Les grands groupes américains portent le marché obligataire euro
information fournie par Reuters 16/09/2025 à 12:10

Les émissions obligataires en euros des entreprises américaines ont atteint le montant record de 100 milliards de dollars depuis le début de l'année, reflétant les conditions de financement attractives en Europe et la volonté croissante des émetteurs de s'éloigner du dollar.

Alphabet, la société mère de Google GOOGL.O , a placé plusieurs tranches obligataires libellées en euros pour un total de 6,75 milliards d'euro en 2025 et d'autres sociétés comme Visa

V.N , PepsiCo PEP.O ou Verizon VZ.N ont récemment émis des obligations libellées en euros.

Cette stratégie, nommée "reverse yankees" et consistant à emprunter en euro plutôt qu'en dollar pour une entreprise américaine, est en forte hausse après un total de 78 milliards de dollars émis en euros en 2024, selon les données de LSEG.

Selon les données de Morning Star, le poids des émetteurs d'entreprises américaines dans l'ETF iShares Core Euro Corporate Bond, un indicateur des emprunteurs d'entreprises Investment Grade, a grimpé à 19% à la fin du mois d'août contre 18% fin 2024, les Etats-Unis grimpant sur la deuxième marche des pays les plus actifs derrière la France.

Ce sont surtout des entreprises non financières américaines qui ont alimenté les émissions en 2025 pour un total de 50 milliards d'euros, soit une hausse de 32% sur un an. Les sociétés financières américaines ont tout de même presque doublé leurs émissions pour atteindre environ 35 milliards d'euros, selon les données de LSEG.

La tendance traduit également l'attrait pour la monnaie unique dans un contexte de fortes incertitudes autour des perspectives économiques des Etats-Unis pesant sur le billet vert et alors que Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), a récemment estimé que c'était "le moment pour un 'euro mondial'".

COÛTS, FLEXIBILITÉ et DIVERSIFICATION

"Il y a un mur de devises prêt à être déployé dans le crédit européen", confirme Matteo Benedetto, co-directeur EMEA de la syndication Investment Grade chez Morgan Stanley, qui estime qu'il y a "une tendance plus large de réallocation d'actifs vers l'euro et potentiellement loin du dollar".

Dans un rapport publié au cours du mois, les analystes d'ING arrivent également à la conclusion qu'il y a une préférence croissante pour la dette libellée en euro parmi les émetteurs mondiaux.

Cette tendance actuelle devrait se poursuivre avec les coûts d'emprunts plus faibles et la dynamique favorable du marché des changes dans un contexte de diversification vis à vis du dollar, estiment investisseurs et banquiers.

Le coût d'émission d'obligations en euros après conversion des fonds levés en dollars, sur des profils de qualité de crédit et de maturité similaires, est meilleur ou comparable pour les entreprises américaines qui émettent les mêmes obligations en dollars, confie Matteo Benedetto.

Le marché obligataire européen permet en outre une plus grande flexibilité pour les émetteurs, les sociétés américaines ayant pu exploiter des échéances de dette allant jusqu'à 20 ans en euros contre des tranches traditionnelles de 5 à 12 ans, note Giulio Baratta, à la tête des activités de financement par émission de dettes pour les entreprises chez BNP Paribas.

"Pour les investisseurs, c'est également un sujet intéressant car ils peuvent se diversifier un peu en dehors de leurs allocations de base européennes", analyse Christian Hantel, responsable des obligations d'entreprises chez Vontobel Asset Management.

(rédigé par Jaspreet Kalra ; avec Yoruk Bahceli ; version française Bertrand De Meyer, édité par Blandine Hénault)