Londres retire son soutien au projet contesté de TotalEnergies au Mozambique
information fournie par Boursorama avec AFP 01/12/2025 à 16:54

( AFP / DENIS CHARLET )

Le Royaume-Uni a retiré lundi son soutien financier à un projet gazier controversé mené par TotalEnergies au Mozambique, suspendu depuis plusieurs années après une attaque jihadiste, le jugeant trop risqué.

Le géant français des hydrocarbures est visé par deux procédures judiciaires en France, notamment pour homicide involontaire, dans le cadre de ce projet, mené dans une région instable où une insurrection jihadiste a fait plus de 6.300 morts depuis 2017, d'après l'ONG Acled.

Les "risques ont augmenté depuis 2020", a expliqué le ministre du Commerce Peter Kyle lundi dans une déclaration au Parlement. "Le financement britannique de ce projet", qui aurait pu atteindre 1,15 milliard de dollars, "ne servira pas les intérêts de notre pays".

De gigantesques réserves sous-marine de gaz se trouvent au large de la province du Cabo Delgado, au nord de ce pays d'Afrique australe. Elles devaient à l'origine faire de Maputo l'un des principaux exportateurs au monde de gaz à l'horizon 2025.

Mais les attaques de groupes jihadistes dans cette zone à majorité musulmane, qui ont entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes, ont fragilisé les projets de plusieurs géants pétroliers, qui ont fini par les suspendre après une offensive dans la ville de Palma en mars 2021 (environ 800 morts d'après l'Acled).

Les groupes avaient invoqué la "force majeure", notion juridique utilisée lorsque des conditions exceptionnelles empêchent la poursuite d'un chantier et l'exécution des contrats qui y sont liés.

- "Crimes de guerre" -

Après plus de quatre ans de suspension, TotalEnergies vient d'annoncer la levée de la force majeure sur ce projet, dont il est maître d'oeuvre et premier actionnaire avec 26,5% des parts.

Le groupe espère reprendre en 2029 la production sur le site, qui représente un investissement de 20 milliards de dollars et vise à exporter du gaz naturel liquéfié (GNL) par bateau.

Il a réclamé fin octobre au gouvernement du Mozambique une compensation pour le surcoût lié au retard, qu'il évalue à 4,5 milliards de dollars, ainsi qu'une extension de la concession de dix ans, en plus d'un rattrapage des quatre ans et demi perdus.

Maputo, qui doit encore donner son feu vert, audite actuellement les pertes causées.

TotalEnergies fait l'objet en France d'une information judiciaire pour homicide involontaire après des plaintes de survivants et de familles de victimes de l'attaque de Palma, qui lui reprochent de ne pas avoir assuré la sécurité de ses sous-traitants.

L'entreprise est aussi visée à Paris par une plainte pour "complicité de crimes de guerre, torture et disparitions forcées", déposée par l'ONG allemande European Center for Constitutional and Human Rights.

Celle-ci fait suite à des témoignages recueillis par Politico accusant des soldats mozambicains chargés à l'époque de protéger le site d'avoir mené des exactions mortelles sur des villageois.

- "Un électrochoc" -

Contacté lundi par l'AFP, TotalEnergies a renvoyé vers un ancien communiqué, où il conteste "de façon catégorique" l'affirmation de Politico selon laquelle il "aurait eu, ou aurait pu avoir, connaissance des actes de violence dénoncés dans l’article".

Adam McGibbon, de l'ONG Oil Change International, a salué dans un communiqué la "bonne décision" du gouvernement britannique, le projet constituant selon lui "une catastrophe sur le plan des droits humains et de l'environnement".

Cette annonce "doit être un électrochoc pour Crédit Agricole et Société Générale qui refusent toujours de retirer leur soutien", a renchéri Antoine Bouhey, de Reclaim Finance.

Le géant américain ExxonMobil vient lui aussi de lever la force majeure sur son projet au Mozambique, dans l'espoir de débuter la production en 2030.

Le projet de TotalEnergies, celui d'ExxonMobil, ainsi qu'un autre mené par l'Italien ENI "pourraient faire du Mozambique un des dix premiers producteurs mondiaux (de gaz), contribuant à 20% de la production africaine d'ici 2040", d'après un rapport de Deloitte de 2024.