Aller au contenu principal
Fermer

La face cachée du vrac
information fournie par The Conversation 05/11/2025 à 16:30
Temps de lecture: 5 min

Quand les acteurs du vrac doivent se «débrouiller» pour assurer cette tâche nouvelle de l'emballage des produits, le vrac rime-t-il toujours avec l'écologie? (crédit : Adobe Stock / photo générée par IA)

Quand les acteurs du vrac doivent se «débrouiller» pour assurer cette tâche nouvelle de l'emballage des produits, le vrac rime-t-il toujours avec l'écologie? (crédit : Adobe Stock / photo générée par IA)

De façon contre-intuitive, la vente de produits sans emballage peut devenir antiécologique et générer du gaspillage. Sans étiquette, les dates de péremption des produits prennent le risque d'être oubliées. Sans éducation culinaire, les consommateurs sont livrés à eux-mêmes pour cuisiner. Sans compter qu'avec la mode de l'emballage sur mesure, jamais autant de contenants n'ont été achetés. Une priorité: accompagner les consommateurs.

Le modèle de distribution en vrac fait parler de lui ces derniers temps avec l'entrée dans les supermarchés de marques très connues, comme la Vache qui rit. Cet exemple est l'illustration des multiples nouveautés que les acteurs du vrac cherchent à insérer dans cet univers pour lui donner de l'ampleur et le démocratiser. Le modèle du vrac, un moyen simple pour consommer durablement?

Il est décrit comme une pratique de consommation avec un moindre impact sur l'environnement, car il s'agit d'une vente de produits sans emballage, sans plastique, sans déchets superflus, mais dans des contenants réutilisables. Dans ce mode de distribution, on assiste à la disparition de l'emballage prédéterminé par l'industriel.

Distributeurs et consommateurs doivent donc assumer eux-mêmes la tâche d'emballer le produit et assurer la continuité des multiples fonctions, logistiques et marketing, que l'emballage remplit habituellement. N'étant pas habitués à ce nouveau rôle, les acteurs du vrac peuvent faire des erreurs ou bien agir à l'opposé des bénéfices écologiques a priori attendus pour ce type de pratique.

Contrairement aux discours habituellement plutôt positifs sur le vrac, notre recherche met également en avant les effets pervers et néfastes du vrac. Quand les acteurs du vrac doivent se «débrouiller» pour assurer cette tâche nouvelle de l'emballage des produits, le vrac rime-t-il toujours avec l'écologie?

Assurer l'emballage autrement

L'emballage joue un rôle clé. Il assure en effet de multiples fonctions, essentielles pour rendre possibles la distribution et la consommation des produits:

  • Des fonctions logistiques de préservation, de protection et de stockage du produit. L'emballage peut permettre de limiter les chocs et les pertes, notamment lors du transport.
  • Des fonctions marketing de reconnaissance de la catégorie de produit ou de la marque. Elles s'illustrent par un choix de couleur spécifique ou une forme particulière, pour créer de l'attractivité en rayon. L'emballage assure également, du point de vue marketing, une fonction de positionnement en véhiculant visuellement un niveau de gamme particulier, mais aussi d'information, l'emballage servant de support pour communiquer un certain nombre d'éléments : composition, date limite de consommation, etc.
  • Des fonctions environnementales, liées au fait de limiter la taille de l'emballage et privilégiant certains types de matériaux, en particulier, recyclés et recyclables.

Dans la vente en vrac, ce sont les consommateurs et les distributeurs qui doivent remplir, à leur manière, ces différentes fonctions. Ils peuvent donc y accorder plus ou moins d'importance, en en privilégiant certaines par rapport à d'autres. Dans la mesure où l'industriel ne propose plus d'emballage prédéterminé pour ses produits, consommateurs et distributeurs doivent s'approprier cette tâche de manière conjointe.

Assimilation ou accommodation

Pour étudier la manière dont les consommateurs et les distributeurs s'approprient les fonctions de l'emballage, alors même que celui-ci n'est plus fourni par les industriels, nous avons utilisé une diversité de données: 54 entretiens avec des responsables de magasin et de rayon vrac, et des consommateurs, 190 posts sur le réseau social Instagram et 428 photos prises au domicile des individus et en magasin.

Notre étude montre qu'il existe deux modes d'appropriation des fonctions de l'emballage:

  • par assimilation: quand les individus trouvent des moyens pour imiter les emballages typiques et leurs attributs
  • ou par accommodation: quand ils imaginent de nouveaux emballages et nouvelles manières de faire.

Certains consommateurs réutilisent les emballages industriels, tels que les boîtes d'œufs et les bidons de lessive, car ils ont fait leurs preuves en matière de praticité. D'un autre côté, les emballages deviennent le reflet de l'identité de leurs propriétaires. Certains sont bricolés, d'autres sont choisis avec soin, en privilégiant certains matériaux, comme le wax, par exemple, un tissu populaire en Afrique de l'Ouest, utilisé pour les sachets réutilisables.

Quand l'emballage disparaît, les informations utiles disparaissent

L'appropriation des fonctions de l'emballage n'est pas toujours chose facile. Il existe une «face cachée» du vrac, avec des effets néfastes sur la santé, l'environnement ou l'exclusion sociale. Le vrac peut conduire par exemple à des problèmes d'hygiène ou de mésinformation, si les consommateurs n'étiquettent pas correctement leurs bocaux ou réutilisent un emballage pour un autre usage. Par exemple, utiliser une bouteille de jus de fruits en verre pour stocker de la lessive liquide peut être dangereux si tous les membres du foyer ne sont pas au courant de ce qu'elle contient.

Le vrac peut également être excluant pour des personnes moins éduquées sur le plan culinaire (les consommateurs de vrac de plus de 50 ans et CSP+ constituent 70% de la clientèle de ce mode d'achat). Quand l'emballage disparaît, les informations utiles disparaissent. Certains consommateurs en ont réellement besoin pour reconnaître, stocker et savoir comment cuisiner le produit. Dans ce cas le produit peut finalement finir à la poubelle!

Nous montrons également toute l'ambivalence de la fonction environnementale du vrac – l'idée initiale de cette pratique étant de réduire la quantité de déchets d'emballage – puisqu'elle n'est pas toujours satisfaite. Les consommateurs sont nombreux à acheter beaucoup de contenants et tout ce qui va avec pour les customiser – étiquettes et stylos pour faire du lettering, etc.

La priorité de certains consommateurs n'est pas tant de réutiliser d'anciens emballages, mais plutôt d'en acheter de nouveaux… fabriqués à l'autre bout du monde ! Il en résulte donc un gaspillage massif, au total opposé des finalités initiales du vrac.

Des consommateurs pas suffisamment accompagnés

Après une période de forte croissance, le vrac a connu une période difficile lors de la pandémie de Covid-19, conduisant à la fermeture de nombreux magasins spécialisés, selon le premier baromètre du vrac et du réemploi. En grande distribution, certaines enseignes ont investi pour rendre le rayon vrac attractif. Mais faute d'accompagnement, les consommateurs ne sont pas parvenus à se l'approprier. Le rayon du vrac est devenu un rayon parmi d'autres.

Il semble que les choses s'améliorent et les innovations se multiplient. 58% des adhérents du réseau Vrac et réemploi notent une hausse de la fréquentation journalière sur janvier-mai 2023 par rapport à 2022. Les distributeurs doivent s'adapter à l'évolution de la réglementation.

Cette dernière stipule qu'à l'horizon 2030, les magasins de plus de 400m² devront consacrer 20% de leur surface de vente de produits de grande consommation à la vente en vrac. La vente en vrac a d'ailleurs fait son entrée officielle dans la réglementation française avec la Loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, parue au JORF no0035, le 11 février 2020.

Dans ce contexte, il est plus que nécessaire et urgent d'accompagner les acteurs du vrac pour qu'ils s'approprient correctement la pratique.

Par Fanny Reniou , Maître de conférences HDR, Université de Rennes 1 - Université de Rennes, Elisa Robert-Monnot , Maître de conférences HDR, CY Cergy Paris Université et Sarah Lasri , Maître de Conférences, Responsable du Master 2 Distribution et Relation Client, Université Paris Dauphine – PSL

A lire aussi:

Pourquoi vous ne trouverez pas de vin suisse chez le caviste

Stretchflation: après la shrinkflation, quelle est cette nouvelle ruse des marques?

La pomme, reine des vergers… et des pesticides


Cet article est issu du site The Conversation

A lire aussi

  • Il existe aujourd'hui une grande variété d'offres pour pratiquer le Pilates, que vous soyez en Ile-de-France ou ailleurs en France. (Crédit: Adobe Stock)
    information fournie par Boursorama 27.11.2025 16:30 

    Le Pilates est une pratique de plus en plus répandue ces dernières années. C'est Joseph Pilates, au XXe siècle qui a développé cette méthode de renforcement musculaire basée sur des exercices à exécuter précisément qui permettent de «développer le corps uniformément, ... Lire la suite

  • Le groupe SFR est celui qui propose les réductions les plus importantes concernant les forfaits mobiles. Illustration. (MARTINELLE / PIXABAY)
    information fournie par Boursorama avec Newsgene 27.11.2025 15:46 

    À l’occasion du Black Friday, le secteur des télécoms revoit lui aussi ses tarifs à la baisse. Si les réductions les plus marquées concernent les forfaits mobiles, certaines box en profitent également. Le Black Friday n’est plus seulement limité aux rabais sur ... Lire la suite

  • Actuellement les CEE pèseraient environ « 11 centimes » dans le prix d’un litre de carburant. Illustration. (Andreas160578 / Pixabay)
    information fournie par Boursorama avec Newsgene 27.11.2025 12:44 

    Dès le 1er janvier 2026, le renforcement du dispositif des Certificats d’économie d’énergie (CEE) fera grimper le coût des carburants, du gaz et de l’électricité. Avec une enveloppe portée à huit milliards d’euros par an, les fournisseurs devront intégrer un effort ... Lire la suite

  • S’il est conseillé d’habiller certains animaux à poils courts, cela peut s’avérer néfaste pour d’autres. ( crédit photo : Getty Images )
    information fournie par Le Particulier pour Conso 27.11.2025 12:00 

    Cela est conseillé pour certains animaux à poils courts, mais d'autres n'en ont pas besoin, leur pelage suffit. Quels vêtements choisir et où les acheter? Suivez le guide. La résistance au froid dépend des espèces Certains grands chiens ont le poil suffisamment ... Lire la suite

Pages les plus populaires