Morgan Stanley prédit un sombre avenir aux TV européennes

information fournie par Reuters 29/06/2018 à 15:34
    PARIS, 29 juin (Reuters) - Morgan Stanley prédit un sombre
avenir aux chaînes de télévision traditionnelles en Europe,
estimant dans une note publiée vendredi que la prise de pouvoir
aux Etats-Unis des Netflix et consorts est appelée à se propager
outre-Atlantique à l'horizon des cinq prochaines années.
    Les analystes de la banque d'affaires américaine ont dégradé
à "sous-pondérer" leurs recommandations sur l'ensemble des
valeurs du secteur en Europe, aux seules exceptions du
britannique ITV  ITV.L  et de MTG.
    "Aux Etats-Unis, l'atteinte par Netflix d'un taux de
pénétration de 20% a été le 'point de bascule' pour le déclin de
la consommation des chaînes linéaires et pour le ralentissement
des revenus publicitaires", explique Morgan Stanley dans sa
note.
    "Au rythme actuel des conquêtes d'abonnés, le taux de
pénétration sera au-dessus de 20% dans chacun des pays européens
en l'espace de 5 ans, dont 32% en Allemagne et 48% en
Grande-Bretagne et en Suède", pronostiquent les analystes.
    Le succès croissant des plateformes dites OTT
("over-the-top"), pour la plupart américaines, a pour effet de
réduire la durée de consommation des télévisions traditionnelles
et pèse du même coup sur le montant des investissements
publicitaires des annonceurs.
    La France, où Netflix a mis du temps pour s'imposer pénalisé
à ses débuts par un catalogue jugé peu attractif et par une
réglementation contraignante, ne devrait pas faire exception à
la règle.
    Morgan Stanley prédit que la plateforme, dont ils estiment
le taux de pénétration actuel autour de 9%, devrait atteindre le
seuil fatidique des 20% d'ici 4 ans.
    Un tel scénario pénaliserait le numéro un de la télévision
privée en France TF1  TFFP.PA  dont les revenus sont issus à 70%
de la publicité, et son principal concurrent M6  MMTP.PA ,
souligne Morgan Stanley.
    La filiale de Bouygues  BOUY.PA  pourrait dans l'hypothèse
la moins favorable voir ses bénéfices fondre de plus de 80% face
au recul des dépenses des annonceurs si elle ne parvient pas à
ajuster ses coûts. 
    
    LE RIVAL FRANÇAIS DE NETFLIX AU TAPIS
    "Le groupe a un bon bilan en termes de gestion de ses coûts
mais nous pensons qu'il serait compliqué de contrebalancer une
période prolongée de recul structurel de son chiffre
d'affaires", estime Morgan Stanley.
    Si le profil de M6 est davantage diversifié, la filiale de
RTL Group  RRTL.DE  devrait voir sa valorisation reculer à un
ratio cours sur bénéfices (P/E) de 11 contre 14,2 aujourd'hui,
selon les données de Thomson Reuters.
    A 15h33, l'action TF1 cède 2,56% à 8,935 euros tandis que M6
perd 3,61% à 17,11 euros, lanterne rouge du SBF 120  .SBF120 .
    Ailleurs en Europe, les allemands ProSiebenSat.1  PSMGn.DE 
et RTL Group chutent respectivement de 7,07% et 5,99%. 
    Morgan Stanley voit toutefois quelques stratégies de riposte
possibles, comme notamment la production de contenus locaux où
les plateformes internationales pèchent, la publicité ciblée des
téléspectateurs ou encore la création d'alliances entre
diffuseurs à l'image de l'initiative Salto emmenée par TF1, M6
et le groupe de télévision public France Télévisions.
    Auditionné au Sénat mercredi, le président du directoire du
groupe de télévision payante Canal+ (Vivendi  VIV.PA ), Maxime
Saada, avait déjà sonné l'alarme sur les perspectives de la
filière audiovisuelle française.
    Sa plateforme de vidéo à la demande par abonnement, 
CanalPlay, a vu son nombre d'abonnés fondre de 800.000 à 200.000
aujourd'hui alors que les offres de plateformes concurrentes se
sont multipliées dans l'Hexagone et que Netflix étoffait son
catalogue grâce à son budget d'investissement massif - 8
milliards de dollars par an - dans les contenus.
    "En deux ans, on a été rayés de la carte sur ce marché, qui
est en train de se substituer à la télévision", a-t-il dit, en
pointant du doigt le caractère obsolète de la réglementation
française.

 (Gwénaëlle Barzic, avec Marc Angrand, édité par Blandine
Hénault)