Pour attirer les futures générations, investir doit devenir "une activité sociale" information fournie par Agefi Asset Management 20/05/2022 à 11:15
(NEWSManagers.com) - Lorsqu’il a débuté sa carrière en tant qu’actif il y a vingt ans, Edward Glyn, aujourd’hui managing director et responsable des marchés internationaux de Calastone, s’est vu proposer par un conseiller financier britannique la possibilité d’investir une partie de son salaire dans cinq fonds que le conseiller lui présentait comme étant parmi les meilleurs. De son propre aveu, il ne connaissait alors rien à l’investissement et a investi 300 livres par mois pendant cinq mois avant d’arrêter, mais il a tout de même tenu à laisser ses 1.500 livres fructifier. Vingt ans plus tard, ses 1.500 livres investis lui ont rapporté l’incroyable somme de… 400 livres.
L’anecdote a son importance dans le contexte dans lequel Edward Glyn la raconte. Elle lance la discussion d’un panel du Fund Forum, s'étant déroulé jeudi 12 mai, sur la façon d’engager la discussion avec les futures générations d’investisseurs et de les conseiller quand ceux-ci passent leur temps sur les réseaux sociaux et les jeux de toutes sortes. La question sous-jacente étant de déterminer comment éviter à ces jeunes ou futurs actifs une expérience aussi pauvre de l’investissement que celle vécue par Edward Glyn il y a vingt ans.
Activité sociale
Parmi les intervenants, Theresa Clifford, directrice au sein d’EY Seren (filiale du consultant EY spécialisée sur le design d’expérience, services et produits en ligne, ndlr), émet le constat que la génération Z n’investit pas, elle achète. Cela induit une différence sur le plan psychologique car les jeunes veulent une récompense immédiate dès lors qu’ils dépensent leur argent pour quelque chose. Ce qui constitue l’une des raisons pour lesquelles les crypto-actifs les attirent autant. « 56% des achats de cryptos sont effectués par des membres de la génération Z et une majorité d’entre eux sont persuadés qu’ils peuvent devenir milliardaires assez rapidement grâce aux cryptos », indique Theresa Clifford. L'exemple très récent de l'effondrement de la cryptomonnaie Luna de la chaîne de blocs Terra a cependant montré qu'ils pouvaient tout perdre tout aussi rapidement.
Le défi qui se pose à l’industrie de l’investissement, dit Theresa Clifford, est de parvenir à susciter le même engouement auprès de ces futures générations d’investisseurs que celui aperçu sur les cryptos. Pour cela, il faut se confronter aux codes des « nouveaux » réseaux sociaux comme TikTok et de la gamification (faire d’une activité un jeu, ndlr). « Il faut transformer l’investissement en une activité sociale et faire en sorte que les individus puissent commencer à investir de façon ludique le plus tôt possible », affirme Theresa Clifford. La directrice d'EY Seren attire également l'attention sur les considérations/valeurs éthiques que portent les jeunes générations, différentes de celles portées par les générations plus âgées. « Néanmoins, tous les jeunes ne pensent pas à l’ESG, certains veulent juste faire de l’argent », nuance-t-elle.
A ce sujet, dans une autre table ronde du Fund Forum, Marie Dzanis, responsable de la gestion d'actifs pour la région Europe, Moyen-Orient et Afrique chez Northern Trust, estimait que le secteur était sur le point de connaître le plus gros transfert de fortune générationnel de l'Histoire. « Cette génération se concentrera sur l'ESG et veut des ETF et de la transparence. Nous voulons adresser cette clientèle. Nous travaillons avec un conseiller qui s'est spécialisé dans les adolescents milliardaires de 13 ans. Aujourd'hui, il n'y a pas besoin d'avoir un certain âge pour être milliardaire car l'argent provient de différentes sources. En tant que société de gestion, nous devons nous préparer à servir cette clientèle avec des produits transparents », ajoutait-elle.
Engager par des questions simples
Pour être attractif auprès des jeunes actifs mais aussi des participants des plans de pension professionnels, le monde de l’investissement doit s’attaquer à sa racine : le terme investir lui-même, complète Georgia Stewart, directrice générale de Tumelo.
Tumelo est une fintech britannique qui agit comme intermédiaire au niveau de l’engagement entre les investisseurs particuliers et les plateformes d’investissement ainsi que les fournisseurs de solutions de retraites. Elle donne aux investisseurs particuliers une vue transparente des sociétés qu’ils détiennent concrètement à travers leurs investissements. « Les gens ne comprennent pas ce que cela veut dire investir. Quand ils découvrent que leur épargne ou pension est investie dans Microsoft ou Tesla, ils demandent instantanément pourquoi. L’histoire racontée par les gestionnaires d’actifs est retranscrite d’une mauvaise façon auprès des investisseurs finaux et la littérature financière constitue une barrière. De fait, il y a une énorme faille dans l’expérience utilisateur dans le secteur de l’investissement au Royaume-Uni et ailleurs », relève Georgia Stewart.
Pour y remédier, la fintech propose d’engager les investisseurs sur le plan du vote actionnarial à travers des questions simples et d’actualité sur les résolutions déposées en assemblée générale ou problématiques soulevées à l’encontre de telle ou telle entreprise. Entre autres exemples récents, « McDonalds doit-il cesser d’enfermer des truies pleines dans des cages d’ici la fin de l’année » - faisant référence au combat de Carl Icahn face à la chaîne de restauration rapide - ou encore « Amazon doit-il publier des éléments sur la façon dont il compte réduire ses emballages en plastique ? ». Deux réponses, « favorable » ou « contre », sont proposées pour le vote en ligne des investisseurs. Ceux-ci reçoivent des notifications sur les votes en cours en fonction de leurs intérêts (droits humains, diversité, bien-être, etc), permettant de maximiser leur engagement selon Georgia Stewart.
La personnalisation de cet engagement, toutes générations d’investisseurs confondues, passe inévitablement par la data, plaide Christian Sarafidis, membre de l’équipe des services financiers internationaux chez Microsoft. « Les données sont le fondement de l’expérience client. Cette data doit être transformée en savoir qui sera une base pour la monétisation de votre activité. A condition d’avoir une couche de data unifiée », prévient-il.