Que contient l'accord UE-Mercosur et quels sont les points contestés ?
information fournie par Reuters 17/12/2025 à 15:50

par Philip Blenkinsop

La Commission européenne prévoit de signer officiellement d'ici la fin de l'année l'accord commercial entre l'Union européenne et le marché commun sud-américain (Mercosur), finalisé en décembre 2024.

L'exécutif européen peine cependant à obtenir l'accord de la France, de l'Italie, de la Pologne ou encore de la Hongrie, qui semble indispensable à la conclusion de ce traité de libre-échange.

Voici les principales mesures de l'accord et les points de contentieux:

MOINS DE DROITS DE DOUANE, DES QUOTAS AGRICOLES ÉLARGIS

Le texte prévoit que le bloc sud-américain supprime les droits de douane sur 91% des produits en provenance de l'UE, notamment sur le secteur automobile actuellement taxé à 35%, dans un délai de 15 ans. De son côté, l'UE doit progressivement retirer les droits de douane sur 92% des exportations du Mercosur d'ici 10 ans.

Certains produits européens comme le vin, visé actuellement par des taxes douanières de 17%, ou les spiritueux (taxes comprises entre 20% et 35%), ne seront plus soumis à des droits de douane dans les pays du Mercosur.

S'agissant des produits agricoles les plus sensibles, l'UE accepte d'accroître ses quotas d'importation, avec par exemple 99.000 tonnes supplémentaires de boeuf en provenance du Mercosur. En échange, le marché commun sud-américain doit accorder un quota de 30.000 tonnes de fromage européen exonérées de toute taxe douanière.

Des quotas européens sont également prévus pour la volaille, le porc, le sucre, l'éthanol, le riz, le miel et le maïs, et, côté Mercosur, sur le lait en poudre et la nourriture infantile.

Les quotas supplémentaires représentent 1,6% de la consommation de boeuf au sein de l'UE et 1,4% pour les volailles. Pour les partisans de l'accord, le fait que l'UE importe déjà ces produits prouve qu'ils respectent les normes européennes.

L'accord reconnaît aussi 350 indications géographiques afin de protéger certaines spécialités culinaires de l'UE.

CE QUE DISENT LES PARTISANS DE L'ACCORD

La Commission européenne et les pays favorables à l'accord, comme l'Allemagne et l'Espagne, affirment que cet accord permettrait de réduire la dépendance à l'égard de la Chine, particulièrement pour les minerais tels que le lithium pour batteries, en garantissant l'absence de droits de douane sur la plupart de ces produits.

Ils jugent aussi qu'il permettra d'atténuer l'impact des droits de douane imposés par le président américain Donald Trump.

Bruxelles présente l'accord avec le Mercosur comme le plus important jamais scellé par l'UE en termes de suppressions de barrières tarifaires, chiffrant à plus de quatre milliards d'euros par an le montant des droits de douane ainsi levés. La Commission juge en outre cet accord indispensable aux efforts du bloc pour diversifier ses liens commerciaux.

L'accord prévoit aussi des clauses de sauvegarde susceptibles d'être activées en cas de perturbations sur certains marchés.

CE QUE DISENT LES DÉTRACTEURS DE L'ACCORD

Les agriculteurs européens dénoncent un accord ouvrant leurs marchés à des importations de produits sud-américains bon marché, notamment de boeuf, ne respectant pas les normes de l'UE en matière de respect de l'environnement et de sécurité alimentaire. La Commission affirme que les normes européennes ne sont pas remises en cause.

L'accord prévoit des engagements en matière environnementale, notamment l'arrêt de toute déforestation supplémentaire après 2030. Les organisations de défense de l'environnement dénoncent cependant le manque de mesures contraignantes.

L'ONG Les Amis de la Terre parle d'un accord "destructeur" pour l'environnement et affirme qu'il conduira à une déforestation accrue, notamment en Amazonie, du fait des exportations supplémentaires de produits agricoles et de matières premières qu'effectuerait le Mercosur.

La France, principal producteur européen de boeuf dont le secteur pourrait être menacé par des importations accrues en provenance du Mercosur, juge que l'accord n'est pas acceptable en l'état et a demandé un report de sa signature, le président Emmanuel Macron menaçant de s'opposer "de manière très ferme" à toute tentative de passage en force de la part de la Commission.

L'Italie, la Pologne et la Hongrie ont aussi exprimé leurs réticences, voire leur opposition à l'accord tel qu'il est proposé. Ensemble, ces quatre pays peuvent bloquer l'accord.

COMMENT LA COMMISSION EUROPÉENNE ESSAIE DE CONVAINCRE ?

Lorsque la Commission européenne a soumis l'accord pour approbation en septembre, elle a proposé des clauses de sauvegarde pour certains produits agricoles, tels que le boeuf.

Aux termes de ce mécanisme, des enquêtes pourraient être déclenchées si les volumes d'importation augmentent de plus de 10% par an ou si les prix baissent d'autant dans un ou plusieurs Etats membres de l'UE. Le Parlement européen a abaissé mardi ce seuil de déclenchement à 5%.

L'exécutif européen s'est aussi engagé à étudier un éventuel alignement des normes entre productions locale et importée, notamment concernant l'utilisation des pesticides et le bien-être animal.

Il a aussi promis de renforcer les contrôles sur les importations de produits alimentaires, animaux et végétaux en augmentant le nombre d'inspections dans les pays tiers.

La Commission a enfin annoncé la création au sein du prochain budget communautaire d'un fonds spécial de 6,3 milliards d'euros susceptible d'être activé dans le cas "improbable" d'une perturbation des marchés agricoles européens.

(Philip Blenkinsop; version française Jean Terzian et Bertrand Boucey)