Pump.fun : analyse du modèle économique de la cash machine des memecoins
information fournie par The Big Whale 09/10/2025 à 11:43

pump.fun coin (Crédits: Adobe Stock)

Pump.fun s'est imposé comme l'usine à memecoins de Solana, attirant chaque jour des milliers de créateurs et de spéculateurs. Derrière l'image de casino géant, le protocole cache un modèle économique redoutablement rentable.

Pump.fun s'est imposé comme l'un des projets les plus controversés de l'écosystème. Pour certains, il ne s'agit que d'un casino numérique, un moteur de spéculation pure qui alimente les excès les plus voyants de la crypto. Pour d'autres, au contraire, c'est l'exemple d'un modèle simple et viral capable de générer des revenus considérables dans la DeFi.

Entre fascination et rejet, la question reste entière : Pump.fun incarne-t-il une véritable innovation ou une bulle de plus ? Et au-delà du phénomène, quelle valeur concrète peut-on réellement attribuer à son token ?

Comment fonctionne Pump.fun ?

Pump.fun repose sur la blockchain Solana et a transformé la création de tokens en un processus instantané. Là où, traditionnellement, le lancement d'un jeton exigeait de fournir de la liquidité initiale sur un exchange décentralisé comme Raydium ou Orca, la plateforme automatise tout grâce à un mécanisme de “bonding curve”.

Concrètement, n'importe quel utilisateur peut lancer un memecoin en quelques clics : connexion via un wallet Solana, Google ou les réseaux sociaux, choix d'un nom et d'un symbole, puis validation contre de faibles frais de transaction. Le token est créé immédiatement et mis en vente sur une courbe de liquidité qui ajuste le prix en fonction de l'offre et de la demande. La liquidité générée est verrouillée par le protocole, ce qui réduit le risque de rug pull du créateur.

Lorsqu'un projet atteint 85 SOL injectés dans la bonding curve (soit environ 83 000 dollars de capitalisation) le protocole déploie automatiquement de la liquidité sur Pump Swap, sa propre plateforme de trading. Jusqu'à récemment, l'intégration se faisait directement sur Raydium.

À noter : la création de tokens est désormais gratuite. Pump.fun se finance uniquement grâce aux commissions prélevées sur les transactions. Ce modèle favorise des hausses de prix rapides lors des premiers achats, mais expose aussi à des corrections tout aussi brutales. C'est précisément cette combinaison entre simplicité, viralité et coût d'entrée quasi nul qui explique le succès fulgurant de Pump.fun sur Solana.

La place de Pump.fun dans l'écosystème

Avec près de 20 000 tokens créés chaque jour, Pump.fun reste la référence du secteur, même si sa domination s'est légèrement érodée ces derniers mois. La plateforme est souvent décrite comme un gigantesque casino, où chacun espère décrocher le jackpot grâce au prochain memecoin viral. Sur les réseaux sociaux, les témoignages de fortunes soudaines se multiplient, alimentant le fantasme que quelques clics suffiraient à changer de vie. La réalité est bien différente.

La quête effrénée de gains rapides a engendré des comportements extrêmes. Certains créateurs n'hésitent plus à mettre en scène des défis spectaculaires pour attirer l'attention sur leur token : un adolescent filmé en jouant à la roulette russe, un autre se rasant les sourcils pour célébrer une capitalisation de 10 millions de dollars, ou encore des lives où les participants s'enferment dans une cage ou se déguisent pour susciter des achats.

Ces excès trouvent un écho direct dans le modèle économique du protocole : chaque token lancé génère des creator fees, reversés au fondateur. Dans le cas du token $BAGWORK, passé en trois jours de 7 000 dollars à plus de 50 millions de capitalisation avant de s'effondrer, les créateurs ont encaissé plus de 316 000 dollars en frais de transaction.

Mais derrière le spectacle, les chiffres dressent un constat beaucoup plus nuancé. En septembre 2025, seuls 41,8 % des wallets actifs ont dégagé un profit, contre 58,2 % en perte. Et même parmi les gagnants, la majorité n'a empoché que des montants limités : plus de 37 % des adresses profitables n'ont gagné que quelques centaines de dollars. Seules 0,35 % des adresses ont dépassé 10 000 dollars de gains, et à peine 0,0097 % plus de 100 000 dollars.

Autrement dit, les success stories qui circulent sur X restent l'exception et concernent souvent des acteurs organisés, voire des insiders disposant de stratégies sophistiquées. Pour l'investisseur lambda, l'issue est le plus souvent défavorable.

Malgré tout, Pump.fun présente plusieurs aspects qui expliquent sa popularité. Le protocole a démocratisé la création de tokens, en supprimant les barrières techniques et financières.

Chacun peut lancer son jeton en quelques secondes, fédérer une communauté ou tester de nouvelles formes de monétisation. Cet aspect créatif est amplifié par l'effet viral des memes et des livestreams, devenus un outil d'engagement central. Contrairement à un lancement classique sur un DEX, la plateforme impose aussi certaines règles de sécurité, notamment le verrouillage automatique de la liquidité, limitant les rug pulls.

C'est cette combinaison d'accessibilité, créativité et relative sécurité qui fait de Pump.fun un acteur central de l'écosystème Solana. Mais si la plateforme a ouvert la voie à de nouvelles formes d'expérimentation, la majorité de ses utilisateurs restent perdants, confirmant que l'eldorado promis par les memecoins est réservé à une poignée de privilégiés.

Une des plus grosses cash machines de l'industrie

Derrière son image de terrain de jeu spéculatif, Pump.fun s'impose surtout comme une machine à cash. En un peu moins de 19 mois d'existence, la plateforme a déjà engrangé plus de 1,01 milliard de dollars de frais, dont 829 millions de dollars de revenus nets une fois les parts reversées aux créateurs déduites.

Depuis plusieurs mois, le protocole figure parmi les projets les plus rentables de tout l'écosystème crypto. En septembre 2025, il s'est classé 4ᵉ en termes de revenus, juste derrière Tether, Circle et Hyperliquid. Son rythme de croisière est impressionnant : entre 30 et 40 millions de dollars par mois, de façon régulière depuis le début de l'année.

Le modèle est simple mais redoutablement efficace. La création de tokens est gratuite, mais Pump.fun se rémunère via les frais appliqués aux swaps. Trois catégories se distinguent : les creator fees, reversés directement aux fondateurs de tokens ; les protocol fees, captés par Pump.fun sur chaque achat ou vente ; et enfin les frais de migration prélevés lorsque la liquidité d'un token passe sur Pump Swap (0,015 SOL fixes, auxquels s'ajoute un pourcentage variable en fonction de la capitalisation).

La structure des frais est calibrée de manière à concentrer les revenus sur la zone la plus active. Près de 99 % des tokens créés n'atteignent jamais 420 SOL de market cap. Autrement dit, c'est ce segment intermédiaire, où le volume est le plus élevé, qui constitue la principale source de revenus du protocole.

À cela s'ajoute une caractéristique commune à de nombreux protocoles DeFi : Pump.fun fonctionne sans les lourdes charges d'une entreprise classique. Pas de milliers de salariés, pas de bureaux, pas de dépenses marketing massives. Chaque dollar généré est donc un revenu “pur”, avec des marges bien supérieures à celles d'acteurs Web2.

Les creator fees jouent aussi un rôle clé. Ils transforment les créateurs en promoteurs acharnés, prêts à tout pour générer du volume. Les livestreams (vidéo) ont poussé le phénomène à son paroxysme en attirant une vague de projets hypermédiatisés, avant de s'essouffler. Mais la mécanique reste intacte : chaque jour, entre 20 000 et 25 000 tokens continuent d'être créés sur la plateforme.

Face à de tels chiffres, les concurrents n'ont pas tardé à se lancer. Des plateformes comme Boop.fun (BOOP) et LetsBonk.fun (BONK) ont tenté de copier le modèle. LetsBonk a même réussi, en juillet, à dépasser Pump.fun pendant quelques jours avec 1,7 million de dollars de frais quotidiens. Mais l'embellie a vite tourné court : aujourd'hui, elle ne génère plus que 30 000 à 50 000 dollars par jour. Avec une liquidité plus faible et une communauté moins mobilisée, ces alternatives peinent à exister face à Pump.fun.

Pour les traders, le choix reste vite fait : pourquoi aller ailleurs quand l'expérience est plus fluide, la communauté plus active et la liquidité plus profonde sur Pump.fun ?

Le token PUMP

Lancé mi-juillet, en plein cœur de l'été, le token PUMP était attendu comme l'occasion pour Pump.fun de récompenser sa communauté par un airdrop. Finalement, la plateforme a pris tout le monde de court en optant pour une levée de fonds.

Pas moins de 33 % de l'offre totale a été allouée à l'ICO, dont 18 % réservés aux investisseurs institutionnels via une private sale et 15 % ouverts au public. Ce dernier segment a été écoulé en moins de 12 minutes, rapportant à lui seul plus de 1,3 milliard de dollars supplémentaires au protocole.

À ce jour, aucun airdrop n'a été annoncé, entretenant l'incertitude autour d'une éventuelle redistribution future.

L'offre totale de PUMP est fixée à 1 000 milliards de tokens, répartis de la manière suivante :

33 % pour l'ICO (≈ 330 milliards)

24 % dédiés aux initiatives communautaires et écosystémiques

20 % attribués à l'équipe

13 % pour les investisseurs existants

3 % alloués aux activités de streaming en direct

2,6 % pour la liquidité et les échanges

2,4 % pour le fonds écosystémique

2 % pour la fondation

Cette répartition, très marquée par le poids de l'ICO et de l'équipe, interroge sur la gouvernance future du projet et sur la marge de manœuvre réelle laissée à la communauté.

Comment le token PUMP profite de la cash machine

Derrière son lancement, le token PUMP s'appuie sur un mécanisme central : les rachats de tokens (buybacks) financés par les frais générés sur la plateforme. Une pratique courante dans la DeFi, mais qui prend une autre ampleur ici.

Les revenus de Pump.fun sont tels que les rachats atteignent un niveau inédit : en un peu plus de deux mois, près de 7,5 % de la supply a déjà été rachetée, soit un rythme équivalent à 37 % par an. Chaque jour, plus d'un million de dollars sont consacrés à ces opérations, parfois même au-delà des revenus nets du protocole, dans une stratégie volontairement agressive destinée à soutenir le cours.

Ce dispositif illustre la capacité de Pump.fun à réinvestir une partie de sa manne financière pour renforcer la valeur perçue de son token. C'est aussi l'un des avantages d'avoir levé autant de fonds : l'équipe peut ajuster librement le pourcentage de rachat et maintenir une pression haussière.

Au-delà des buybacks, plusieurs pistes d'utilité sont évoquées : réductions de frais pour les créateurs et traders détenant du PUMP, incitations liées au streaming, ou encore un rôle de gouvernance. Certaines allocations prévues pour les initiatives communautaires ou le streaming restent à distribuer, ce qui laisse la porte ouverte à de futurs programmes de récompenses pour les utilisateurs les plus actifs.

Reste que, pour l'heure, PUMP conserve un profil essentiellement spéculatif. Son prix a fortement chuté après son lancement, en raison des ventes rapides issues de l'ICO, avant de rebondir en août pour se rapprocher de son niveau initial.

Sa pérennité dépendra donc de la capacité de Pump.fun à convertir ses revenus records en valeur durable pour ses détenteurs, et non plus seulement en un jeton adossé à une “cash machine” alimentée par la spéculation.

L'avis de The Big Whale

Deux visions s'opposent autour de Pump.fun. Pour les uns, il incarne le pire de la crypto : un casino géant où la spéculation règne et où l'écrasante majorité des participants finit perdante. Pour les autres, il représente au contraire le meilleur de cet univers : une plateforme simple, virale et extrêmement lucrative.

Qu'on l'apprécie ou qu'on la critique, la place de Pump.fun dans l'écosystème est aujourd'hui incontestable. Le protocole figure régulièrement parmi les cinq projets les plus rentables de la crypto, preuve d'un modèle économique parfaitement adapté à son marché. Son succès repose moins sur une avancée technique que sur une lecture fine des codes de la culture crypto, de sa dynamique communautaire et de l'attrait irrésistible pour les gains rapides.

Les memecoins font partie de l'ADN du secteur : la promesse de transformer quelques dollars en fortune, la mise en récit de trajectoires fulgurantes qui nourrissent l'imaginaire collectif. Pump.fun a su canaliser cette énergie en la structurant dans un produit accessible, sécurisé et calibré pour le volume. Il ne s'agit pas de roulette ou de poker, mais la mécanique humaine est la même : l'espoir, souvent illusoire, de faire partie des rares gagnants.

Au fond, si ce n'était pas Pump.fun, une autre plateforme aurait pris cette place. Car son succès ne doit rien au hasard : il repose sur un product-market fit implacable. Plus qu'une bulle passagère, Pump.fun est le reflet d'une époque et d'une demande bien réelle. Un projet qui, en moins de deux ans, a déjà marqué l'histoire de Solana et continue de façonner les contours de l'écosystème crypto.