguélis Panayotis de mettre en garde contre une approche purement punitive de la fiscalité aérienne : «Nous devons être attentifs à ne pas détruire, sur le long terme, l'industrie touristique des Outre-mer. Il est évident que nous devons montrer l'exemple en matière d'engagement environnemental, mais la solution ne passe pas par une accumulation de taxes. Il faudrait plutôt encourager les compagnies à prendre des engagements et leur offrir des compensations en retour. Sinon, cela risque de fragiliser l'ensemble du secteur.» Avant de conclure par une formule choc : «Les touristes ne viendront pas en Martinique en bateau à voile…»
Comment payer son billet moins cher ?
Si les tarifs sont en constante évolution, Vanguélis Panayotis livre au Figaro quelques stratégies permettent d'économiser sur son billet :
- Anticiper au maximum : les meilleurs prix s'arrachent souvent des mois à l'avance.
- Éviter les périodes de pointe : les vacances scolaires et les fêtes de fin d'année font grimper les prix en flèche.
- Guetter les promotions : certaines compagnies proposent des offres ponctuelles en basse saison.
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