Les marchés un an après la victoire de Trump: surtaxes, records et forte volatilité
information fournie par Reuters 03/11/2025 à 13:45

par Canan Sevgili, Paolo Laudani, Vera Dvorakova et Alessandro Parodi

Un an s'est écoulé depuis la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine du 5 novembre 2024, une période au cours de laquelle les marchés financiers mondiaux ont dû faire face à des perturbations politiques et à une incertitude commerciale sans précédent, ainsi qu'à une forte volatilité.

La victoire du républicain sur sa rivale démocrate Kamala Harris a été immédiatement suivie d'une flambée du dollar, tout comme des actions, du bitcoin et des rendements des bons du Trésor américain, les investisseurs intégrant la probabilité d'une pression accrue sur les finances américaines.

Depuis lors, Washington a signé des accords commerciaux avec ses partenaires commerciaux, non sans avoir bouleversé les chaînes d'approvisionnement mondiales et des décennies de diplomatie internationale d'après-guerre.

Les investisseurs apprennent à composer avec l'imprévisibilité, notamment en trouvant des moyens de négocier avec la tendance de Donald Trump à multiplier les menaces pour ensuite faire marche arrière ou nuancer ses propos. Le "TACO trade" ("Trump always chickens out" ou "Trump se dégonfle toujours") est devenu une caractéristique des réactions des investisseurs après certaines annonces chocs du locataire de la Maison blanche.

Voici un tour de la situation actuelle des principaux marchés par rapport à celle qui prévalait au moment de l'élection de Donald Trump.

LE BITCOIN S'ENVOLE, LE DOLLAR SOUFFRE Le dollar est le reflet le plus clair de la réaction du reste du monde aux annonces souvent erratiques de Donald Trump.

Le billet vert s'était envolé après l'élection présidentielle, les investisseurs estimant que l'augmentation des dépenses proposée par le républicain stimulerait l'économie, mais il a depuis perdu 4% de sa valeur nette, les investisseurs recherchant d'autres alternatives dans un contexte assombri par les droits de douane imposés par Washington à ses principaux partenaires commerciaux et par l'incertitude quant à leur impact.

Les politiques favorables aux cryptomonnaies de Donald Trump, qui ont fait l'objet d'un examen minutieux en raison des soupçons de conflit d'intérêts pesant sur l'entourage familial du président, ont propulsé le bitcoin BTC= à un niveau record de 125.835,92 dollars en octobre.

Les tensions géopolitiques et commerciales expliquent également l'envolée de l'or, valeur refuge classique, à un niveau record de 4.381 dollars l'once en octobre dernier.

La demande en dollars ne devrait toutefois pas diminuer à court terme, car en cas de turbulences sur les marchés financiers ou de tensions géopolitiques, la monnaie américaine est généralement le premier choix des investisseurs, ou "la chemise sale la plus propre", comme le dit Piotr Matys, analyste chez In Touch Capital Markets.

LES ACTIONS DANS LE VISEUR Les marchés d'actions ont atteint des niveaux record cette année, en grande partie grâce à l'enthousiasme suscité par l'intelligence artificielle (IA) et à la perspective d'une baisse des taux d'intérêt à l'échelle mondiale.

L'annonce par Donald Trump de l'instauration de droits de douane massifs à l'occasion de ce qu'il a qualifié de "Jour de la libération" le 2 avril dernier a été un premier test qui a durement affecté les marchés.

L'indice MSCI World .MIWD00000PUS , qui regroupe les actions d'une vingtaine de pays développés, a chuté de 10% après le 2 avril, mais s'est depuis redressé pour atteindre des niveaux records, avec une hausse de plus de 20% depuis le jour de la présidentielle.

L'indice S&P 500 .SPX a pour sa part progressé de 17% depuis novembre dernier, grâce notamment à la fièvre de l'IA, tandis qu'en Europe, les valeurs liées à la défense ont été au coeur de la reprise, Donald Trump faisant pression sur les pays du continent pour qu'ils dépensent davantage pour leur propre sécurité, remettant même en question l'engagement de l'Otan envers le continent alors que la guerre en Ukraine se poursuit.

TESLA : UN YO-YO ÉLECTRIQUE La relation entre Donald Trump et Elon Musk, l'homme le plus riche du monde et directeur général de Tesla TSLA.O , a été l'un des principaux moteurs de l'action du constructeur de voitures électriques dans les semaines qui ont suivi l'élection présidentielle.

Elon Musk avait dépensé plus de 250 millions de dollars pour soutenir la candidature de Donald Trump à sa réélection et avait même rejoint sa campagne, ce qui avait fait monter en flèche l'action de son groupe, qui a presque doublé en moins de deux mois pour atteindre un niveau record de 488,5 dollars.

Mais la lune de miel n'a pas duré longtemps. La fidélité à la marque Tesla a chuté de manière spectaculaire lorsque les flirts de son directeur général avec la politique à la tête du Département de l'efficacité gouvernementale (DOGE) de l'administration Trump, chargé de procéder à des coupes budgétaires, ont effrayé ses clients, ce qui a contribué à une baisse des livraisons de voitures pendant deux trimestres consécutifs.

L'action Tesla a atteint son niveau le plus bas en avril avant de rebondir lorsque les tensions entre Elon Musk et Donald Trump ont commencé à faire surface, aboutissant au départ du milliardaire de l'administration américaine à la fin du mois de mai.

Malgré les turbulences, le constructeur automobile le plus valorisé au monde a surpassé ses rivaux historiques en difficulté, notamment GM GM.N , Ford F.N et Stellantis

STLAM.MI .

HAUSSE DES RENDEMENTS OBLIGATAIRES

Les rendements obligataires ont bondi dans les principales économies depuis la victoire de Donald Trump, reflétant les inquiétudes des investisseurs quant à l'augmentation des emprunts d'État et la viabilité des finances publiques.

L'une des préoccupations des investisseurs en bons du Trésor américain était le coût du financement des réductions d'impôts prévues par Donald Trump. Sa loi budgétaire, baptisée par le président américain "One Big Beautiful Bill" ("une grande et belle loi") et adoptée en juillet, augmenterait le déficit fédéral d'environ 3.800 milliards de dollars au cours des dix prochaines années.

Cependant, avec la baisse des taux de la Réserve fédérale (Fed) et l'inflation apparemment contenue, les rendements des bons du Trésor à 30 ans n'ont augmenté que de 14 points de base, à 4,66%, depuis novembre dernier.

La hausse des obligations d'État japonaises (JGB) a été plus agressive, les rendements à 30 ans ayant augmenté de près de 85 points de base pour atteindre des niveaux record, tandis que les rendements français et allemands à 30 ans ont augmenté de 62 et 59 points de base, respectivement, depuis le 5 novembre 2024.

LA BATAILLE DU DÉFICIT COMMERCIAL L'une des principales batailles de Donald Trump concerne la balance commerciale des États-Unis qui, selon lui, démontre que l'Amérique est "escroquée" par ses partenaires et que les droits de douane, en plus d'être "le plus beau mot du dictionnaire", sont le seul moyen de remédier à cette situation.

Les surtaxes imposées par Washington sur les produits provenant de l'étranger ont augmenté le coût des affaires et compliqué la planification, mais elles réduisent effectivement le déficit commercial : les données les plus récentes montrent qu'il a atteint en juin son niveau le plus bas depuis deux ans, à savoir 60,2 milliards de dollars, et que le déficit avec la Chine s'est réduit de 70% en cinq mois pour atteindre son niveau le plus bas depuis plus de 21 ans.

De même, la balance commerciale entre les États-Unis et l'Union européenne (UE) a connu un pic avant l'annonce des droits de douane avant de diminuer. Selon Ipek Ozkardeskaya, analyste chez Swissquote, cela suggère que "la guerre commerciale pourrait nuire davantage à l'UE qu'à la Chine", qui dispose d'un plan de sauvegarde plus solide que les Européens.

(Avec la contribution d'Arda Dipova ; version française Diana Mandia ; édité par Augustin Turpin)