POINT HEBDO-La politique monétaire à l'épreuve de la guerre commerciale
information fournie par Reuters 02/05/2025 à 12:05

Plusieurs banques centrales se réunissent la semaine prochaine pour prendre des décisions de politique monétaire, au premier rang desquelles la Réserve fédérale américaine (Fed) qui doit faire face aux critiques de Donald Trump concernant son président Jerome Powell mais aussi à une contraction de l'économie.

Ailleurs dans le monde, les indicateurs en Chine et en Asie devraient témoigner des premières conséquences de la guerre commerciale initiée par le président américain tandis que les électeurs se rendront aux urnes en Australie, en Roumanie et à Singapour.

Tour d'horizon des perspectives de marché dans les jours à venir :

1/ LA FED, ENTRE POLITIQUE ET ÉCONOMIE

La réunion de politique monétaire de la Fed se tient dans un contexte tendu, entre données traduisant une contraction du produit intérieur brut (PIB) américain au premier trimestre et pression politique de Donald Trump sur Jerome Powell afin qu'il baisse les taux.

Si le marché anticipe un statu quo sur les taux mercredi, les investisseurs seront attentifs à d'éventuels commentaires concernant la prochaine date à laquelle l'institution, qui doit trouver un équilibre entre les craintes d'un ralentissement économique et celles d'une reprise de l'inflation avec les droits de douane, pourrait reprendre son cycle d'assouplissement monétaire.

La Fed est aussi au centre du jeu politique après les pressions de Donald Trump sur Jerome Powell, alimentant les critiques sur l'indépendance de la banque centrale, bien que le président américain ait récemment rappelé qu'il ne comptait pas limoger le président de la Fed.

2/ EN CHINE, COMMERCE ET DROITS DE DOUANE

Les investisseurs scruteront les données commerciales en Chine attendue le 9 mai, les premières depuis l'entrée en vigueur des droits de douane de 145% imposées par Donald Trump sur la majorité des exportations chinoises alors que les négociations commerciales sino-américaines n'avancent pas.

Les chiffres de l'inflation seront quant à eux publiés le 10 mai, Pékin ne pouvant se permettre une lutte prolongée contre la déflation dans ce contexte de guerre commerciale.

Ailleurs en Asie, la guerre commerciale a assombri les perspectives de croissance et augmenté les attentes de baisse de taux des banques centrales locales. Les données sur les prix à la consommation et la croissance en Indonésie, en Thaïlande et aux Philippines permettront aux analystes d'affiner leurs scenarii.

3/ VERS UNE BAISSE DE TAUX LA BOE ?

Le Royaume-Uni tire son épingle du jeu par rapport aux autres économie largement affectées par la guerre commerciale : la livre sterling atteint des sommets de trois mois face au dollar, l'indice FTSE bondit de 10% en quatre semaine et les attentes de réduction de taux restent élevées sur fond de publication d'indicateurs déflationnistes avec une baisse des prix des importations et de la croissance des salaires.

La majorité des investisseurs mise ainsi sur une baisse des taux de la Banque centrale d'Angleterre (BoE) jeudi, une décision similaire de la part de la Riksbank suédoise le même jour pourrait même renforcer les paris sur une huitième baisse consécutive de la Banque centrale européenne (BCE) en juin.

Les rendements des obligations britanniques sont également en baisse, le rendement du gilt à 10 ans étant inférieur de 56 points de base à son plus haut niveau de janvier, ce qui donne au gouvernement travailliste endetté une certaine marge de manœuvre pour résister à de nouvelles hausses d'impôts et accentuer les réductions de dépenses.

4/ POLITIQUE MONÉTAIRE DES PAYS ÉMERGENTS

La situation est complexe pour les banquiers centraux des marchés émergents qui doivent faire face à la guerre commerciale, aux conséquences de l'inflation qui en découlent et à l'affaiblissement du dollar.

Dans ce contexte, la banque centrale du Brésil semble en bonne voie pour augmenter ses taux, son président Gabriel Galipolo ayant confirmé qu'une hausse était probable lors de la réunion de mardi et mercredi alors que la plus grande économie d'Amérique latine est confrontée à des perspectives économiques toujours incertaines et à une inflation supérieure à son objectif.

L'humeur est devenue plus 'dovish' en Pologne, où les responsables de politique monétaire se réunissent les mêmes jours. Le principal taux d'intérêt, fixé à 5,75% depuis octobre 2023, pourrait être baissé plus vite que prévu après que les pressions inflationnistes sont ressorties moins fortes qu'attendu.

5/ PÉRIODE ÉLECTORALE

Trois élections début mai sont susceptibles de faire bouger les marchés après le résultat du scrutin au Canada la semaine passée.

En Australie, les sondages sont serrés entre le parti travailliste de centre-gauche du Premier ministre Anthony Albanese à la coalition libérale-nationale dirigée par Peter Dutton sur fond de promesses de dépenses qui pourraient menacer la note de crédit AAA du pays.

Les élections législatives de Singapour représentent un test pour le nouveau premier ministre Lawrence Wong et son parti confronté à une opposition croissance malgré ses promesses de dépenses.

Bruxelles, l'Otan et les marchés financiers seront par ailleurs attentifs au résultat du scrutin présidentiel en Roumanie qui pourrait voir l'ultranationaliste George Simion, eurosceptique, arriver au pouvoir après l'annulation des précédentes élections en raison de l'ingérence présumée de la Russie.

(rédigé par Lewis Krauskopf à New York, Rae Wee à Singapour, Naomi Rovnick, Marc Jones et Karin Strohecker à Londres, compilé par Karin Strohecker ; version française Bertrand De Meyer, édité par Blandine Hénault)