TotalEnergies au tribunal le 5 juin pour se défendre de greenwashing information fournie par Boursorama avec AFP 23/05/2025 à 09:51
TotalEnergies s'est-il montré plus vert qu'il ne l'est? La quatrième major pétrogazière du monde répondra le 5 juin devant un tribunal civil d'accusations de "publicités mensongères" portées par plusieurs ONG, un débat judiciaire inédit sur les promesses climatiques d'une grande entreprise énergétique.
Trois ONG, Greenpeace France, les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous, ont assigné le groupe français en mars 2022 devant le tribunal judiciaire de Paris pour "pratiques commerciales trompeuses" en raison d'allégations laissant penser que le groupe pouvait atteindre la neutralité carbone tout en continuant à produire du pétrole et du gaz.
Les associations mettent en cause des messages publicitaires et de communication diffusés à partir de mai 2021, notamment sur son site internet, dans la presse et sur les réseaux sociaux. A l'époque, Total avait changé de nom pour TotalEnergies, pour souligner ses investissements dans les énergies renouvelables.
TotalEnergies promouvait alors son objectif de "neutralité carbone d'ici 2050", en ajoutant souvent "ensemble avec la société", et vantait le gaz comme "l'énergie fossile la moins émettrice de gaz à effet de serre".
La major "ne devrait pas pouvoir diffuser auprès des consommateurs ces allégations qui sont contraires à la réalité: sa stratégie d'expansion des énergies fossiles est clairement contradictoire avec l'enjeu, scientifiquement fondé, de réduction immédiate et massive des émissions de gaz à effet de serre et de diminution de l'usage des énergies fossiles", souligne Greenpeace.
Pendant des années, faute de cadre clair et de normes spécifiques, les entreprises ont communiqué abondamment sur leurs politiques environnementales, clamant la neutralité carbone ou utilisant des termes vagues comme "vert", "durable" ou "écoresponsable". Ce qui a poussé des militants du climat à saisir la justice pour tenter d'obtenir une jurisprudence sur le "greenwashing" (écoblanchiment), soit le fait de se clamer plus vertueux qu'on ne l'est, via le droit de la consommation.
En Europe, des tribunaux ont déjà épinglé la compagnie KLM en 2024 pour écoblanchiment, et Lufthansa, en mars dernier.
En France, la procédure, fondée sur une directive européenne relative aux pratiques commerciales déloyales, est inédite pour TotalEnergies et pour le secteur des hydrocarbures, selon Greenpeace.
- Bilan carbone du gaz en question -
Selon Apolline Cagnat, responsable juridique de Greenpeace, les communications de TotalEnergies auraient induit les consommateurs en erreur en leur laissant croire qu'"en achetant des produits TotalEnergies, ils s'inscrivent dans un cercle vertueux sans pouvoir prendre conscience qu'en réalité" les investissements et la production du groupe sont "largement fondés sur les énergies fossiles", le pétrole et de plus en plus le gaz, qu'il présente comme une alternative au pétrole et au charbon.
Selon Greenpeace, le tribunal va "juger, de façon inédite à l'échelle internationale, la légalité de publicités présentant le gaz comme une énergie indispensable à la transition", malgré son bilan climatique contesté par les experts du climat, en raison de ses fuites de méthane, au pouvoir très réchauffant pour l'atmosphère.
Le bilan carbone du gaz naturel liquéfié (GNL) peut rivaliser dans certains cas avec celui du charbon, ont montré plusieurs études.
Quant à l'objectif de "neutralité carbone" de TotalEnergies, le groupe le conditionne au fait que "la société", c'est-à-dire les pays où elle a des activités, impose la sortie des énergies fossiles. Sans quoi TotalEnergies ne compte pas arrêter ses activités dans les hydrocarbures.
"TotalEnergies va pouvoir exposer en quoi les communications de notre compagnie, sur son changement de nom, sa stratégie et son rôle dans la transition énergétique sont fiables et fondées sur des données objectives et vérifiables", a indiqué à l'AFP le groupe en soulignant qu'il "met sa stratégie en œuvre de manière concrète (investissements, nouveaux métiers, baisse significative des émissions directes de gaz à effet de serre...)".
Les associations demandent au tribunal "d’ordonner la cessation immédiate sous astreinte des pratiques commerciales trompeuses" et "l'insertion de mentions informatives sur les communications commerciales du groupe" liées à ses engagements climatiques. Si tel était le cas, là, ce serait un "signal fort" vers les entreprises qui exploitent les énergies fossiles, souligne Apolline Cagnat.
TotalEnergies est également sous le coup d'une enquête pénale ouverte à Nanterre en 2021 pour "pratiques commerciales trompeuses" après une plainte d'associations.