* 412.300 jeunes en apprentissage en France en 2016
* Un outil pour contrer le chômage de masse, selon le
gouvernement
* Un taux d'insertion de 80 à 95%, selon le directeur de
l'Aftral
* Les centres en concurrence avec les lycées professionnels
par Caroline Pailliez
SAVIGNY-LE-TEMPLE, Seine-et-Marne, 2 novembre (Reuters) -
M anutention, mise en rayon, service chez McDonald's, les jeunes
du centre de formation Aftral, spécialisé dans la logistique et
le transport, ne comptent plus le nombre de missions en intérim
effectuées avant de trouver leur voie grâce à l'apprentissage.
Gilet de sécurité sur le dos, feuille et stylo en main,
Céline Galland s'assure que son cariste positionne correctement
la palette sur l'étagère de l'entrepôt. Elle inscrit le numéro
du produit sur sa "fiche de stock", prête à passer au suivant.
"On est tous les maillons d'une chaîne", explique-t-elle.
"On doit s'arranger pour que toute la tournée soit terminée en
temps et en heure pour ne pas mettre en retard l'expédition."
La jeune femme de 31 ans fait partie des quelques 412.300
jeunes en France en 2016 qui ont choisi la voie de
l'apprentissage pour poursuivre leurs études. Toutes les deux
semaines, depuis un an, elle alterne entre travail et cours pour
passer son titre de technicien supérieur en méthodes et
exploitation logistique (TSMEL), un équivalent de 'Bac +2'.
Quand elle n'est pas sur le campus de l'Aftral à
Savigny-Le-Temple (Seine-et-Marne), elle gère une équipe de 30
personnes dans un entrepôt de 50.000 mètres carrés spécialisé
dans le transport de marchandises pour la grande distribution.
"Ce que j'aime, c'est la pluralité des tâches", dit-elle.
"C'est un travail où on ne s'ennuie pas."
Le gouvernement doit donner la semaine prochaine le coup
d'envoi aux concertations sur la réforme de l'apprentissage, qui
constituera, avec la réforme de la formation professionnelle et
de l'assurance chômage, le deuxième chantier social du
quinquennat d'Emmanuel Macron.
"J'avais indiqué que notre objectif, c'était de nous
attaquer au chômage de masse, en l'attaquant par tous les
côtés", avait dit Edouard Philippe en présentant le calendrier
des réformes. L8N1N83TK
LES EXEMPLES ALLEMAND ET SUISSE
Le taux de chômage en France était de 9,5% au deuxième
trimestre de 2017, selon le Bureau international du travail
(BIT). Chez les 15-24 ans, il atteignait 23,4%.
Or, le nombre d'apprentis y est l'un des plus faibles
d'Europe. Pour 1.000 salariés, 17 étaient engagés comme
apprentis en 2011. Selon la ministre du Travail, Muriel
Pénicaud, cela correspond à 7% des jeunes de 16 à 25 ans.
Un faible taux si on le compare à celui de l'Allemagne et de
la Suisse, les champions de l'apprentissage, où le nombre
d'apprentis pour 1.000 salariés était de 39 et 44 pour 1.000
respectivement en 2011, selon le BIT.
Le taux de chômage des 15-24 ans dans ces pays, lui, s'est
élevé à 7% et 6,9% à peine au deuxième trimestre de 2017.
Pour le directeur du centre Aftral, Pierre de Surône, la
relation de cause à effet est évidente. "Nos chiffres sont
clairs, c'est plus de 80 à 95% de jeunes en situation d'emploi
en plus de six mois. Que faut-il dire d'autre ?"
En vérité, le taux d'insertion en emploi dépend grandement
des secteurs et des diplômes que les jeunes passent en
apprentissage. Mais plus le niveau d'éducation est faible, plus
l'apprentissage est avantageux.
Le Centre d'études et de recherches sur les qualifications
(Céreq) a observé un écart de neuf points entre le taux de
chômage des jeunes avec un diplôme en alternance à faible niveau
d'éducation (CAP ou BEP) en 2010 et les jeunes qui sont
sortaient d'une filière classique. Cet écart était de six points
pour les 'Bac +2'.
La principale raison du faible nombre d'apprentis en France,
selon le directeur de l'Aftral, c'est l'image dont pâtit la
formation. "Dans les collèges, les lycées, dans les familles,
les filières apprentissage c'est un peu une seconde voie", dit
Pierre de Surône.
CESSER D'ÊTRE "COMME DES MACHINES"
Il regrette que les centres de formation d'apprentis (CFA)
n'aient souvent pas la possibilité d'accéder aux jeunes dans les
lycées ou les collèges pour leur présenter les programmes.
Les CFA font également face à une forte concurrence des
lycées professionnels qui offrent aux jeunes la possibilité de
réaliser des stages de quelques mois dans les entreprises.
Céline Galland fait partie de ces étudiants qui ne
connaissaient pas le potentiel des filières en apprentissage.
Elle qui n'avait pas pu obtenir de place en BTS ou DUT en
2005, a quitté les bancs de l'université en première année de
licence par manque d'intérêt.
Elle a alors enchaîné les "petits boulots" pendant près
d'une dizaine d'années: service chez McDonald's, mise en rayon
chez Leclerc, gestion des stocks chez Brico Dépôt. "Il n'y avait
pas beaucoup de réflexion", dit-elle. "On avait l'impression
d'être comme des machines."
Même discours chez Maxime Mariano qui a enchaîné les
missions en intérim pendant deux ans avant de reprendre les
études. C'était "usant", dit celui dont les missions variaient
d'une journée à trois mois.
Le jeune homme de 23 ans avait été jusqu'en deuxième année
de licence en économie gestion avant d'interrompre ses études.
"C'était beaucoup trop général", dit-il.
LE TRAVAIL DE TERRAIN, PREMIÈRE ETAPE
Il travaille maintenant en alternance dans l'industrie du
luxe et s'occupe de l'inventaire d'un magasin d'une vingtaine de
salariés dans Paris. "C'est un univers complètement nouveau mais
c'est un super challenge", dit-il.
Milouda Chahed, 19 ans, elle, a signé son contrat
d'apprentissage, après un an d'intérim, avec un géant de
l'industrie aéronautique.
Elle fait partie de la section "méthode" de l'entrepôt qui
gère tous les problèmes de stockage des pièces d'avion. "C'est
quelque chose qui bouge tout le temps", dit-elle.
Pour Gabriel Schumacher, directeur logistique de BSH
Electroménager, une filiale de Bosch qui entrepose et distribue
les électroménagers de la multinationale à travers l'Europe, si
la France ne "donne pas ses lettres de noblesse" aux métiers de
terrain, "on va avoir du mal".
Inspiré par les pratiques de sa maison mère en Allemagne,
l'entrepreneur s'assure que 8% de ses employés sont des
alternants.
"On sait très bien que le diplôme ne va pas apporter
grand-chose, c'est le savoir-être et le savoir-faire qui fait la
différence", dit-il. Il explique que l'Allemagne oriente d'abord
les jeunes vers les métiers de techniciens et les fait évoluer
vers les niveaux d'ingénieurs ou de commercial.
Pour le directeur logistique, "les lettres de noblesse,
elles passent par un travail au départ de terrain".
(Edité par Yves Clarisse)