(Crédits: Unsplash - Nejc Soklič)
- Face à la hausse des coûts et à une compétition féroce, les compagnies aériennes à bas coût adoptent des stratégies divergentes : abonnements payants, cartes de fidélité ou intégration à des programmes de miles, le marché se recompose. Au profit des voyageurs ?
L'Europe du transport aérien low cost s'engage dans une période de tensions inédites. En France, les aéroports redoutent déjà l'effet d'une fiscalité renforcée, susceptible de détourner jusqu'à 1,3 million de passagers en 2026. Les transporteurs, eux, voient la facture carburant grimper, les redevances aéroportuaires s'alourdir et les coûts de main-d'œuvre progresser plus vite que prévu. Dans ce contexte, les recettes « ancillaires » — ces options ajoutées au prix du billet — ne suffisent plus. Pour compenser cette pression économique, les acteurs du low cost cherchent un autre point d'appui : des revenus plus stables, fondés sur des abonnements, des cartes et de nouveaux mécanismes de fidélisation.
Mais fidéliser a un coût. Un abonnement, une carte de réduction ou un système de miles impliquent des remises, des services supplémentaires, parfois une logistique lourde. En 2025, le secteur avance à tâtons : certains opérateurs tentent l'expérience, d'autres la referment aussitôt. La fidélité est devenue un laboratoire — et tout le monde n'a pas forcément envie de s'y brûler les ailes.
Ryanair : un abonnement avorté en huit mois
Chez Ryanair , la décision est tombée aussi vite que l'offre avait été lancée. Prime , abonnement à 79 € par an, promettait des sièges gratuits jusqu'à douze vols, des ventes privées et quelques avantages ponctuels. Huit mois plus tard, le verdict est clair : 55 000 adhésions (sur 250 000 espérées), 4,4 millions d'euros encaissés, mais plus de 6 millions d'euros accordés en réductions. « Nous aurions probablement dû le facturer 99 € », reconnaît le PDG de la compagnie, Michael O'Leary, cité par Bloomberg.
L'offre n'avait pas été annoncée comme un test et son déficit — 1,6 million d'euros — heurte la culture maison. Atterrissage brutal : depuis le 28 novembre 2025, plus aucune inscription n'est possible. Les abonnés actuels iront au bout de leurs douze mois, mais pas un de plus. Le transporteur irlandais revient à son socle : prix d'appel très bas, options facturées au plus juste et refus de toute différenciation durable. Le low cost dans sa forme la plus pure.
Wizz Air : l'offensive assumée du revenu récurrent
À l'opposé, Wizz Air pousse résolument la logique de l'abonnement. Son Discount Club , proposé à 59,99 € par an pour un membre et un accompagnant — ou 99,99 € en version groupe — offre des réductions immédiates : dix euros sur les billets à partir de 29,99 €, cinq euros sur les bagages enregistrés. Sur les grands axes d'Europe centrale, un aller-retour suffit à amortir la carte.
Autre offre, le MultiPass va plus loin encore. Fondé sur un engagement de douze mois, il garantit un ou plusieurs vols mensuels à tarif fixe, indépendamment de la saison. Pour les travailleurs frontaliers, étudiants ou couples vivant entre deux pays, cette prévisibilité est devenue un argument décisif. L'avion cesse d'être un achat ponctuel : il devient un abonnement de mobilité, presque un pass Navigo aérien.
Wizz Air décline aussi des formules élargies, proches de l'usage illimité sur certaines routes. Elles séduisent une clientèle habituée à circuler entre Budapest, Varsovie, Bucarest et les capitales occidentales. Le transporteur hongrois gagne ainsi un socle de revenus mensuels et une visibilité rare sur sa demande. Mais il reste très discret sur le nombre d'abonnés — signe que l'équation économique, séduisante sur le papier, demeure fragile.
easyJet : le confort comme nouvelle frontière de la fidélité
De son côté, easyJet avance avec une prudence toute britannique. L'abonnement easyJet Plus , dont le tarif n'est pas publié, n'a pas vocation à réduire le prix du billet : il sert d'abord à fluidifier le parcours et à améliorer l'expérience de voyage. Dans le tourisme, et plus encore dans l'aérien, ce confort supplémentaire n'est plus un accessoire : il est devenu un enjeu stratégique, presque un produit en soi.
Bagage cabine plus généreux, embarquement prioritaire, choix du siège — y compris aux premiers rangs — ou fast track dans plusieurs aéroports : l'offre vise les habitués soucieux de gagner du temps plutôt que de réduire la facture. L'absence de transparence tarifaire peut surprendre, mais easyJet assume une logique différente : offrir du confort, non un forfait de vols. L'ensemble se rapproche d'une carte premium pour voyageurs réguliers.
Le Flight Club , accessible uniquement par invitation, renforce cette stratégie. Pas de remise, mais davantage de flexibilité : modifications facilitées, service client dédié, conditions plus souples. Une fidélisation ciblée, sans coût fixe, qui place la marque dans un entre-deux : ni abonnement tarifaire massif comme Wizz Air, ni rejet frontal comme Ryanair.
Les low cost intégrées à des groupes : la fidélité cumulative
Une troisième voie, plus discrète mais très efficace, consiste à s'inscrire dans un programme de fidélité de groupe. Ici, aucun abonnement : la fidélité s'accumule vol après vol, dans un écosystème plus vaste.
Transavia s'appuie sur Flying Blue, programme d'Air France-KLM. L'inscription est gratuite, et les Miles comme les XP se cumulent, ouvrant la porte à un billet prime ou un surclassement. Vueling utilise Avios, monnaie du groupe IAG, et Eurowings s'intègre à Miles & More, celui du groupe Lufthansa.
Dans ces schémas, un Paris–Lisbonne ou un Barcelone–Rome peut contribuer à un futur long-courrier. Une fidélisation lente, mais cohérente avec les habitudes de nombreux voyageurs qui alternent low cost et compagnies de réseau.
Une fidélité à la carte, à choisir selon son usage
Le paysage low cost européen ne suit plus une voie unique. Le voyageur occasionnel n'a aucun intérêt à s'abonner ; le passager régulier peut amortir un forfait dès quelques allers-retours ; celui qui combine court- et long-courrier tirera davantage parti d'un programme de groupe. Les compagnies, elles, expérimentent, ajustent, coupent lorsque les remises coûtent trop cher et amplifient lorsqu'un modèle permet de lisser la demande.
2025 marque ainsi une rupture : la fidélité n'est plus un outil uniforme, mais une palette de stratégies que chaque acteur adapte à son modèle économique. Dans un univers où chaque euro compte, la meilleure formule est celle qui correspond réellement à son usage — et non celle qui semble la plus généreuse sur le papier.
Abonnements, miles, réductions : que choisir ?
SI VOUS VOYAGEZ RAREMENT
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Tarifs nus (Ryanair, Volotea, easyJet).
C'est le moins cher. Inutile de payer un abonnement : il ne sera pas amorti.
SI VOUS VOYAGEZ PLUSIEURS FOIS PAR AN
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Wizz Discount Club, Wizz MultiPass, easyJet Plus.
Rentable dès 3–4 allers-retours. Réductions répétées ou confort garanti.
SI VOUS COMBINEZ LOW COST ET LONG-COURRIER
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Flying Blue (Transavia), Avios (Vueling), Miles & More (Eurowings).
Accumulez des miles utiles pour un futur long-courrier ou un surclassement.
SI VOUS CHERCHEZ SURTOUT DE LA FLEXIBILITÉ
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Flight Club (easyJet), options flexibles Norwegian.
Moins de réductions, mais des modifications de vol plus souples.
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