Vente de drogues: toujours plus sur messageries instantanées, moins sur Telegram
information fournie par AFP 27/11/2025 à 22:30

La vente de drogues se fait toujours plus sur messageries instantanées, moins sur Telegram, selon un rapport de l'OFDT ( AFP / Damien MEYER )

Trafiquants en retrait de Telegram, revendeurs au profil parfois plus divers, consommateurs de crack insérés socialement plus nombreux: l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) publie jeudi un rapport, avertissant aussi d'une "aggravation de la précarité" des personnes marginalisées consommatrices de stupéfiants.

"L'usage des applications numériques et des messageries instantanées par les trafiquants de drogues se généralise et se perfectionne", souligne l'Observatoire, dans un communiqué tiré du rapport annuel 2024 de son dispositif Trend (Tendances récentes et nouvelles drogues).

En septembre 2024, Telegram avait annoncé modifier ses règles de modération pour coopérer davantage avec la justice française, quelques semaines après l'arrestation en France de son patron, Pavel Durov.

Une décision qui "a entraîné la disparition de nombreux comptes tenus par des trafiquants de drogues sur cette plateforme", note l'OFDT dans son rapport.

"La messagerie Potato, dont le fonctionnement et le graphisme sont proches de ceux de Telegram, semble avoir souvent servi d'application de repli, aux côtés de WhatsApp et de Signal, déjà largement utilisées", souligne l'organisme.

L'OFDT avertit néanmoins que Telegram a continué, en 2024, "d'être utilisée pour des activités liées au trafic de drogues".

"Bien qu’aucune plateforme chiffrée ne puisse surveiller de manière proactive des groupes privés, les équipes de modération de Telegram traitent les signalements et retirent les contenus illicites afin de faire respecter nos conditions d’utilisation", qui interdisent "la vente de substances illicites", a déclaré à l'AFP la plateforme.

Ce rapport est publié dans un contexte où le narcotrafic inquiète profondément les autorités, Gérald Darmanin le qualifiant de "menace" "au moins équivalente à celle du terrorisme", après l’assassinat en plein jour de Mehdi Kessaci à Marseille.

- "Autoentrepreneurs" -

Basé sur des observations et entretiens avec différents acteurs, dont des consommateurs, des intervenants du secteur socio-sanitaires et du champ de l'application de la loi, le dispositif met également en avant "une diversification des profils des acteurs impliqués dans les trafics locaux", rapportée par plusieurs coordinations du réseau Trend.

L'OFDT avertit néanmoins que Telegram a continué, en 2024, "d'être utilisée pour des activités liées au trafic de drogues" ( AFP / - )

"Des jeunes femmes, des personnes non racisées ou relativement âgées par rapport aux jeunes habituellement recrutés -quadragénaires ou quinquagénaires, voire retraitées– et à l'apparence soignée sont ainsi embauchées pour assurer le transport de produits ou leur livraison aux consommateurs", détaille l'OFDT.

Les trafiquants recrutent également des étudiants ou jeunes actifs "pour leurs compétences en matière de graphisme, de gestion des outils numériques ou de communication", poursuit cette même source.

Cette diversification implique aussi des profils "+autoentrepreneurs+" ou des "petites équipes composées de deux ou trois personnes, parfois elles-mêmes consommatrices", qui développent, via les applications numériques, leur propre clientèle.

Un phénomène à relativiser, nuance immédiatement l'OFDT, "dans la mesure où la présence de jeunes hommes connaissant des situations de grande vulnérabilité économique et sociale reste majoritaire sur les points de vente".

Autre préoccupation soulignée par ce rapport, "une aggravation de la précarité" des populations marginalisées dont le dispositif Trend documente les consommations de drogue, "majoritairement des hommes sans domicile fixe ou vivant dans des conditions de logement très dégradées".

Les informations recueillies montrent, dans la continuité des années précédentes, "une précarisation de leurs conditions de vie", liée notamment à leur éloignement des centres-villes où sont implantées les structures socio-sanitaires, explique l'OFDT.

Comme en 2023, la consommation de crack s'intensifie en 2024 au sein de ces populations, note l'OFDT, leur quotidien étant accaparé par la recherche et l'usage du produit. Elle se substitue même, pour certains, à la consommation d'opioïdes, comme l'héroïne.

- Consommateurs de crack insérés -

"Fait notable des investigations menées en 2024", explique l'organisme, la diversification des profils des consommateurs de crack qui s'adressent aux structures d'addictologie, représentant "davantage de personnes insérées socialement et économiquement, parfois en couple et avec des enfants".

Pour les produits consommés en contexte de "chemsex", l'OFDT note un usage plus systématique de la kétamine, aux côtés du GHB/GBL et des cathinones de synthèse.

"Sauf exception", le dispositif n'a pas observé de marché structuré de Fentanyl ou de ses dérivés, ni d'autres opioïdes de synthèse comme l'oxycodone.