Un millésime 2025 surprise pour les marchés, incertitudes pour 2026 information fournie par Reuters 31/12/2025 à 12:00
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Les actions dans le monde ont augmenté de $15.000 mds
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Meilleure année pour l'or depuis la crise pétrolière de 1979
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Gains modestes pour les bons du Trésor américains
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Les obligations souveraines sur les marchés émergents en tension
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Baisse de 17% du pétrole, chute de 30% du bitcoin depuis octobre
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par Marc Jones
Les marchés financiers avaient anticipé que le retour de Donald Trump à la Maison blanche en janvier ferait de 2025 un cru différent des autres années, mais peu d'investisseurs avaient prédit un bouleversement aussi radical alors que la capitalisation des actions dans le monde a augmenté de 15.000 milliards de dollars sur l'année qui s'achève.
L'indice MSCI World .MIWD00000PUS , qui suit les actions au niveau mondial, s'est rapidement remis de l'effondrement provoqué par l'annonce en avril d'un relèvement des droits de douane américains sur les marchandises en provenance de la plupart des pays du monde, à l'occasion du "Liberation Day" ("jour de la libération") présenté par Donald Trump. Le MSCI World affiche à ce stade sur l'ensemble de l'année un gain de 21%, sa sixième année de hausse à deux chiffres au cours des sept dernières années.
Les surprises sont encore plus notables dans d'autres secteurs comme celui de l'or XAU= , dont le cours a bondi de près de 70% en 2025, sa meilleure année depuis la crise pétrolière de 1979.
Le dollar américain .DXY , quant à lui, a perdu près de 10% de sa valeur, tandis que le pétrole a chuté de près de 17% et les rendements obligataires se sont tendus, notamment sur les marchés émergents.
Le groupe des "Sept Magnifiques", ces géants américains de la technologie, ont perdu un peu de leur éclat depuis que Nvidia
NVDA.O , la coqueluche de l'intelligence artificielle (IA), est devenue en octobre la première entreprise au monde à passer le cap des 5.000 milliards de dollars.
Dans l'intervalle, le bitcoin a également enregistré une chute brutale, perdant un tiers de sa valeur.
Pour Bill Campbell, gestionnaire de fonds chez DoubleLine, 2025 est "l'année du changement et des surprises" avec une "interconnexion" des dossiers sur la guerre commerciale, la géopolitique et la dette.
"Si on m'avait dit a priori que Trump allait arriver, mettre en place une politique commerciale très agressive et séquencer les choses comme il l'a fait, je ne me serais pas attendu à ce que les valorisations soient aussi tendues ou élevées qu'elles le sont aujourd'hui", a-t-il déclaré.
Donald Trump a également contribué à la flambée de 55% des actions des fabricants d'armes européens .SXPARO en annonçant son intention de réduire la protection militaire de Washington vis-à-vis de l'Europe, forçant ainsi le Vieux continent et d'autres membres de l'Otan à se réarmer.
Les banques en Europe ont pour leur part réalisé leur meilleure année depuis 1997, l'indice bancaire sur le Stoxx 600
.SX7P affichant à ce stade un gain de 67%.
En Corée du Sud, l'indice Kospi .KS11 a fait un bond de 75%, tandis que les obligations vénézuéliennes en défaut de paiement ont généré des rendements proches de 100%.
L'argent XAG= et le platine XPT= ont enregistré une hausse encore plus spectaculaire, respectivement de 165% et 145%.
Les baisses de taux directeurs décidées aux Etats-Unis, les critiques ouvertes de Donald Trump à l'égard de la Réserve fédérale américaine (Fed) et les craintes sur le niveau de la dette dans le monde sont autant d'éléments qui ont affecté les marchés obligataires.
La vaste loi budgétaire "One Big Beautiful Bill" voulue par le président américain a provoqué une hausse du rendement des bons du Trésor à 30 ans US30YT=RR qui a dépassé en mai les 5,1%, son plus haut niveau depuis 2007. Même s'il est revenu depuis autour de 4,8%, l'écart croissant avec les taux à court terme, que les banquiers appellent "prime de terme" ou "prime de risque", suscite à nouveau des craintes.
Le rendement des obligations japonaises à 30 ans a également atteint un niveau record.
Tout cela s'est déroulé dans un contexte où la volatilité du marché obligataire dans le monde est à son plus bas niveau depuis quatre ans .MOVE , tandis que la dette des marchés émergents, libellée en monnaie locale, a enregistré sa plus forte progression annuelle depuis 2009.
L'engouement pour l'intelligence artificielle (IA) a également contribué à la montée de la dette, les entreprises devant emprunter pour investir dans ce secteur. Goldman Sachs estime que les grands "hyperscalers" de l'IA ont dépensé près de 400 milliards de dollars cette année et qu'ils investiront près de 530 milliards de dollars l'année prochaine.
TOUT CE QUI BRILLE
La dépréciation du dollar permet à l'euro d'afficher à ce stade une hausse de près de 14% EUR=EBS et au franc suisse
CHF=EBS un bond de 14,5% sur l'année 2025. Le yuan chinois
CNY=CFXS , pour sa part, vient de franchir la barre des sept pour un dollar, tandis que la chute du yen en décembre se traduit par une quasi-stabilité de la monnaie japonaise sur l'ensemble de l'année.
Les initiatives de Donald de Trump à l'égard du président russe Vladimir Poutine ont permis au rouble de faire un bond de 40%, même si l'appréciation de la monnaie russe reste fortement limitée par les sanctions occidentales.
Le zloty polonais, la couronne tchèque et le forint hongrois affichent, quant à eux, une hausse de 15% à 20%.
Le dollar taïwanais, lui, a bondi de 8% en seulement deux jours en mai, tandis que le peso mexicain et le peso brésilien sont sur une croissance à deux chiffres, malgré le contexte lié à la guerre commerciale.
"Nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'un phénomène à court terme", a déclaré Jonny Goulden, responsable d'études dans l'obligataire sur les marchés émergents chez J.P. Morgan.
"Nous pensons que le cycle baissier des monnaies des pays émergents, qui dure depuis 14 ans, s'est inversé", a-t-il ajouté.
L'Argentine s'est également distinguée en 2025 avec le succès crucial obtenu par le parti du président Javier Milei, allié de Donald Trump, aux élections législatives de mi-mandat. Avant le scrutin, Washington avait promis à l'Argentine un vaste soutien financier, tout en menaçant de faire marche arrière en cas de contre-performance électorale du parti présidentiel.
Dans le secteur des cryptoactifs, Donald Trump a lancé un "memecoin" et a accordé la grâce présidentielle au fondateur de Binance, Changpeng Zhao. Le bitcoin a atteint un sommet historique de plus de 125.000 dollars en octobre BTC= avant de retomber actuellement autour de 88.000 dollars. La monnaie numérique est en passe d'achever l'année sur un repli de près de 7%.
NOUVELLE ANNÉE, NOUVELLES CRAINTES
Le début de l'année prochaine ne sera pas de tout repos non plus. Donald Trump se prépare déjà pour les élections de mi-mandat en novembre et devrait annoncer en janvier le nom du candidat choisi pour remplacer Jerome Powell à la tête de la présidence de la Fed, ce qui pourrait s'avérer déterminant pour l'indépendance de la banque centrale.
Par ailleurs, les investisseurs chercheront à déterminer si l'économie chinoise peut repartir de l'avant.
En Israël, des élections sont prévues avant la fin du mois d'octobre, ce qui concentrera l'attention sur le fragile cessez-le-feu dans la bande de Gaza.
La fin de la guerre en Ukraine reste un scénario difficile à prédire alors que les discussions avec la Russie, sous la médiation de Donald Trump, s'enlisent.
En Hongrie, le Premier ministre Viktor Orban, allié de longue date de Donald Trump, fera face en avril à des élections législatives difficiles, tandis qu'en Colombie et au Brésil des scrutins cruciaux sont également prévus respectivement en mai et en octobre.
Outre la politique, d'autres incertitudes pointent le nez. Pour Matt King, fondateur de Satori Insights, les marchés abordent 2026 dans une situation "remarquable" en termes de valorisations et avec des dirigeants comme Donald Trump tentés de "chercher des prétextes" pour faire des cadeaux aux électeurs via des mesures de relance ou des allègements fiscaux.
"Il y a un risque permanent que nous repoussions les limites de ce que l'argent facile peut faire", a-t-il dit.
"On commence déjà à observer des fissures en bordure, en termes de croissance des primes de terme (sur le marché obligataire), en termes de vente soudaine du bitcoin et concernant le rallye en cours sur l'or".
(Reportage Marc Jones à Londres; avec la contribution d'Elizabeth Howcroft à Paris et Pasit Kongkunakornkul à Londres; version française Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)