Private equity : un puissant levier de diversification… à manier avec discernement information fournie par Opale Capital 05/11/2025 à 10:40
La diversification est souvent présentée comme l'alpha invisible des portefeuilles performants. Et pour cause : dans un monde financier de plus en plus interconnecté, où les marchés cotés tendent à évoluer en choeur, le Private Equity offre une rare opportunité de sortir des sentiers battus : à condition de bien comprendre où réside réellement son pouvoir différenciateur.
Un gisement d'opportunités hors des radars boursiers
Le chiffre est frappant : il y aurait aujourd'hui près de 25 fois plus d'entreprises soutenues par des fonds de Private Equity que de sociétés cotées dans le monde (1). Pourtant, la capitalisation cumulée du non coté ne représente qu'environ 12 % de celle des marchés publics. En France, le contraste est encore plus fort : on estime qu'il existe environ 200 fois plus d'entreprises non cotées que cotées (2).
Ce déséquilibre n'est pas qu'un effet de volume. Il reflète un univers d'investissement radicalement différent : des entreprises plus jeunes, plus agiles, souvent positionnées sur des niches sectorielles peu représentées sur les marchés publics, ou évoluant dans des géographies secondaires mais dynamiques. En accédant à cet écosystème, l'investisseur se dote d'une capacité de diversification structurelle : non seulement sectorielle, mais aussi géographique, stratégique et parfois même technologique.
Une corrélation plus faible aux marchés cotés
Autre atout majeur du Private Equity : sa corrélation plus faible avec les indices boursiers traditionnels. Cet effet est particulièrement marqué sur certaines stratégies, comme le secondaire, qui permet d'acheter des parts de fonds matures à prix décotés, avec une visibilité renforcée sur les actifs sous-jacents. Dans les phases de turbulences boursières, cette décorrélation peut servir de stabilisateur de portefeuille, à la fois en réduisant la volatilité et en préservant la performance.
Mais attention à ne pas céder à une vision simpliste. Tous les fonds de Private Equity ne se valent pas en matière de diversification. Et le nombre d'entreprises en portefeuille n'est pas un indicateur suffisant pour juger de la véritable dispersion du risque.
Fonds primaires vs fonds de fonds : quelle profondeur de diversification ?
Un fonds de Private Equity primaire classique (qui investit directement dans 10 à 20 entreprises) offre une diversification limitée mais ciblée. Il permet de miser sur une stratégie d'investissement précise, portée par une équipe experte d'un secteur ou d'une géographie donnée. Mais cette concentration expose mécaniquement à des risques idiosyncratiques : un échec opérationnel, un retournement de marché ou une sortie ratée peut fortement impacter la performance globale.
À l'inverse, les fonds de fonds visent une diversification bien plus large. En investissant dans plusieurs fonds primaires, chacun exposé à une vingtaine d'entreprises, ils peuvent donner accès à une centaine d'actifs sous-jacents, voire davantage. Cette structuration permet de mutualiser les risques, d'accéder à des gérants de premier plan (parfois fermés aux investisseurs directs, notamment si les fonds sont américains), et d'optimiser le calendrier des appels de fonds.Mais là encore, prudence : toute diversification n'est pas équivalente.
Lire entre les lignes : une diversification réelle… ou illusoire ?
Prenons deux fonds de fonds affichant chacun une exposition à 100 entreprises. Ont-ils pour autant le même profil de risque ? Pas nécessairement.
Deux prismes sont essentiels pour aller au-delà du chiffre brut. Tout d'abord, la répartition effective des expositions : combien d'entreprises concentrent l'essentiel de la valeur ? Si 15 sociétés représentent deux tiers de l'encours du fonds de fonds, l'exposition réelle est beaucoup plus concentrée qu'il n'y paraît. Le risque : payer les frais d'un fonds supposé diversifié pour finalement répliquer la concentration d'un fonds unique.
Ensuite, la diversification qualitative :
- Géographique : les entreprises sont-elles réparties entre l'Amérique du Nord, l'Europe, et éventuellement d'autres géographies ?
- Sectorielle : couvre-t-on différents secteurs cycliques et non cycliques ? Est-on exposé sur des secteurs portés par des macro-tendances et qui resteront soutenus sur les 10 prochaines années ?
- Par taille d'entreprise : PME, ETI, large caps ? Les dynamiques de création de valeur diffèrent radicalement.
- Par stratégie d'investissement : venture, growth, buyout, situations spéciales, secondaire, co-investissements… toutes les stratégies sont-elles pertinentes dans la conjoncture actuelle ?
- Par gérants : les fonds sous-jacents sont-ils gérés par une diversité d'équipes, ou par un seul acteur décliné sous plusieurs véhicules ?
Diversifier ne suffit pas, encore faut-il diversifier intelligemment
Le Private Equity peut être un vecteur puissant de diversification, mais il ne l'est pleinement que si l'allocation est pensée finement. Il ne s'agit pas seulement d'élargir l'exposition, mais de la structurer intelligemment, en s'assurant que les couches de diversification (secteur, géo, taille, style, cycle) se combinent sans se chevaucher.
Et pour cela, l'investisseur doit faire preuve d'exigence dans la sélection des véhicules, en particulier lorsqu'il opère via des fonds de fonds. Les apparences sont souvent trompeuses, et seule une analyse approfondie permet de distinguer un portefeuille véritablement diversifié d'un assemblage concentré camouflé derrière des chiffres séduisants.
(1) https://www.harbourvest.com/insights-news/insights/cpm-how-does-the-size-of-private-markets-compa
re-to-public-markets/
(2) Insee, Euronext