Pétroliers-Washington accuse Téhéran, qui dément
information fournie par Reuters 14/06/2019 à 16:27
(Actualisé avec déclarations de Donald Trump, Heiko Maas) par Lisa Barrington et Lesley Wroughton DUBAI/WASHINGTON, 14 juin (Reuters) - Les Etats-Unis accusent l'Iran d'être responsable de l'attaque de deux pétroliers dans le golfe d'Oman, près du détroit d'Ormuz, laissant craindre une nouvelle confrontation entre Washington et Téhéran qui réfute les accusations américaines. L'armée américaine a diffusé jeudi soir une vidéo montrant, selon elle, une patrouille des Gardiens de la Révolution islamique (GRI), le corps d'élite de l'armée iranienne, retirant une mine-ventouse qui n'avait pas explosé de la paroi d'un des deux tankers attaqués. Il est "alarmant" d'accuser l'Iran d'être responsable de ces attaques, a déclaré vendredi matin le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. "Nous sommes chargés de maintenir la sécurité dans le détroit (d'Ormuz) et nous avons secouru l'équipage des tankers attaqués dans le délai le plus court possible", a dit Abbas Mousavi, selon des propos rapportés par la radio publique. Dans un entretien accordé vendredi à la chaîne Fox News, Donald Trump impute à l'Iran l'attaque des deux pétroliers. Il assure en outre que le détroit d'Ormuz, par où transite une bonne part des exportations de pétrole, ne sera pas fermé. Prié de dire ce qu'il comptait faire pour répondre à l'Iran et éviter d'autres incidents de ce type, il a simplement répondu: "nous allons voir". Il a cependant ajouté qu'il était prêt à discuter avec les Iraniens quand ceux-ci y seront disposés. "Nous voulons qu'ils reviennent à la table (des négociations)", a-t-il dit. Dès jeudi, par la voix de sa mission diplomatique à l'Onu, l'Iran a rejeté "catégoriquement l'accusation infondée des Etats-Unis et la condamne avec la plus grande fermeté". Pour le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, la vidéo américaine ne permet pas de tirer des conclusions quant à la responsabilité de l'attaque. "La vidéo n'est pas suffisante. Nous pouvons bien sûr comprendre ce qu'on nous montre mais, pour tirer des conclusions, ce n'est selon moi pas suffisant", a-t-il déclaré. Le propriétaire japonais du Kokuta Courageous a relayé vendredi le témoignage de l'équipage du bateau, selon lequel des "objets volants" ont percuté le navire. Après l'avoir évacué jeudi, l'équipage a regagné le navire vendredi pour le conduire au port émirati de Khor Fakkan, escorté par la marine américaine, a-t-on précisé. L'incendie qui s'est déclaré sur le Front Altair a quant à lui été éteint dans la nuit et le bateau reste stable, a annoncé vendredi son propriétaire norvégien, Frontline FRO.OL . "DEGRÉ DE COMPLEXITÉ" Un cinquième de la demande mondiale de pétrole transite par le détroit d'Ormuz, où quatre navires de commerce ont été visés le 12 mai par des "actes de sabotage" que les Etats-Unis ont déjà imputés à l'Iran. "Les Etats-Unis considèrent que la République islamique d'Iran est responsable des attaques survenues aujourd'hui dans le golfe d'Oman", a dit le secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo, à la presse. "Cette conclusion s'appuie sur des renseignements, sur les armes utilisées, sur le savoir-faire nécessaire pour mener à bien l'opération, sur les attaques iraniennes analogues et récentes contre la marine marchande et sur le fait qu'aucune organisation à la solde d'une puissance, dans la région, ne dispose des ressources et de l'efficacité requises pour passer à l'acte avec un tel degré de complexité", a-t-il ajouté. Comme Heiko Maas, des représentants de services de sécurité européens et américains, de même que des analystes, ont toutefois estimé qu'il ne fallait pas tirer de conclusions prématurées. "L'Iran est coutumier de ce genre d'actes", a quant à lui déclaré le chef de la diplomatie saoudienne, Adel al Djoubeïr. Les tensions entre l'Iran et les Etats-Unis ainsi que certains de leurs alliés, comme l'Arabie saoudite, se sont accrues depuis que le président américain a dénoncé l'an dernier l'accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien et rétabli des sanctions visant à réduire à néant les exportations de brut de la République islamique. Washington a aussi annoncé le mois dernier l'envoi de troupes supplémentaires au Moyen-Orient en disant craindre des attaques iraniennes contre ses intérêts ou ceux de ses alliés dans la région. L'Iran, qui avait aussi démenti être responsable des attaques du 12 mai, a averti ces derniers mois qu'il pourrait fermer le détroit d'Ormuz s'il ne peut plus écouler son pétrole du fait des sanctions américaines. Le secrétaire général de l'Onu, Antonio Guterres, a déclaré que le monde ne pouvait pas se permettre "une confrontation majeure dans la région du Golfe". A la demande des Etats-Unis, le Conseil de sécurité s'est réuni à huis clos pour évoquer la question de la sécurité maritime dans la région. En visite à Téhéran, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a remis un message de Donald Trump au guide suprême de la Révolution islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, lequel a dit ne pas vouloir renouveler "l'amère expérience" de négociations avec les Etats-Unis. <^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ GRAPHIQUE (en anglais) localisant les deux pétroliers touchés https://tmsnrt.rs/2X6nIQF ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^> (Avec Parisa Hafezi, Maher Chmaytelli, Koustav Samanta et Jessica Jaganathan à Singapour, Liang-Sa Loh et Yimou Lee à Taïpei, Terje Solsvik à Oslo, Ghaida Ghantous et Parisa Hafezi à Dubaï, Michelle Nichols aux Nations unies, Doina Chiacu et Phil Stewart à Washington; Jean-Philippe Lefief, Nicolas Delame, Eric Faye, Jean Terzian et Guy Kerivel pour le service français)