Les grands débats et enjeux des élections en Allemagne information fournie par Reuters 07/02/2025 à 12:27
Des élections législatives anticipées se tiennent le 23 février en Allemagne, après l'effondrement de la coalition du chancelier Olaf Scholz.
Dirigés par Friedrich Merz, les conservateurs de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) sont en tête dans les sondages, avec environ 30% des intentions de vote, devant le parti d'extrême droite anti-islam et anti-immigration Alternative pour l'Allemagne (AfD), crédité d'environ 22%.
Le Parti social-démocrate (SPD) d'Olaf Scholz rétrograde de la première place en 2021 à la troisième aujourd'hui, avec 17% d'intentions de vote, soit cinq points de plus que les Verts, un de ses anciens partenaires de coalition.
Voici les principaux débats de la campagne :
- UKRAINE
Les partis de gouvernement sont tous favorables à l'idée de continuer à soutenir l'Ukraine face à l'invasion russe, tandis que l'AfD et un petit parti d'extrême gauche, l'Alliance Sahra Wagenknecht (BSW) qui pourrait ne pas atteindre le seuil de 5% des voix requis pour entrer au Bundestag, veulent la fin des livraisons d'armes à Kyiv et rétablir de bonnes relations avec Moscou.
Olaf Scholz et le SPD ont récemment adopté une position plus ouverte aux négociations avec Moscou que la CDU, les Verts et les libéraux du FDP, qui se disent notamment favorables à la livraison de missiles de croisière à longue portée Taurus à l'Ukraine, ce qu'a refusé le gouvernement sortant.
- RELANCE DE L'ÉCONOMIE
Olaf Scholz veut encourager les investissements privés et moderniser les infrastructures en mettant en place un fonds de 100 milliards d'euros qui serait indépendant du budget fédéral. Le SPD propose par ailleurs un remboursement d'impôt de 10% sur les investissements en équipement réalisés par les entreprises.
Le dirigeant des Verts Robert Habeck, ministre de l'Economie sortant, appelle comme Olaf Scholz à une réforme du frein à l'endettement inscrit dans la Constitution allemande afin de permettre une hausse des dépenses publiques.
Friedrich Merz a dit qu'il n'était pas opposé à une réforme limitée du frein à l'endettement, mais le programme de la CDU a écarté cette hypothèse. L'AfD et le FDP refusent toute hausse de l'endettement public.
Le programme de la CDU et de son alliée bavaroise (CSU) propose d'importantes baisses d'impôts sur le revenu et sur les sociétés, ainsi qu'une baisse des prix de l'électricité. Les conservateurs n'ont pas précisé comment ils financeraient ces mesures.
L'AfD souhaite pour sa part que l'Allemagne renonce à l'euro, réintroduise le Deutsche Mark et éventuellement sorte de l'Union européenne (UE).
- POLITIQUE MIGRATOIRE
Une série d'attentats perpétrés ces dernières années par des étrangers ayant trouvé refuge en Allemagne a enflammé le débat sur la sécurité et l'immigration.
Après la dernière attaque en date, le 22 janvier, la CDU a présenté pour la première fois, avec le soutien de l'AfD, une proposition de loi visant à refuser l'entrée des étrangers sans papiers sur le territoire allemand. Le texte a été rejeté de justesse par le Bundestag, où certains élus conservateurs s'en sont désolidarisés, mais il a brisé le tabou de la coopération avec l'extrême droite, principe respecté par tous les partis de gouvernement depuis la Seconde Guerre mondiale.
La CDU a de manière générale durci le ton sur l'immigration ces dernières années, après la politique de "portes ouvertes" de son ancienne dirigeante, la chancelière Angela Merkel. Les conservateurs entendent désormais repousser les demandeurs d'asile aux frontières et limiter les regroupements familiaux et la naturalisation des réfugiés.
L'AfD va plus loin en demandant la fermeture pure et simple des frontières et la suppression du droit au regroupement familial pour les demandeurs d'asile. A l'instar de Donald Trump aux Etats-Unis, certains responsables du parti rêvent même d'expulser des millions de personnes d'origine étrangère, y compris des ressortissants allemands. L'AfD est d'ailleurs activement soutenue par Elon Musk, qui a participé à un de ses meetings par visioconférence.
Le SPD a lui-même durci sa position sur l'immigration en appliquant des contrôles plus stricts aux frontières et en accélérant les expulsions, bien qu'il souhaite parallèlement faire venir davantage de travailleurs qualifiés étrangers.
En revanche, les Verts maintiennent une politique d'asile plus ouverte, encourageant les initiatives de sauvetage en mer soutenues par l'État, simplifiant les procédures de regroupement familial et renforçant l'intégration.
- ÉNERGIE
Les prix élevés de l'énergie depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie et l'arrêt des livraisons de gaz russe continuent de peser sur le budget des ménages et des entreprises, et sur la campagne électorale.
La CDU, le SPD et les Verts sont d'accord pour développer les énergies renouvelables afin de réduire les prix, mais ils divergent sur les moyens de financer cette transition : la CDU table principalement sur une hausse du prix du carbone sur le marché national (échange de quotas d'émissions, ou "droit de polluer"), tandis que le SPD et les Verts sont favorables à des subventions fédérales financées par la dette.
La CDU et l'AfD veulent par ailleurs étudier l'opportunité d'un retour à l'énergie nucléaire, une idée rejetée par le SPD et les Verts.
L'AfD est totalement opposée aux subventions en faveur des énergies renouvelables et préconise au contraire l'exploitation sans restriction des centrales au charbon et la suppression des prix du carbone pour réduire les coûts pour les utilisateurs et renforcer la sécurité énergétique du pays.
- RELATIONS AVEC TRUMP
Tous les partis s'interrogent sur la meilleure façon de traiter avec Donald Trump, qui menace d'augmenter les droits de douane visant les pays européens, mesure qui pénaliserait en premier lieu l'industrie allemande et notamment son secteur automobile, et qui envisage de réduire le soutien militaire des Etats-Unis à l'Europe, dont l'Allemagne est une des principales bénéficiaires.
Olaf Scholz a vivement réagi aux propos de Donald Trump au sujet d'une possible annexion du Groenland, territoire autonome danois, voire du Canada, tandis que Friedrich Merz s'est montré plus prudent, estimant qu'au lieu de lui "faire la leçon", il vaudrait mieux identifier de possibles domaines de coopération avec Washington, comme un accord commercial ou une stratégie commune face à la Chine.
Robert Habeck, des Verts, appelle l'UE à rester unie et à négocier avec l'administration Trump pour éviter une guerre commerciale qui pénaliserait toutes les parties.
Tous les partis de gouvernement se montrent réticents face à la demande de Donald Trump de porter les dépenses en matière de défense des pays membres de l'Otan à 5% du PIB, alors que Berlin aura déjà du mal à les maintenir au-dessus du seuil actuel de 2% une fois que le fonds de 100 milliards d'euros débloqué en 2023 aura été épuisé.
L'AfD est pour sa part totalement alignée sur les positions de la nouvelle administration américaine, dont elle partage une grande partie des idées. Sa dirigeante Alice Weidel a multiplié les échanges avec Elon Musk, dont une longue conversation sur sa plateforme X, et le milliardaire d'origine sud-africaine chargé par Donald Trump de démanteler l'Etat fédéral n'a de cesse d'afficher publiquement son soutien au parti d'extrême droite.
(Rédigé par Sarah Marsh, Maria Martinez, Riham Alkousaa, Matthias Williams et Andrey Sychev ; version française Tangi Salaün, édité par Sophie Louet)