Paralysie ou renoncement: Macron sans solution évidente
information fournie par Reuters 09/09/2025 à 09:00

par Michel Rose

Le défi auquel fait face Emmanuel Macron, contraint de nommer un cinquième Premier ministre en moins de deux ans, met en exergue l'ampleur de la crise politique en France, qui relève sous de nombreux aspects de son propre fait et laisse le chef de l'Etat dans une situation sans issue évidente.

Il est attendu que François Bayrou remette sa démission ce mardi, au lendemain de la chute de son gouvernement, que le locataire de Matignon avait choisi de soumettre au vote de confiance de l'Assemblée nationale sur la question de la lutte contre l'endettement du pays.

S'il a prévenu, à propos de la dette publique, que renverser le gouvernement ne permettrait "pas d'effacer le réel", François Bayrou n'a pas convaincu les députés, souffrant comme son prédécesseur conservateur Michel Barnier de l'absence de majorité dans l'hémicycle.

Faire adopter ses politiques est devenu pour Emmanuel Macron un parcours semé d'embûches depuis le pari raté du président de la République de convoquer à l'été 2024 des élections législatives anticipées, qui ont affaibli sa position.

"Il n'y a pas de moyen simple de s'en sortir", relève Kevin Arceneaux, directeur du centre de recherches politiques de Sciences Po. "Le président se trouve vraiment dans une position difficile".

La crise politique actuelle est d'une ampleur rare sous la Ve République, alors même que la Constitution de 1958 a été conçue pour garantir la stabilité de la gouvernance avec un exécutif fort soutenu par une majorité parlementaire solide.

Mais Emmanuel Macron, dont l'arrivée à l'Elysée en 2017 a redessiné le paysage politique, s'est retrouvé aux prises avec un Parlement fracturé où le poids des centristes s'est atténué au profit de l'extrême droite et de l'extrême gauche.

Bâtir des coalitions et trouver des consensus sont des exercices auxquels la France est peu habituée.

EN QUÊTE DE SOUTIEN

Alors que les forces d'opposition ont mis à exécution lundi leur menace de faire chuter le gouvernement en place depuis neuf mois, des analystes politiques notent qu'Emmanuel Macron n'a plus beaucoup de cartes à jouer.

Le chef de l'Etat pourrait opter pour un Premier ministre issu de ses propres rangs, alors que le nom du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a été parmi ceux évoqués comme possible alternative à François Bayrou avant le vote de lundi. Une telle décision s'accompagnerait toutefois du risque qu'Emmanuel Macron apparaisse comme faisant la sourde oreille face au mécontentement ambiant, qui pourrait s'accentuer.

Certains commentateurs politiques ont déclaré avant la chute du gouvernement Bayrou s'attendre à ce que le président se tourne vers un socialiste pour diriger un gouvernement minoritaire.

Mais, plutôt que de chercher à établir une coalition stable, la gauche pousse pour un "pacte de non-agression" et l'opportunité de mettre en oeuvre son propre programme.

Le Parti socialiste (PS) prône une hausse des impôts sur les plus riches et souhaite revenir sur la décision impopulaire de relever l'âge de départ à la retraite, des mesures allant à contre-courant des préceptes d'Emmanuel Macron favorables aux entreprises et des réformes destinées à attirer les investisseurs étrangers.

"Je n'ai jamais cru à une option gouvernement de gauche", soutient Eric Coquerel, député La France Insoumise (LFI), à Reuters. "Ça, c'est un leurre pour diviser le NFP (Nouveau front populaire). Il est hors de question pour Macron de changer de politique économique. Même légèrement".

VA-TOUT

Emmanuel Macron pourrait décider de convoquer à nouveau des élections anticipées. Toutefois les enquêtes d'opinion indiquent que le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, première force politique à l'Assemblée nationale, en ressortirait renforcé au détriment même des macronistes.

Si Marine Le Pen, déclarée inéligible en mars dernier, perdrait son siège en cas de nouvelles législatives, la cheffe de file des députés RN a dit être prête à "(se) sacrifier" et a exhorté lundi Emmanuel Macron à effectuer une "dissolution ultra-rapide".

Une cohabitation avec le parti d'extrême droite, principale force d'opposition et présent au second tour des deux dernières élections présidentielles, constituerait un revers humiliant et ironique pour Emmanuel Macron, qui s'est présenté comme un rempart contre les extrêmes.

Dans l'entourage du chef de l'Etat, on fait savoir que celui-ci est réticent à l'idée de convoquer de nouvelles élections législatives anticipées. Mais "on ne peut rien exclure avec lui, il est vraiment imprévisible", a déclaré un député macroniste s'exprimant sous couvert d'anonymat.

Certains politiciens appellent à une réforme constitutionnelle et à la création d'une VIe République, une démarche qui ne garantirait toutefois pas de rendre la France plus gouvernable alors que les limites d'un régime parlementaire sont apparues lors des IIIe et IVe Républiques.

Aucun mécanisme n'est prévu dans la Constitution pour contraindre un président à démissionner, laissant entrevoir des pressions accrues, au Parlement et ailleurs, pour qu'Emmanuel Macron quitte ses fonctions.

Sur fond de grogne latente de la population, qui s'est déjà révoltée contre le chef de l'Etat avec la crise des Gilets Jaunes lors de son premier mandat, Emmanuel Macron a signalé depuis plusieurs mois la possibilité de consulter les Français par référendum sur des "grandes réformes". Au pied du mur, il pourrait tenter de jouer l'un de ses derniers jokers politiques.

L'ancien président Charles de Gaulle a choisi cette stratégie pour tenter de reprendre le contrôle après les manifestations de Mai-68. Il a perdu son pari, lors du référendum du 27 avril 1969, et démissionné dans la foulée.

(Michel Rose; version française Jean Terzian, édité par Blandine Hénault)